(Image par Nattanan Kanchanaprat de Pixabay)
La crise financière mondiale de 2007/2008 est loin d’avoir épuisé son onde de choc sur l’économie mondiale. Pour relancer une économie capitaliste qui a toujours et encore du mal à repartir dans les pays occidentaux, leurs gouvernements soutiennent les marchés financiers en y injectant des liquidités. Cela veut dire que les banques centrales comme la BCE (Banque centrale Européenne) ou la FED (La Réserve fédérale est la banque centrale des États-Unis) accordent aux banques des prêts à des conditions extrêmement favorables, comme par exemple des prêts à 3 ans à taux nul, voire même des prêts à taux négatif. Cela signifie dans ces cas que, compte tenu de l’inflation, le prêteur perd de l’argent tandis que l’emprunteur en gagne, puisqu’en valeur il rembourse moins à la fin du prêt que ce qu’il a emprunté au début.
Pour accompagner cette injection de liquidités, ces banques centrales ont baissé leurs taux directeurs. Ces taux directeurs encadrent les taux d’intérêt que les banques pourront demander à leurs emprunteurs. Les banques centrales peuvent ainsi réguler l’activité économique et particulièrement l’inflation.
Une mauvaise idée
Depuis 2011 la BCE a orienté ses taux de refinancement à la baisse : l’idée c’est que les banques répercutent cette baisse en proposant à leur tour aux entreprises et aux particuliers des prêts à des taux “motivants”. Ainsi l’économie réelle serait dynamisée par la relance d’investissements générateurs de croissance et d’emplois. Mais en France comme en Allemagne ça ne marche pas et l’économie réelle stagne : ça veut dire que les investisseurs ne placent toujours pas assez leur argent dans les entreprises et plus généralement dans l’économie réelle.
Plusieurs raisons expliquent cet échec :
- Les banques ne gagnent plus assez en prêtant de l’argent : comme leurs activités de crédit ne sont plus assez rentables, du coup elles essayent de trouver cette rentabilité perdue, en investissant dans les marchés financiers où, si on peut gagner plus, le risque de perdre son argent est bien plus grand que pour les activités de crédit.
- Les grands investisseurs privés que sont les assureurs et les fonds de pension doivent être capables de faire face à leurs obligations, c’est-à-dire rembourser les sinistres et payer les retraites. Ils ont donc besoin d’investir l’argent de leurs cotisants dans des valeurs stables comme les titres de la dette publique, les obligations ou les actions d’entreprises en bonne santé. Mais compte tenu de la baisse de la rentabilité des obligations (1) et de l’atonie de l’économie réelle, ces grands investisseurs se sont eux aussi lancés dans les investissements dangereux sur les marchés financiers.
- Pour spéculer sur les marchés financiers, ces acteurs économiques empruntent abondamment, puisque les taux du crédit sont historiquement bas. Comme ils achètent de plus en plus d’actions et d’obligations, le cours de celles-ci augmente au point que leur valeur financière a de moins en moins de rapport avec leur valeur économique réelle. Ainsi se développent des bulles financières spéculatives qui augmentent encore l’instabilité des marchés, ce qui décourage ces acteurs économiques d’investir dans le long terme, c’est-à-dire dans l’économie réelle.
- Ce décalage avec l’économie réelle a généré un climat d’incertitude et de défiance chez les investisseurs qui essayent de compenser leurs investissements hasardeux en achetant des titres “sans risque” faiblement rémunérés, voire à taux négatifs !
Ce système pernicieux a raté son objectif de soutenir la croissance. Dans la zone euro, malgré les 2600 milliards injectés par la BCE dans le système financier, l’économie stagne voire déprime et le chômage se maintient à des taux élevés.
Variation du PIB (Source Eurostat)
Peut-on sortir de ce piège ?
Cela parait difficile dans un contexte où domine le modèle néolibéral qui a mis en place cette situation contradictoire où l’on arrose les investisseurs d’argent facile, tandis que les politiques d’austérité réduisent les revenus du plus grand nombre. La fin de la politique de taux bas pratiquée par la BCE, risquerait de secouer durement une sphère productive déjà mal en point, d’autant plus que les politiques de rigueur budgétaire (2) menées actuellement par la majorité des gouvernements européens ralentissent l’activité économique réelle, donc la création d’emplois, etc.…
Pourtant, lorsqu’on examine l’évolution récente des PIB Français et Allemands, indicateurs fétiches de la croissance, on constate que la France résiste mieux au marasme économique. L’explication avancée par de nombreux experts souligne que les prestations, aides publiques et allocations diverses, encore en vigueur en France, permettent de mieux soutenir la consommation des ménages, qui est le moteur principal de la croissance [[En 2017 la consommation des ménages représentait 53% du PIB]]…
Alors pourquoi s’acharner à poursuivre ces politiques mortifères d’austérité ?
La politique des taux bas pratiquée par la BCE est contreproductive du fait de la mauvaise volonté des investisseurs qui préfèrent la spéculation financière, à quoi s’ajoutent les politiques gouvernementales soumises aux intérêts de puissants acteurs privés. En France, droits dans leurs bottes, Macron et consorts, tout en feignant le sauvetage des services publics et en protestant de la pureté de leurs intentions, créent les conditions de leur privatisation. (3).
Puisque les acteurs privés se sont montrés incapables, malgré l’abondance d’argent disponible à taux bas, de soutenir en investissant sur le long terme l’indispensable transition écologique et sociale, la démonstration est faite : seule la dépense publique pourra créer les conditions et moyens nécessaires à cette transition.
Louise B. Velpeau pour le Clairon de l’Atax le 20/11/2019
Notes :
- suite aux rachats massifs de titres de dette par les banques centrales⇗
- réduction des dépenses publiques, blocage des salaires, privatisations⇗
- Voir dans cette édition la brève de la rédaction sur la réforme des retraites⇗
Bien vu, mais la dépense publique pourrait de concert soutenir l’investissement des entreprises pour reconquérir des marchés intérieurs (certains appellent cela du protectionnisme). Comment en effet penser croissance et compétitivité sans maîtriser un minimum son marché intérieur face à la concurrence déloyale?
qui peut le plus peut le moins et la dépense publique ferait ainsi d’une pierre deux coups, soutien et relance de l’économie d’une part et croissance et compétitivité de l’autre. Mais il parait que Bruxelles n’aime pas bien;