Relance du nucléaire par Macron : La réaction de SDN 11

La relance du nucléaire annoncée par E. Macron le 10 février dernier a soulevé beaucoup de réactions. Comment un sujet aussi crucial peut-il être traité avec autant de désinvolture et sans débat ? Voici la réaction de Sortir du Nucléaire 11

La rédaction du Clairon

 

  

    Alors que la campagne pour les présidentielles s’accélère, le président-pas-encore-candidat (au moment où ces lignes sont écrites) nous a promis un avenir énergétique radieux et irradié. Autour du zinc, dans les dîner de famille ou en ville, dans les causettes avec les collègues, nous ne manquons pas d’être interpelés : « alors, vous les écolos, vous voulez ni des centrales ni des gaz à effet de serre, comment vous faites ? ». Ainsi en préambule, il faut tordre le cou à cette musique de fond qui voudrait que l’électricité nucléaire soit décarbonée, voire écolo (sic !).

  Les centrales en « brulant » leur combustible, rejettent relativement peu de ces gaz, essentiellement de l’hexafluorure de soufre bien plus nocif pour le climat que le CO2. Donc, leur empreinte carbone serait relativement faible et c’est ce que vous voyez sur votre facture ou les pubs EDF. Récemment, un article du Canard enchaîné avait titré à ce sujet «Astérisque chez les bonimenteurs ». Ben oui, quand on parle d’empreinte carbone, il s’agit du cycle de vie (approche ACV). Donc, en amont, il faut ajouter celle de l’extraction, du transport et du traitement du minerai. Ajoutez-y la fabrication du «combustible». Ajoutez-y un zeste de la pléthorique bureaucratie (IRSN, ASN, AIEA, ANDRA…) et pourquoi pas les énormes dispositifs de sécurité pour traquer les militants. Et ce n’est pas tout, il y a à l’aval, le démantèlement des installations et la gestion des déchets de fabrication comme à Malvezy. Tout ça peut être évalué mais nous n’avons jamais eu connaissance de la méthodologie. EDF se contente de répondre qu’elle correspond aux normes ISO 14040. En allant sur le site de l’ISO (https://www.iso.org/fr/standard/37456.html), on lit : « Elle ne décrit pas en détail la technique de l’analyse du cycle de vie, ni les méthodologies spécifiques de chacune de ses phases ». Que comprendre ?

    Quoiqu’il en soit, pour être exhaustifs, ce sont toutes les étapes du cycle de vie qui devraient être évaluées.  Oui, mais, il y a une inconnue totale : le démantèlement des installations et la gestion des déchets sur de très, très, très longues périodes. Ainsi, d’après EDF, pour les éoliennes, dont le cycle de vie est parfaitement connu, les émissions d’équivalent CO2 seraient de 11 g/Kwh et pour le nucléaire sur lequel on ignore pas mal de choses : 12 g/kWh. Une méta analyse menée au niveau mondial a quant à elle évalué cette empreinte carbone à 66 g/kwh. C’est le chiffre que reprend l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) dans ses évaluations mais pour le lobby nucléaire, il s’agirait d’une coquille !
Conclusion : proclamer que l’électricité nucléaire est décarbonée est, en étant polis, un abus de langage. Pour être plus directs, c’est de l’enfumage ! Mais que voulez-vous, c’est une application du théorème du clou. Frappez encore et encore, il ne remontera jamais

    Venons-en au vif du sujet. La France est le pays le plus nucléarisé au monde par habitants. Le programme a été lancé suite au premier choc pétrolier pour garantir notre indépendance énergétique. C’est du moins le discours qui nous a été servi sans rien demander à personne. C’est historiquement faux, le programme était prêt et faisait l’objet d’âpres rivalités souterraines sur la filière qui serait adoptée. Le choc pétrolier n’ayant été que le déclencheur. Entre autres, vous trouverez sur Internet, le témoignage direct de Jacques Rey

    Et la Macronie est en train  de nous en jouer un remake. Il ya quelques jours, sur France-Inter, Bruno Lemaire pour justifier l’injustifiable nous assénait : “personne n’avait vu venir la gravité de cette crise énergétique”. Vaste rigolade, il doit bien être le seul, depuis un demi siècle, les écolos et des scientifiques nous alertent sur la question : rapport Meadows en 1972, campagne de René Dumont en 1974

    Yannick Jadot, comme d’autres dirigeants de gauche a réagi aux annonces de Macron mais comme ancien cadre de Greenpeace, il a quelques compétences. Pour comprendre les jeux et enjeux de ces annonces, je vous recommande l’excellent article d’Hervé Kempf dans Reporterre ; « Nucléaire, le naufrage de la classe politique ». Citation : [c’est] « l’incapacité de la classe dirigeante française à penser le monde actuel. Incapacité qui explique que ce pays régresse sur tous les plans, celui des libertés n’étant pas le moindre, celui de l’intelligence collective étant le plus significatif. » Ajoutez-y une tribune de l’observatoire du nucléaire : « Macron passe un peu vite sur un détail : la finance ». En résumé, ce programme est le fruit de politiques déboussolés qui ne savent que trouver pour appâter le chaland et de plus, il est impayable ! Quand aux ingénieurs de l’ADEME, ils doivent être particulièrement frustrés. Médiapart a révélé qu’ils venaient de rédiger un rapport montrant que la construction de nouveaux EPR était inutile. Vous l’avez lu ? Bizarrement, leur ministère de tutelle retarde sa publication…

    La vérité est que nous vivons dans une société d’ébriété énergétique. Cette attitude nous envoie direct dans le mur et nous devons d’urgence passer à la sobriété énergétique, dans le respect de la justice sociale. Macron comme d’autres a peur de le dire et veut nous faire croire que l’on va continuer comme avant en remplaçant tout ce qui consomme de l’énergie par l’électricité qui par ailleurs n’est pas une énergie mais un vecteur d’énergie. Cela signifie que pour avoir de l’électricité, on utilise une énergie primaire avec au passage des pertes de rendement. Pourtant, EDF elle-même le dit, nous ne réussirons la transition énergétique qu’en divisant par 2 notre consommation d’énergie primaire. Le lobbyiste pronucléaire bien connu, Jancovici, estime pour sa part ce facteur à 7 ou 8 !

    La solution macronienne : du nucléaire mais aussi du « renouvelable » avec 50 fermes éoliennes en mer. Réaliste ? En Méditerranée, il y en aurait maximum 4, couvrant 27 % des 14 000 km² du Golfe du Lyon comme nous avons pu le démontrer lors du débat public sur le développement de l’éolien flottant. Les 46 autres, elles seront où ?

     Les promesses du président-pas-encore-candidat n’ont pas d’autre but que de nous faire croire qu’un avenir radieux est devant nous en masquant les vraies problèmes et solutions. Nous ne manquons pas de billes pour démonter son discours. Ne vous privez pas ! Sortir du nucléaire n’est pas du yak-fokon. Cela va prendre du temps, beaucoup d’Euros, nécessitera la conversion de dizaines de milliers d’emplois vers le démantèlement et les énergies renouvelables… Quant aux investissements dans de nouveaux moyens de production, de toute façon, ils sont inévitables tout comme la refonte des réseaux de distribution d’électricité ! Et à terme, nous serons certains de vivre dans un pays débarrassé de cette épée de Damoclès. Dans le cas contraire, c’est l’avenir irradié ! Qui plus est, le « tout électrique » est un leurre, les ressources en cuivre de la planète n’y suffiront pas, les mines voient leur rendement diminuer et les réservent s’étiolent. C’est ce qu’a montré un rapport du BRGM de 2019.

    L’avenir nous appartient, ce n’est pas au président-pas-encore-candidat d’en disposer et cette orientation fondamentale pour toute activité sur terre doit faire l’objet d’un profond débat dans le pays, tout en restant à l’abri des influenceurs maléfiques.

Albert Cormary pour SDN 11

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