A quoi Macron joue-t-il ?

Il est donc difficile de trouver une cohérence politique dans l’exercice de son premier mandat et du début du second, si ce n’est de servir les intérêts de ceux qui l’ont fait élire.

Premier de cordée (Image par Grégory ROOSE de Pixabay)

A quoi Macron pense-t-il ? Tout au long de son mandat fleurissent des prises de position contradictoires, il saute de l’une à l’autre comme dans un jeu de marelle. Lorsqu’il a, avec ses soutiens, vendu sa candidature au bon peuple pour les présidentielles de 2017, le gimmick qui faisait fureur était l’expression «en même temps». Fabuleuse polysémie, excellent recyclage d’une expression qui existait bien avant Macron et son équipe : chacun y trouve ce qui l’intéresse. Pour les uns, ce sera le signe d’une maîtrise dialectique qui lui permettra de dépasser les conflits bloquant la société, pour d’autres ce sera le témoignage de sa capacité de négocier gagnant / gagnant comme on dit dans le commerce, etc….

Mais à  l’usage rien de tout cela ne s’est concrétisé. Ce n’est pas “en même temps” qu’il a assumé et dépassé des positions contradictoires, mais il a changé d’avis de façon aléatoire pour faire face à des situations qu’il ne maîtrisait pas. Il est donc difficile de trouver une cohérence politique dans l’exercice de son premier mandat et du début du second, si ce n’est de servir les intérêts de ceux qui l’ont fait élire. Il s’agit des Français le plus riches et de tous ceux qui trouvent intérêt à les servir. Pour le reste, il a réussi à fâcher presque toutes les composantes de la société. Mais de cela il n’a cure : il gardera le cap quoiqu’il arrive, tout au plus retardera-t-il telle réforme, le temps que la contestation se calme, mais il gardera le cap. C’est ce qu’il avait expliqué à un journaliste alors qu’il commençait à être contesté lors de son premier mandat.

Servir les intérêts de ceux qui l’ont fait élire consiste, dans un pays comme la France aux capacités industrielles réduites et à la balance commerciale déficitaire, à transformer ou réduire les institutions de l’État solidaire de manière à orienter les flux financiers qui leur sont consacrés, vers l’entreprise privée et les marchés. Des services publics comme l’éducation nationale et le système de santé sont déjà bien rognés, le système des retraites constitue un gisement “de pognon de dingue” très intéressant auquel Macron et ses commis s’attaquent à présent…

Macron n’est pas le premier à s’attaquer à l’État Providence pour le dépouiller, mais à part peut être Juppé en 1995, il est celui qui le fait avec le plus de maladresse. Il a soulevé une révolte générale contre son projet de réforme des retraites, réussi à recréer un front syndical et maintenir une union de la gauche vacillante.

Au début de son second mandat, Macron n’a actuellement que peu à perdre : il ne sera pas rééligible au bout de son quinquennat et, comme il l’a cyniquement expliqué à un journaliste en décembre 2022 : « En 2027 je ne serai pas candidat, je ne serai donc pas comptable de ce qui arrivera ».

Cette déclaration  ouvre des perspectives inquiétantes, parce que le souci d’être réélu ne peut plus fonctionner comme principe de réalité face aux ambitions du chef de l’État. Le danger est réel car, comme beaucoup de ses affidés, Macron croit profondément au mythe qui l’a fait vendre en 2017 aux électeurs  : il a l’étoffe d’un premier de cordée, il tient une position prépondérante au sein de “l’élite” du pays. Il est donc à même de gouverner le peuple, moins instruit et régenté par toutes sortes de passions et d’affects. Il se pense donc légitime à décider, même contre l’avis des Français si cela s’avère nécessaire. Ainsi Macron n’a pas hésité à employer une violence disproportionnée pour réprimer le mouvement des gilets jaunes et il n’est pas aberrant de penser que cela pourrait se reproduire.

Pour le moment Macron  et ses affidés déploient ce que l’on pourrait appeler une « gouvernance chafouine ». Elle associe d’une part le remplacement des institution démocratiques de consultation, destinées à éclairer les décisions du politique, par des simulacres de consultations publiques, destinées à légitimer les décisions de l’exécutif et, d’autre part, une puissante action de fabrication du consentement du peuple, menée par des médias aux mains des ultra-riches. C’est ainsi que Macron et son gouvernement lancent à grand fracas des  consultations comme la « Convention citoyenne pour le climat » ou la consultation CNDP sur l’avenir du nucléaire, dont ils ne retiendront que ce qu’ils voudront, ou encore des “comités Théodule” comme le «Conseil de surveillance de la betterave sucrière», destiné à justifier le maintien de l’emploi de pesticides par l’agro-industrie.
L’apparence d’exercice démocratique est sauvée tandis que la violence du pouvoir autocratique se renforce.

De l’avantage des situations de guerre ou de crise aigüe : elles permettent à l’exécutif de prendre à titre exceptionnel des mesures coercitives. Cela a été le cas pour la pandémie Covid 19 qui a justifié la décision par l’exécutif de confiner la France, en l’absence de toute consultation démocratique.  La guerre larvée qui se développe autour du conflit russo-ukrainien présente à ce titre de nombreux avantages politiques et économiques. Le cas échéant, elle permet à l’exécutif de mettre le débat démocratique en sommeil au nom de l’”union sacrée”.  Elle permet aussi d’abreuver l’industrie de l’armement par des flots d’argent public, sans trop de justifications et sans soulever trop de critiques, puisqu’il y va de l’intérêt supérieur de la nation.
E. Macron s’est déjà engouffré dans cette opportunité : il a annoncé le vendredi 20 janvier que les armées bénéficieront d’un budget de 400 milliards d’euros sur la période 2024-2030, dans le cadre de la future loi de programmation militaire (LPM), soit un tiers de plus que l’enveloppe de la précédente LPM.

Face à ces perspectives peu réjouissantes, les mouvements sociaux en cours apportent un peu de réconfort. On assiste à un renforcement du syndicalisme, qui attire de nouveaux adhérents et qui démontre en créant un front commun, en déployant des capacités d’organisation et de négociation, qu’il est en mesure de constituer un contre pouvoir efficient. De leur coté les partis de gauche semblent aussi tenir leur coalition. Ces dynamiques en cours pourront-elles perdurer et s’opposer durablement à la politique gouvernementale ? Il est trop tôt pour l’espérer.

Quo usque tandem abutere, Macronus, patientia nostra !

Hubert Reys pour le Clairon de l’Atax le 22/02/2023

 

 

 

 

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1 commentaire

Ce matin on apprend qu’ il a décoré de la légion d’honneur ( en catimini ) Jeff Bezos, et pourquoi ? A-t-il rendu des services à la France.
Ce président perdu le sens des réalités, cet homme 4e personnage le plus riche du monde, un camouflet pour tous les Français qui se battent pour une retraite décente

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