Privatisation des Aéroports de Paris – Échec annoncé du RIP ou occasion d’une mobilisation inédite ?

Après des débuts prometteurs qui, malheureusement, n'ont pas duré plus d'une vingtaine de jours, le nombre de soutiens au Referendum d'Initiative Partagée, visant à éviter la privatisation du groupe Aéroports de Paris, est aujourd'hui très nettement inférieur à ce qu'il devrait être. La moyenne quotidienne des soutiens obtenus décroît de façon désespérante depuis maintenant trois mois, laissant augurer d'un échec. Quelles sont les causes de cette situation, quels sont les moyens pour inverser la tendance et qu'est-ce qui est en jeu ?

À mi-parcours, le RIP contre la privatisation d’ADP semble bien mal parti.

Au 21 octobre, nous sommes à 131 jours de collecte des soutiens à cette initiative et il en reste encore 143 avant la clôture, le 12 mars prochain. Tout n’est donc pas encore perdu, mais les chiffres montrent qu’il y a de quoi s’inquiéter sérieusement de la destinée de ce processus, premier du genre depuis sa création en 2008 et son adoption définitive en 2015.

Pour celles et ceux de nos lecteurs qui ne sont pas au fait de cette question, on trouvera, en fin d’article, quelques rappels sur le  groupe Aéroports de Paris, les privatisations et le RIP.

Les graphiques qui suivent ont été élaborés à partir des chiffres de collecte fournis par le site adprip.fr, lequel, fort heureusement, fournit quotidiennement les chiffres et graphiques matérialisant l’évolution de la campagne de soutiens au RIP. Nous avons choisi de leur donner une place importante dans cet article, car ils permettent de comprendre pourquoi, alors qu’il reste encore plus de 20 semaines, il va falloir un effort particulièrement intense et soutenu jusqu’au dernier moment pour obtenir le soutien de 10 % de l’électorat à cette proposition de loi référendaire.

Au 21 octobre 2019, après 131 jours, seuls 846 924 soutiens ont été collectés (courbe bleue des soutiens effectifs), alors qu’il en faudrait au minimum 2 255 427, soit 2,66 fois plus. A cette date, il manque donc 1 408 503 soutiens pour se maintenir sur la courbe minimale de soutiens (droite rouge) permettant de déclencher un referendum. Pire, si l’on ne fait rien pour modifier rapidement cette tendance, au 12 mars, date de la fin de la collecte des soutiens, le nombre de soutiens obtenus sera compris entre moins de 1,2 millions et moins de 1,8 millions, soit entre 3 et 4 fois moins que les 4,7 millions nécessaires (10 % de l’électorat) pour déclencher le referendum (les courbes en pointillés représentent des projections effectuées à partir de la réalité observée dans la période passée).

 

Au fil du temps, le nombre de soutiens restant à collecter chaque jour évolue en fonction du nombre de soutiens déjà collectés.

Au premier jour de la collecte, ce nombre était de 17 217 (soit 4 717 396 électeurs divisé par 274 jours de collecte). Cette moyenne théorique est matérialisée par la ligne horizontale verte.

La courbe moyenne des soutiens quotidiens (tirets bleus) arrive à un pic de près de 32 000 soutiens le 21 juin. Depuis, elle ne cesse de décroître pour croiser la moyenne théorique le 11 juillet et atteindre la valeur de 6 465 au 21 octobre.

La “moyenne minimale” représente le nombre minimum de soutiens à collecter chaque jour jusqu’au 12 mars 2020 pour atteindre les 10 %. Sa courbe (tirets rouges) évolue à l’inverse de la courbe moyenne des soutiens obtenus: elle augmente lorsque la moyenne des soutiens diminue. Au 21 octobre, il faudra collecter non plus 17 217 soutiens, mais 27 066 (près de mille de plus), chaque jour, pour espérer atteindre la cible.

Plus préoccupant que le bas niveau de cette collecte, c’est sa tendance qui semble, pour l’instant, être résolument à la baisse, à l’exception de deux pics visibles, l’un au 13 août (plus de 9 000 soutiens) et l’autre les 18 et 19 septembre (près de 7 500 soutiens par jour). Mais même ces pics sont inférieurs aussi bien à la moyenne théorique qu’à la moyenne dite “minimale” du moment.

Au vu de ces chiffres, même s’il reste plus de la moitié du temps prévu pour terminer la collecte des soutiens, on peut considérer que la situation est grave. Il est vital d’inverser rapidement et durablement cette tendance si l’on veut “sauver le RIP”. Ce n’est pas encore hors d’atteinte : si 15 000 personnes arrivent chacune à collecter 2 soutiens par jour (14 par semaine), on arriverait à près de 30 000 soutiens par jour. Encore faut-il être, dès maintenant, 15 000 sur tout le territoire et pendant un peu plus de 20 semaines sans discontinuer. Un véritable défi.

Quelles sont les causes d’une aussi faible participation ?

Lors du premier tour de l’élection présidentielle en France en 2017, près de 10 millions de voix se sont exprimées en faveur de candidats “de gauche” (9 978 128 exactement – JL Mélenchon, B. Hamon, P. Poutou et N. Arthaud). De plus, 10 478 455 électeurs s’étaient abstenus et, parmi eux, se trouvait un grand nombre ayant refusé de participer au motif que les règles de la démocratie ne leur permettait pas de participer à la vie politique de leur pays (1). Sur cette base de plus de 20 millions d’électeurs, difficile d’imaginer qu’il ne s’en trouvera pas au moins un quart (5 millions) pour se positionner contre la privatisation d’entreprises publiques et engagés dans la promotion du Referendum d’Initiative Partagée.

Et pourtant, les chiffres le montrent cruellement, la tendance actuelle nous emmène tout droit à l’échec. Pour quelles raisons ?

Une campagne de soutiens quasi absente de la majorité des media

Sur ce sujet, l’ensemble des media sont étonnamment silencieux. A l’exception de “flash” d’information au début de la collecte, nous n’avons vu aucun media audiovisuel nous rappeler l’importance de cette campagne de soutiens, nous informer précisément sur les modalités d’enregistrement des soutiens et nous alerter sur les chiffres particulièrement alarmants. Les rares irruptions sur ce sujet sont plus le fait de certains organes de la presse écrite, qui rappellent régulièrement le nombre de soutiens obtenus à telle ou telle date. Pas de quoi, toutefois, attirer l’attention du lecteur distrait, encore moins déranger la nonchalante somnolence des auditeurs et des téléspectateurs. Seuls les citoyens déjà convaincus de l’urgence semblent sensibles à ces très indolores piqûres de rappel.

Étonnamment, les media du service public de l’audiovisuel restent plutôt discrets sur le sujet, alors même que leur avenir est compromis (2) et que, comme on le verra en fin d’article, privatiser “Aéroport de Paris” c’est privatiser un service public et un bien public.

Cerise (amère) sur le gâteau, le Conseil Constitutionnel vient de déclarer que “le principe de pluralisme des courants d’idées et d’opinions n’implique pas, par lui-même, que des mesures soient nécessairement prises, notamment par le gouvernement, pour assurer l’information des électeurs sur les modalités et l’enjeu [du RIP]” (3). Comment se fait-il, alors, que les chaînes publiques de radio et de télévision soient tenues de faire la publicité des campagnes électorales ?

Du fait de cette absence de pédagogie autour du RIP, comment s’étonner que certains citoyens s’imaginent que le referendum aura lieu par le simple fait que la proposition loi sur le RIP a été déposée, et n’ont pas compris que, faute d’un nombre suffisant de soutiens, cette proposition de loi ne sera même pas examinée ?

Un processus laborieux de collecte des soutiens ?

Beaucoup l’ont affirmé, le site internet mis en place pour collecter les soutiens n’est pas des plus faciles à utiliser. Certes, on n’est pas là sur un site marchand qui ne vous lâchera pas tant que vous n’aurez rien acheté. Pas de fenêtres “pop-up”, de paillettes, de publicité ou autre affichage racoleur. Mais la procédure y est clairement expliquée et l’auteur de ces lignes a réussi du premier coup à enregistrer son soutien et celui de certains proches. Et il n’est certainement pas le seul.

Toutefois, il est étonnant de constater que les mêmes media qui ne nous parlent plus du RIP depuis des mois, ont été nombreux à affirmer, dans les premières semaines, que le site de collecte était “opaque”, “pas bien fait”, voire qu’il présentait des bugs. Comme s’il s’agissait de décourager le citoyen plutôt que de l’encourager à ne rien lâcher.

“On a le temps”…

Neuf mois pour recueillir les soutiens, cela peut sembler beaucoup et certains seront tentés de se dire “j’ai le temps”, “y a pas le feu”… Sauf que, lorsque l’on voit les chiffres et les tendances, il y a de quoi remettre en question ces apparentes certitudes. D’autant plus que la pression du quotidien et la volatilité de l’information font souvent passer à l’arrière-plan ce qui, de prime abord, est perçu comme important (4). Donc non, nous n’avons pas le temps. Car, si enregistrer son soutien ne prend au final pas beaucoup de temps, il faut penser à tous ceux qui ne l’ont pas fait et prendre le temps d’en parler autour de soi. A condition, bien sûr, de se sentir concerné par la chose.

Un manque cruel de coordination et de communication autour des actions de soutien au RIP

Partout en France, des gens se mobilisent pour informer leurs concitoyens, pour aider certains à enregistrer leur soutien au RIP. Et cela est plutôt rassurant. Mais il y a un écueil de taille, car ces actions manquent souvent de coordination, voire de publicité.

Un exemple parmi d’autres : le site “signons.fr” , qui s’est ouvert très rapidement après le début de la collecte des soutiens, permet à tout membre inscrit de déclarer une action à venir. Si l’adresse de l’action est suffisamment précise, elle sera affichée sur une carte de France et les détails seront facilement accessibles. Seulement voilà, très peu d’actions sont déclarées : les bonnes volontés, trop concentrées sur leur action, ne pensent pas à en faire la publicité. Personnellement, j’ai constaté plusieurs actions dans ma région le mois dernier (Mivervois, Narbonne et environs), alors même que la carte du site était désespérément vide entre Montpellier, Perpignan et Carcassonne.

De plus, ce site ne permet pas actuellement d’identifier les membres inscrits et il est, du coup, impossible de contacter qui que ce soit pour organiser et coordonner des actions d’ampleur (5). Du coup, la petite armée de fourmis qui s’épuise à informer et à collecter des soutiens ne trouve pas les moyens de faire véritablement tâche d’huile.

Voudrait-on mettre des bâtons dans les roues des “activistes” du RIP ?

C’est une information à confirmer, mais il semblerait que des personnes tractant pour le RIP ADP se sont vues infliger des amendes, au motif qu’elles n’appartenaient pas à un groupe déclaré (association ou parti politique).

Comment agir en citoyen conscient des enjeux ?

Qu’il s’agisse de frein à l’information par les media ou de répression (à confirmer) des actions de citoyens en faveur de ce RIP, tout indique que nous sommes en présence d’un pouvoir qui craint de se voir imposer la volonté des citoyens. Difficile, pour un gouvernement particulièrement gonflé de sa propre importance, d’accepter de se voir imposer un referendum sur un sujet qui lui tient particulièrement à cœur, à savoir une nouvelle privatisation d’entreprise publique, avant de s’attaquer à plus gros (SNCF, puis le service public lui-même – santé, éducation, etc.). Pire encore, et suprême humiliation, le résultat d’un tel referendum pourrait l’obliger à renoncer à son projet de privatisation et cela pourrait entraîner de nombreuses autres initiatives de même nature à l’avenir (6).

Il est donc crucial de ne pas rester inactifs. Si vous vous sentez concerné.e.s par cette question et si vous disposez d’un peu de temps, vous pouvez :

  • informer vos proches et, le cas échéant, les aider à enregistrer leur soutien,
  • rejoindre des groupes existants qui informent leurs concitoyens et les aident à enregistrer leur soutien au RIP. A l’heure actuelle, il existe des groupes sur Facebook (voir en fin d’article), mais vous pouvez aussi rechercher sur les marchés ou pendant des évènements  citoyens : il peut s’y trouver des gens qui tractent, informent ou font de l’aide à l’enregistrement des soutiens,
  • former avec des proches des groupes d’aide et d’information,
  • organiser des réunions d’information suivies d’enregistrement de soutiens.

Dans tous les cas, vous pouvez vous inscrire sur la plateforme “signons.fr”. Certes elle nécessite des améliorations, mais celles-ci devraient intervenir prochainement. Le Clairon ne manquera pas de vous en informer.

Au-delà de la question des privatisations et de celle de la réussite de la première édition d’un referendum d’initiative partagée, une autre motivation à l’action est aussi de résister, de tenir tête, pacifiquement mais résolument, à un pouvoir qui, depuis bientôt un an, a fait la preuve de sa préférence pour une répression brutale, et dont les actes contredisent décidément trop les paroles.

Jean Cordier, pour le Clairon de l’Atax, le 21 Octobre 2019

S'informer et Agir - Quelques références

Afin de compléter l’information sur les enjeux de ce RIP, vous trouverez ci-dessous trois “encadrés” visant à préciser l’information sur les tenants et aboutissants du RIP contre la privatisation du groupe Aéroports de Paris.

Aéroport de Paris - Un bien public, assurant des missions de services public, groupe public très important et bien portant

Aéroport de Paris (ADP) est une entreprise française, fondée par l’État français en 1945. Elle restera un établissement public (7) jusqu’en 2005, date à laquelle sera décidée son introduction en bourse, qui interviendra l’année suivante, l’Etat restant  jusqu’à aujourd’hui l’actionnaire majoritaire (8).

Cela signifie clairement que, durant 60 ans, les imposants travaux menés par cette entreprise ont été soutenus avec de l’argent public, en particulier:

  • la construction et les extensions de l’aéroport d’Orly,
  • la reconstruction de l’aéroport du Bourget,
  • la construction et les extensions de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle,
  • etc.

Loin de se limiter à la construction, l’aménagement et l’exploitation des trois grands aéroports déjà mentionnés, le groupe ADP gère onze autres aéroports ouverts à la circulation aérienne civile en Île de France. Il est de plus très présent à l’international, où il gère une vingtaine d’aéroports répartis dans 8 pays et détient des parts allant de 10 % à 45 % dans des entreprises de gestion aéroportuaires de 9 pays.

On le voit, ADP n’est pas exactement ce que l’on pourrait appeler un groupe anecdotique. C’est, de plus, un groupe qui se porte bien, comme en attestent les chiffres de ses résultats sur les onze dernières années : entre 2008 et 2018, son chiffre d’affaires a progressé de 177 % et son résultat net de 223 %.

Dans la même période, le cours en bourse de l’action a plus que triplé (9), passant de 48,39 € au 31/12/2008 à 165 € au 31/12/2018. Ainsi, au titre de l’exercice 2018 d’ADP, l’État a perçu un dividende d’environ 173 millions € (3,46 € par action) (10) et, au 31/12/2018, les parts de l’État dans le groupe représentent une valeur supérieure à 8 milliards €.

Au passage, il n’est peut-être pas très rassurant de constater que, sur une même période, le dividende d’une entreprise augmente plus que le résultat net et que ce dernier augmente plus que le chiffre d’affaires. Peut-on y voir réellement le signe d’une bonne santé de l’entreprise, ou celui d’une spoliation consciencieuse (voire compulsive) des fameux “fruits de la croissance” au profit des seuls actionnaires ? Il est en effet douteux que l’investissement ou les salaires aient progressé dans la même proportion sur la même période.

Les privatisations ont un sens, mais lequel ?

On sait, depuis le vote de la loi PACTE (11) en mai 2019, que l’État veut privatiser ADP, c’est-à-dire vendre les actions qu’il détient dans le groupe.

Mais quel actionnaire envisagerait de céder ses parts d’un groupe qui affiche une aussi bonne santé sur une période aussi longue ? Serait-ce par crainte d’une chute brutale entraînée par une fiscalisation, encore hypothétique, du kérosène, ce carburant qui permet aux aéroplanes de se mouvoir dans les airs, au grand dam de notre environnement et de la couche d’ozone (12) ?

Bien entendu, la cause profonde de cette décision est plus ancienne et plus préoccupante. Elle tient au fait que l’État a engagé depuis plusieurs décennies une politique de privatisation systématique des entreprises publiques, autrement appelée “vente des bijoux de famille”. Certains se souviendront avec émotion des plus récentes, à savoir la privatisation des autoroutes en 2006, juste au moment ou leur exploitation devenait rentable et celle d’aéroport de Toulouse, vendue à un groupe mené par escroc chinois, vente pourtant validée récemment par la justice.

On voudra bien noter cependant, qu’à la différence des bijoux de famille, ces entreprises publiques sont tout sauf de l’argent qui roupille. Elles fournissent des emplois et produisent chaque année de la richesse pour le pays (la fameuse “valeur ajoutée”). Sans oublier que, comme pour la SNCF, Orange (13) ou le réseau autoroutier français, leurs coûteuses infrastructures n’ont pu être réalisées et entretenues que grâce à de l’argent public.

Effectuées au nom du désendettement de la France, ces privatisations semblent surtout servir une idéologie qui consiste à désengager l’État de tout service public à l’exception de l’armée, de la police et de la justice (14). Selon cette idéologie, tous les autres services publics doivent pouvoir être vendus au privé et, de ce fait, transformés en simples services marchands que seuls les moins démunis d’entre nous pourront à terme se payer. Pour le plus grand bonheur des grands groupes privés.

Ce n’est peut-être pas un hasard si :

  • des services publics comme l’éducation (écoles, collèges, lycées, universités) ou la santé (notamment l’hôpital public et la sécurité sociale) voient leurs moyens progressivement réduits, les conditions de travail durcies et leur gouvernance progressivement calquée sur le “management” des entreprises privées, privilégiant une “politique du chiffre” sur la qualité du service rendu,
  • une politique de baisse de l’impôt (15) vient opportunément priver l’État et les collectivités territoriales de ressources destinées à faire fonctionner les services publics. Ce manque à gagner a logiquement entraîné la baisse des APL, la fin de nombreux emplois aidés et permettra, au fil du temps, de justifier la restriction des moyens alloués aux différents services publics.

Un exemple tout à fait parlant de l’avenir radieux tracé par les privatisations peut être trouvé dans la dégradation continue et maintes fois dénoncée des conditions de vie des pensionnaires et de travail des employés dans les EHPAD, ces structures qui, véritables machines à remonter le temps social, s’apparentent de plus en plus à des mouroirs, mais rapportent beaucoup d’argent à leurs actionnaires.

Le RIP, un outil démocratique unissant parlementaires et citoyens

L’annonce de la privatisation prochaine d’ADP a certes levé des nombreuses oppositions, mais comment faire pour traduire cette opposition dans les faits et obliger le pouvoir à reculer ?

Jusqu’en 2015, il n’était pas possible pour la population de s’opposer à une loi votée par le Parlement, sauf à introduire des recours devant des instances telles que le Conseil d’État ou le Conseil Constitutionnel. En particulier, il n’était pas possible d’imposer au gouvernement l’organisation d’un referendum, pour demander l’avis du peuple sur le bien-fondé d’une loi.

Depuis 2015, le RIP (16), introduit en 2008 sous la présidence Sarkozy (17), entre en application. Ce dispositif permet au peuple d’imposer la tenue d’un référendum. Mais cela ne se fait pas sur un claquement de doigts. En effet, il faut réunir plusieurs conditions, dont deux qui s’avèrent particulièrement contraignantes :

  • en premier, une proposition de loi référendaire doit être déposée par 1/5ème des représentants du peuple au Parlement (Sénat et Assemblée Nationale). Actuellement, cela représente 185 parlementaires,
  • ensuite, si la proposition de loi déposée est conforme, elle doit recueillir, sur une période de 9 mois, le soutien de 10 % du corps électoral (18). En 2019, le corps électoral représente 47 173 960 électeurs. Il faut donc recueillir 4 717 960 soutiens.

Si un RIP recueille le soutien de 10 % au moins du corps électoral, le gouvernement devra soit accepter la proposition de loi, soit la soumettre au referendum de l’ensemble du corps électoral.

Un Référendum d’Initiative Partagée pour s’opposer à la privatisation d’ADP

Fait unique à ce jour dans la vie politique de notre pays, au printemps 2019, il s’est trouvé 248 parlementaires pour déposer une proposition de loi référendaire (19), et enclencher la mécanique du RIP. Après validation par le conseil constitutionnel, le gouvernement a du mettre en place la collecte des soutiens sur un site internet dédié, géré par le ministère de l’Intérieur.

La période de 9 mois de collecte des soutiens a débuté le 13 juin 2019 et s’achèvera le 12 mars 2020. A priori, cela donne du temps pour engranger les soutiens. Cependant, les chiffres analysés en début d’article montrent que ce temps ne sera peut être pas suffisant.

Si ces toutes les conditions sont réunies, un referendum pourra être organisé et déboucher sur une remise en cause de la privatisation d’ADP, si toutefois une majorité d’électeurs se prononcent alors contre cette privatisation.

On le voit, rien n’est gagné d’avance.

En fait, on peut considérer que l’enjeu de ce RIP est double :

  • d’une part, il s’agit bien sûr d’éviter la privatisation d’un service public,
  • mais il s’agit aussi de se saisir d’un outil démocratique, conçu pour qu’une partie même minoritaire de la population puisse obliger le pouvoir à organiser un referendum sur un sujet donné.

En ces temps de revendication de plus de participation à la vie démocratique du pays et de dénonciation des privatisations, il serait étrange de ne pas s’en saisir.

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Notes
  1. source Wikipedia pour les chiffres[]
  2. voir les récentes coupes dans le budget de Radio France[]
  3. article paru dans Les Echos, le 16 octobre 2019[]
  4. un peu comme le réchauffement climatique, qui ne s’impose à l’esprit de certains que lorsque la chaleur est devenue insoutenable[]
  5. contacté récemment, un des administrateurs du site a pris en compte mes remarques et des évolutions devraient se faire jour très prochainement[]
  6. c’est peut-être pour cela qu’Emmanuel Macron envisage de modifier le dispositif  du RIP en limitant le nombre de soutiens à 1 million et non plus 10 % du corps électoral (je donne d’une main) mais en réduisant sa portée aux lois en vigueur depuis au moins quatre ans (.. et je reprends de l’autre). Il faut imaginer ce que représenterait le fait d’annuler la privatisation du Groupe Aéroports de Paris après quatre ans…[]
  7. détenu à 100 % par l’Etat Français[]
  8. 50,6 % du capital, soit plus de 50 millions d’actions sur les 99 millions qui composent ce capital (chiffres au 31/12/2018) – source https://www.parisaeroport.fr/groupe/finance/actions-aeroports-de-paris/actionnariat[]
  9. plus précisément, il a été multiplié par 3,4[]
  10. source Aéroports de Paris[]
  11. Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises – Cette loi, parfois qualifiée de loi “fourre-tout” contient entre autres mesures la privatisation du groupe Aéroports de Paris et celle de la Française des Jeux. Le Sénat a voté contre ces deux privatisations[]
  12. cette couche, qui entoure notre planète, nous protège de l’action néfaste des rayonnements ultra violets d’origine solaire[]
  13. anciennement France Telecom[]
  14. ce que l’on appelle les “fonctions régaliennes de l’État”[]
  15. remplacement de l’ISF en IFI, “flat tax”, transformation du CICE en baisse permanente des charges, baisse à venir de l’impôt sur les sociétés, suppression progressive de la taxe d’habitation, baisse annoncée de l’impôt sur le revenu, etc.[]
  16. Refrendum d’Initiative Partagée[]
  17. par une modification de la Constitution[]
  18. les personnes inscrites sur les listes électorales[]
  19. exactement “Proposition de loi présentée en application de l’article 11 de la Consitution et visant à affirmer le caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Paris”[]
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2 commentaires

Marie José Lagrandcourt

Non à la privatisation des services publiques

Bonjour,

Hélas, nous aussi nombreux à tracter pour informer, mais en allant sur le site pour signer, il y a toujours des bugs.
Exemple ; vous commencez à taper votre commune, un menu déroulant apparaît : vous cliquez avec votre souris, c’est la réflexion et bien la ville n’est pas enregistrée au moment de valider pour passer à l’autre page.
Il faut pour que cela fonctionne, utiliser la flêche du bas et faire entrée.
Comment des personnes pas habituées, peuvent trouver l’astuce et ne pas abandonner ?
Comment des personnes qui passent toutes les étapes, réceptionnent leur n° de soutien et constatent plus tard, que leur soutien n’a pas été accepté ?
Combien de personnes n’ont pas vérifié plus tard que malgré leur soutien validé, il n’est pas accepté dans les jours qui suivent ?
Comment se fait-il lorsque l’on dépose une réclamation, qu’il faille attendre 2 mois pour une réponse ?

Le nombre de personnes découragées doit être aussi élevé. Et en tractant, nous constatons que 8 personnes sur 10, ne sont pas au courant.
Trop de Maires ne jouent pas le jeu, les élus de l’opposition ont lancé le RIP, mais après, c’est “débrouillez-vous citoyens ! Une censure incroyable qui ne nous permet pas de gagner le nombre de soutien. Nous vivons dans une belle démocratie….

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