Les gouvernements qui se succèdent en France depuis près d’une cinquantaine d’années, mettent en œuvre avec plus ou moins d’efficacité des politiques inspirées de la pensée néolibérale. Les mesures qui en découlent visent à provoquer et entretenir une croissance continue par une politique de l’offre qui rendrait les produits et services français compétitifs sur le marché national et mondial. Pour y parvenir il s’agirait de diminuer les coûts de production et particulièrement un coût du travail considéré comme excessif, qu’il s‘agisse des salaires versés directement aux travailleurs, ou des couts indirects provoqués par les prestations sociales. Cette politique appliquée avec constance n’aboutit cependant pas aux résultats escomptés, bien au contraire. Les crises et déficits s’enchainent : loin de changer de logiciel, nos dirigeants s’acharnent à réduire le coût social du travail, responsable selon eux des échecs de l’économie française. (1).
Après s’être attaqués aux retraites E. Macron et son gouvernement et ses alliés s’attaquent à présent au RSA (Revenu de Solidarité Active) une prestation sociale destinée aux chômeurs qui vise leur retour à l’emploi. La communication gouvernementale, relayée par les médias de formatage, vise à persuader l’opinion, à coup d’approximations et de contrevérités, du caractère socialement et économiquement contre-productif de ce dispositif. Cette campagne de propagande connait actuellement un certain succès, il faut bien le reconnaitre.
Rogner le financement du RSA contribuerait à mieux réduire la dette de la France plutôt que de taxer les superprofits des milliardaires du CAC 40 ? C’est ce qu’ont l’air de penser E. Macron et ses affidés.
C’est dans un tel contexte que le Clairon de l’Atax a souhaité présenter à ses lecteurs l’article documenté de Dominique Senac sur le RSA. Nous leur souhaitons une lecture attentive de ce texte qui fait la part des choses et rétablit certains faits embarassants pour nos gouvernants.
La rédaction du Clairon
Arguments à propos du RSA et de « l’assistanat »
Le Revenu de solidarité active (RSA) est une « prestation de protection sociale », une « aide en faveur de l’emploi et de l’insertion professionnelle ». Elle découle de « la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat » du 21 août 2007, dite « loi TEPA ». Le RSA se substitue au RMI créé en 1988. Son montant s’échelonne actuellement de 607, 75 euros pour une personne seule sans enfant, à 1519, 39 euros pour un couple avec 3 enfants et ne bénéficiant pas de l’Aide personnalisée au logement (APL). A titre de comparaison le SMIC brut est passé à 1766,92 euros mensuels depuis le 1er janvier 2024.
Qui sont les ayant droits au Revenu de solidarité active (RSA) ?
On recense près de 2 millions de bénéficiaires du RSA. Pour y avoir droit, il faut remplir plusieurs conditions, notamment : être adulte de plus de 25 ans (ou être jeune actif de 18 à 24 ans ayant travaillé au moins deux ans à temps plein ou bien encore, être parent isolé), n’avoir aucune ressource, résider en France de manière stable et régulière. En un mot : ce sont des pauvres ; des « indigents » comme on disait autrefois ; le plus souvent des chômeurs de longue durée. La France compte 5,3 millions de pauvres si l’on fixe le seuil de pauvreté à 50 % du niveau de vie médian (salaire médian net en 2023 est de 2187€ net/mois) et 9,1 millions si l’on utilise le seuil de 60 %, selon les données provisoires 2021 (dernière année disponible) de l’Insee. Dans le premier cas, le taux de pauvreté est de 8,3 % et, dans le second, de 14,5 %. Quel que soit le seuil utilisé, la pauvreté augmente en France depuis le milieu des années 2000. Souvent par déficit d‘information, des millions de personnes qui pourraient prétendre bénéficier du RSA n’en font pas la demande (Lire à ce propos l’excellent dossier du Monde (2).
En 2022, le nombre de sans domicile fixe en France était de 330 000 personnes, il a été multiplié par deux en dix ans (JO Sénat 18/01/2024).
Mendiant (Image par Dean Moriarty de Pixabay)
L’inflation : un drame pour les pauvres provoqué par les ultra-riches
Le 23 novembre 2023, Michel-Edouard Leclerc se réfère à un rapport de l’Inspection générale des Finances (IGF) et dénonce sur l’antenne de Sud-Radio les marges des industriels internationaux responsables de 20% de l’inflation. (Capital 23/11/2023). Toute la population subit un brutal recul de son pouvoir d’achat. Pour les plus fragiles et notamment les bénéficiaires du RSA c’est un drame. L’Observatoire des inégalités constate (15/01/2024) : « Si les effectifs des allocataires de minima sociaux restent globalement stables, la question de la revalorisation du montant des prestations devient cruciale en période de forte inflation. Pour des personnes qui n’épargnent rien, chaque hausse de prix non compensée se traduit par des restrictions fortes sur des postes essentiels, comme la nourriture, le chauffage ou l’habillement. C’est d’autant plus vrai pour des ménages chez qui l’indice des prix à la consommation – calculé pour un ménage moyen – reflète mal la hausse qu’ils subissent car, pour eux, la part des produits de base et de l’énergie est plus importante dans leur budget. Selon la note de conjoncture de l’Insee du mois de mars dernier, l’inflation, pour un ménage âgé de plus de 75 ans, habitant à la campagne et classé dans le cinquième des revenus les plus bas, atteignait 9 % en janvier 2023, soit trois points de plus que la hausse des prix concernant l’ensemble de la population. Au total, depuis le retour de l’inflation en 2021, le rythme d’indexation est très fluctuant selon les années mais, au bout du compte les allocataires de minima sociaux accumulent une perte de pouvoir d’achat significative. Dans un document récent, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) fait état, pour l’année 2021, d’une baisse de 2,7 % du pouvoir d’achat des bénéficiaires du RSA. Si l’année 2022 a vu une revalorisation à la hauteur moyenne de l’inflation, ce n’est pas la maigre augmentation de 1,6 % consentie en avril 2023 qui peut compenser, pour cette année, la hausse des prix de 5 %. Les allocataires du RSA et de toutes les prestations familiales devront attendre avril 2024 pour connaitre une revalorisation de 4,6 %. Une note de la Fondation Jean-Jaurès calcule que la perte cumulée de pouvoir d’achat du RSA en trois ans, de mi-2020 à mi-2023, atteint 30 euros par mois, soit 5 % du montant de l’allocation de base. Au vu de ces chiffres, il devient compréhensible que les Restaurants du cœur voient un afflux de population auquel ils ont du mal à faire face. Compter sur les bénévoles pour pallier le désengagement de l’État est une solution qui atteint ses limites. Fonder des espoirs sur une hausse des revenus d’activité semble assez illusoire, alors que les créations d’emploi vont se tarir. » (3).
Le Monde (26 /03/2023) : « En Europe, l’inflation provoque une flambée des vols de nourriture dans les magasins » ; « De la Grèce au Royaume-Uni, en passant par la France, ces vols ont fait un bond, conséquence de la hausse des prix, mais aussi du développement des caisses automatiques. »
Surendettement (Image par Mohamed Hassan de Pixabay)
Défendre le droit au RSA est-ce flatter l’oisiveté ? :
Cette question est en fait un avatar contemporain d’une très ancienne controverse. Elle résulte de la perception de la pauvreté et de la compréhension ou non de ses causes et de ses conséquences.
⇒ Sous l’Ancien Régime, la pauvreté a longtemps été considérée comme une punition divine ou une fatalité. Le curé de la paroisse était en charge de la charité. Dans les premiers mois de la Révolution française, en octobre 1789, l’auteur de l’« Appel à la charité publique en faveur du bureau de filature des pauvres » écrit encore : « […] on peut dire, à la louange de notre siècle, que jamais la bienfaisance publique ne s’est signalée par des effusions plus abondantes, par un plus grand nombre d’institutions destinées au soulagement des malheureux. » Sa pensée est empreinte de morale chrétienne et particulièrement du précepte suivant : « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » (Genèse 3 :19). Sa démarche intellectuelle consiste à faire du pauvre le responsable de sa propre misère. A aucun moment, l’auteur de ce rapport n’évoque le contexte, la crise économique qui sévit en France depuis la fin des années 1770 et qui s’est aggravée à la veille de la Révolution. A aucun moment, il n’établit une relation de cause à effet entre l’état de l’économie et l’accroissement du chômage. Ses préjugés s’expriment ainsi : « Avec tant de secours, il doit paraitre étonnant que la misère, ou du moins la mendicité assiège encore toutes les places, tous les passages de la capitale. On ne peut faire un pas dans Paris sans être entourés de mendiants la plupart valides et d’un âge que le travail devrait préserver de l’indigence, ne serait-ce point que l’on s’est plus occupé d’assister le pauvre dans son besoin que de l’aider à en sortir ? Parlons clairement : n’est-ce point qu’on a donné au pauvre ce qu’il fallait lui faire acheter par le travail ? Tout homme en naissant contracte l’obligation de travailler, ce n’est qu’à ce prix que la nature lui promet ses secours, et le pauvre n’est pas dispensé de cette dette, mais la paresse fait éluder à l’homme ce premier des engagements, et sans l’aiguillon du besoin, il obéirait rarement aux lois de la nature. » (4)
« Laurent Wauquiez veut une Europe fière de ses racines chrétiennes » titrait La Croix (15/02/2011). Il était alors ministre de Sarkozy. Deux semaines plus tard, ce dernier, en visite au Puy en Velay, appelait à assumer sans complexe l’héritage chrétien de la France. Dans sa grande bonté, Wauquiez dénonçait le 8 mai 2011 de prétendues « dérives de l’assistanat », qualifiées de « cancer de la société française » et mentait comme un arracheur de dents à propos du RSA, affirmant sans rire qu’ « un couple qui est au RSA, en cumulant les différents systèmes de minima sociaux, peut gagner plus qu’un couple dans lequel il y a une personne qui travaille au smic ». Le journaliste du Monde n’a eu aucun mal à démontrer que tout cela ne tenait pas debout (5)
Médiavenir (2/10/2023) : « La pauvreté évolue et touche désormais de nouvelles catégories de travailleurs. Parmi eux, les auto-entrepreneurs semblent particulièrement vulnérables et se retrouvent souvent dans une situation précaire. […] Les auto-entrepreneurs proviennent fréquemment de milieux économiquement fragiles et optent pour le régime de micro-entreprise afin d’améliorer leur situation. Cette formule attire en raison de sa simplicité, de sa rapidité et de ses formalités réduites. Ceci étant dit, elle ne garantit pas nécessairement un revenu suffisant pour vivre dignement. En réalité, le faible revenu moyen des auto-entrepreneurs est généralement à peine supérieur au seuil du RSA, ce qui les place dans une situation précaire. Cette vulnérabilité financière s’explique en partie par le manque de compétences en gestion et d’accompagnement. Les auto-entrepreneurs se lancent sans disposer d’informations suffisantes sur les contraintes liées à leur statut, et découvrent trop tard que leurs revenus sont amputés par diverses charges sociales et fiscales. De ce fait, ils se retrouvent démunis face à la réalité économique et ont du mal à s’en sortir. […] Les auto-entrepreneurs sont particulièrement touchés par l’inflation et la hausse des prix du carburant. Environ un tiers d’entre eux exercent dans les services à la personne, un secteur qui nécessite souvent l’utilisation d’un véhicule. Lorsque le coût du carburant augmente, leurs charges s’alourdissent, et il leur est difficile de répercuter cette hausse sur les prix de leurs prestations sans perdre des clients. Cette situation les conduit à rogner sur leurs marges et à voir leur revenu diminuer, accentuant leur précarité financière. » (6)
attention chômeur (Image par CopyrightFreePictures de Pixabay)
A quels obstacles se heurtent les demandeurs d’emploi ?
Qualification insuffisante, éloignement du domicile, absence de moyen de transport, pénibilité, sont souvent évoqués mais ce n’est pas tout. Un travail scientifique vient régulièrement éclairer les motifs du non-pourvoi en France. Il s’agit de l’enquête « Besoins en Main d’Œuvre », réalisée sous le pilotage de Pôle emploi et du Crédoc. Pour 2017, elle indique que 7,5 % des établissements qui ont essayé de recruter n’y sont pas parvenus. Ont-ils manqué de candidats ? Effectivement, dans… 16 % des cas ! Dans l’écrasante majorité des situations, plusieurs candidats se sont manifestés, mais n’ont pas été retenus. Dans d’autres établissements, le besoin économique avait disparu, ou les moyens financiers n’étaient plus disponibles. Une telle enquête déclarative ne révèle pas non plus l’ampleur des infractions, comme les fausses offres d’emploi qui servent uniquement à compiler des bases de CV pour l’avenir. Et certaines offres n’attirent aucun candidat car elles proposent des conditions de travail très mauvaises, voire illégales : salaires inférieurs au smic (via les heures non payées), de nuit, en horaires discontinus… Le refus de certains candidats indique qu’en France, les normes légales constituent encore une référence. (7)
Selon 20 minutes (18/03/2024) « Les jeux olympiques de Paris débutent dans quatre mois et tous les postes n’ont pas été pourvus. Il y a encore 12 500 postes en attente, parmi lesquels beaucoup de contrats à courte durée (CDD). […] Près de 4000 demandeurs d’emploi se sont pressés en fin de semaine dernière au « job dating » géant (forum de recrutement) organisé par les organisateurs des JO et par France Travail (ex-Pôle-Emploi) dans le nord de Paris. » (8)
De « l’assistanat » : Qui est « assisté » sous la Ve République ?
Réagissant au scandale de la Garantie foncière qui éclate à l’automne 1971, Michel Poniatowski, proche de Giscard d’Estaing, dénonce la « République des copains et des coquins ». La presse a révélé que cette Société civile de placement immobilier (SCPI), accusée d’escroquerie (pyramide de Ponzi) et de malversations diverses, était liée à des élus gaullistes. Ce n’est d’ailleurs que l’un des très nombreux scandales liés au BTP et que l’une des innombrables « affaires » de l’histoire secrète de la Ve République dont les coulisses sont particulièrement riches en fraudes, corruption, coups tordus et autres exactions. Aucun secteur de l’économie n’en est exempt. En fait, toute l’histoire de la Ve République est constellée de scandales – souvent étouffés, mais parfois retentissants. Selon une étude d’universitaires lillois, l’Etat dépense des centaines de milliards d’euros en subventions, crédits d’impôts et exonérations de cotisations au profit des entreprises privées de toutes tailles et de tous secteurs (157 milliards d’euros en 2021), sans la moindre contrepartie. C’est deux fois le budget de l’Education nationale, et cela représente 30% du budget de l’État en 2021. Mais ça ne crée pas d’emploi et ça ne restaure pas la compétitivité des entreprises. L’essentiel de ces fonds se noie dans la spéculation.
(Frustration Magazine, 16 novembre 2022, La grande subvention : le capitalisme français sous perfusion)
Vie publique, 13 septembre 2023 https://www.vie-publique.fr/eclairage/289629-aides-publiques-aux-entreprises-un-etat-des-lieux)
Selon Le Parisien (29 /02/2024) « En France, 10% des plus riches possèdent la moitié du patrimoine total du pays ». Or, selon l’INSEE (19/11/2019), « Les personnes les plus aisées sont celles qui bénéficient le plus des mesures socio-fiscales mises en œuvre en 2018, principalement du fait des réformes qui concernent les détenteurs du capital. »
Le Monde (07 /03/2024) titre : « Des milliards d’euros de profits et de dividendes, une année record pour les entreprises du CAC40 » et précise : « Les principaux groupes français ont réalisé 153,6 milliards d’euros de profits l’an dernier. Les dividendes, 67,8 milliards d’euros, tout comme les rachats d’actions, 30,1 milliards, atteignent des montants inégalés.»
Les Échos (7/03/2024) titre : « CAC au-dessus des 8.000 points : les raisons d’un record historique » et précise : « L’indice CAC 40 a établi un nouveau record absolu à plus de 8.000 points jeudi. L’essor de l’indice parisien est sans pareil en Europe. Il domine désormais largement ses concurrents européens, porté par les performances remarquables des poids lourds français de la cote. L’indice CAC 40 pèse aujourd’hui plus de 250 milliards d’euros de plus que son rival londonien, le FTSE 100. (ERIC PIERMONT/AFP) »
La crise, ce n’est pas pour tout le monde ! Au regard de ces cadeaux aux ultra-riches du CAC40, le montant total du RSA est une goutte d’eau dans l’océan. Ce sont les Départements qui financent le RSA et sont responsables des politiques d’insertion. Le RSA est en vigueur en métropole depuis 2009 et depuis 2011 dans les Départements et Collectivités d’Outre-Mer. Il ne s’applique pas en Polynésie française, en Nouvelle Calédonie et à Wallis et Futuna. Certains Départements ont trop peu de moyens et beaucoup trop de bénéficiaires du RSA. Cela a amené l’État à « recentraliser » une partie de l’allocation RSA. Dans le projet de loi de Finances (PLF) 2023, le montant alloué au RSA recentralisé était de 1,6 milliards d’euros. (9)
De la fraude au RSA :
La fraude au RSA n’est pas un mythe. Les Echos (6/06/2023) : « la fraude sociale a atteint un « montant record » en 2022. L’an dernier, 351,4 millions d’euros de versements frauduleux ont été recensés par la Caisse nationale d’allocations familiales (Cnaf), en hausse de 13,5 % par rapport à 2021. »
Sans excuser le moins du monde la fraude au RSA, il faut tout d’abord remarquer que rapportée aux 12,9 milliards de dépense globale pour le RSA cette somme est peu importante. On peut d’ailleurs établir que la fraude des ultra riches, le plus souvent occultée par les médias, est sans commune mesure avec celle des pauvres :
Le Monde (22/10/2023) : L’évasion fiscale (profits transférés par les multinationales dans les paradis fiscaux) serait supérieure à 1000 milliards d’euros, selon l’Observatoire européen de la fiscalité. ‘
Le Monde (15/11/2023) indique que la fraude fiscale en France est pour sa part estimée entre 60 et 80 milliards d’euros par la Cour des comptes et à 100 milliards d’euros par le syndicat Solidaires Finances publiques.
« il coûte un pognon de dingue » (Image par HANSUAN FABREGAS de Pixabay)
Les effets délétères de la décomposition sociale
La crise économique, politique, sociale et culturelle a fortement dégradé l’ensemble des relations sociales dans ce pays. La décomposition sociale produit à chaque époque son lot de délinquance et d’individus ayant perdu tout repère.
La population carcérale s’élève à 76 258 personnes au 1er février 2024. C’est le chiffre de détenus le plus élevé jamais enregistré, selon les statistiques de l’administration pénitentiaire. Le nombre de détenus en France est en augmentation de 5,5% en un an. La densité carcérale globale s’établit à 123,5% De plus, 16383 personnes ne sont pas incarcérées mais placées sous bracelet électronique ou en placement externe. Les premiers chiffres de la criminalité et de la délinquance constatées en France en 2023 ont été publiés par le ministère de l’intérieur le 31 janvier 2024. La quasi-totalité des indicateurs sont en hausse par rapport à l’année 2022. La hausse est cependant moins forte que celle mesurée en 2023 par rapport à 2022.
Le Parisien (29/02/2024)
Selon l’Observatoire international des prisons (8/02/2021) : « 96,4% des détenus sont des hommes, la moitié des personnes détenues a moins de 33 ans, et plus d’un sur cinq a moins de 25 ans. Une large proportion de personnes détenues est issue d’un milieu défavorisé et connaît une situation de grande précarité, l’incarcération étant souvent le résultat d’un long processus de désaffiliation par lequel les personnes s’éloignent des systèmes sociaux. Formation : 44 % des personnes détenues n’ont aucun diplôme ; plus de 80% ont un niveau inférieur au baccalauréat ; un quart ont des besoins importants dans la maîtrise des savoirs de base ; 10% sont en situation d’illettrisme. Emploi : plus de la moitié sont sans emploi avant l’incarcération. Addiction : 38 % des personnes incarcérées depuis moins de six mois souffrent d’une addiction aux substances illicites et 30% à l’alcool. Psychiatrie : 7,3 % des personnes détenues sont atteintes de schizophrénie, 21 % de troubles psychotiques dont des psychoses hallucinatoires, 33 % d’anxiété généralisée et 40 % d’un syndrome dépressif sévère. Au total, huit hommes détenus sur dix et plus de sept femmes sur dix présentent au moins un trouble psychiatrique, la grande majorité en cumulant plusieurs et des dépendances. Les personnes sans domicile fixe et celles nées à l’étranger sont surreprésentées dans les prisons. »
Selon Statista (13/12/2023) : « On comptait quatre fois plus de mineurs victimes de proxénétisme en France en 2020 qu’en 2016, une tendance qui serait liée aux réseaux sociaux. » ; « En France, il est estimé qu’il y aurait entre 30.000 et 44.000 personnes en situation de prostitution, dont 85% de femmes et dont la majorité ont entre 25 et 44 ans. » ; « Ce qui est certain, c’est que la majorité des personnes prostituées en France vient de l’étranger, la plupart d’Afrique subsaharienne. »
Dominique SENAC pour le Clairon de l’Atax le 18/04/2024
Notes
- cf. le cri du cœur d’Emmanuel Macron en juin 2018 « on met un pognon de dingue dans les minima sociaux », annonciateur d’un renforcement de cette politique.[↩]
- https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/10/17/assistes-profiteurs-paresseux-en-finir-avec-les-cliches-sur-les-pauvres_5201892_4355770.html[↩]
- https://inegalites.fr/Inflation-le-RSA-ne-suit-pas[↩]
- https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k49177t/f564.item[↩]
- https://www.lemonde.fr/politique/article/2011/05/09/assistanat-les-mauvais-exemples-de-laurent-wauquiez_1518985_823448.html [↩]
- https://www.mediavenir.fr/pauvrete-2-0-auto-entrepreneurs-devenus-nouveaux-laisses-pour-compte/]]
Le droit au secours s’est peu à peu substitué à la charité
⇒Pourtant les Lumières s’étaient emparées de cette question. Dans la philosophie des Lumières, le matérialisme français du XVIIIe Siècle occupe une place importante mais non majoritaire. Montesquieu, écrit, par exemple : « Les richesses d’un État supposent beaucoup d’industrie. Il n’est pas possible que, dans un si grand nombre de branches de commerce, il n’y en ait toujours quelqu’une qui souffre & dont, par conséquent, les ouvriers ne soient dans une nécessité momentanée. C’est pour lors que l’Etat a besoin d’apporter un prompt secours, soit pour empêcher le peuple de souffrir, soit pour éviter qu’il ne se révolte : c’est dans ce cas qu’il faut des hôpitaux, ou quelque règlement équivalent, qui puisse prévenir cette misère. » (Montesquieu, De l’esprit des lois, XXIII).
⇒Ces réflexions aboutissent, sous la Révolution française, à de tout autres conception et perspective que celles envisagées autrefois. Le rapport du Comité de mendicité du 12 juin 1790, présenté par La Rochefoucauld-Liancourt, affirme que « La misère des peuples est un tort des gouvernements ». Puis, lorsqu’en 1793, la Révolution approfondit son cours, cette question est à nouveau examinée et l’article 21 de la Déclaration des droits de l’homme du 24 juin 1793 dispose :« Les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler. »
⇒Louis Chevalier décrit l’évolution de la perception de la mendicité aux XVIIIe et XIXe siècles en ces termes : « Au XVIIIe siècle, les mendiants, dans la réalité et dans la description que l’on fait d’eux, restent en marge de la ville, intéressants mais peu redoutables, encombrants mais non gênants. Sans doute, expriment-ils de toute évidence un état démographique et social et constituent-ils un excédent de population. Mais le fait n’est pas nettement conçu. L’attitude des pouvoirs publics et des classes dominantes n’est guère différente à leur égard, au XVIIIe siècle, de ce qu’elle était auparavant. Elle consiste à tenter de refouler ces évadés dans la condition productive. Innombrables sont les mesures concernant la mendicité. Toutes apparemment et momentanément efficaces, comme ce renfermement des pauvres que Sauval décrit […] Mesure toujours à reprendre cependant, en raison du déséquilibre permanent entre les ressources et les populations. Soulignons surtout cette ignorance des causes démographiques et économiques de la mendicité, ou cette indifférence à leur égard. Pendant tout le XVIIIe siècle, les philosophes ou les hommes politiques qui élaborent des plans pour chasser les mendiants ou renvoyer à la terre les parasites qui encombrent les villes, restent favorables à l’accroissement de la population : populationnistes contre toute évidence. A partir de la première moitié du XIXe siècle, au contraire, interviennent des faits nouveaux : d’une part, un accroissement du déséquilibre ancien – premier effet, paradoxal, du progrès technique – d’autre part une prise de conscience d’une situation dont nous dirons qu’elle n’est plus considérée comme étant de conjoncture, mais de structure, et dont on juge qu’elle ne peut plus être combattue par des mesures administratives, mais par des décisions plus étendues et plus complexes. A cette sorte de révélation s’attache le nom de Malthus, mais elle correspond à une évolution psychologique bien plus générale. Il ne s’agit plus seulement d’enfermer pauvres et mendiants, de les chasser des villes, mais de lutter contre leur dangereuse fécondité et plus généralement contre la fécondité des classes populaires. C’est ainsi que la mendicité cesse d’être considérée comme exceptionnelle, limitée et qu’elle prend de plus en plus une signification sociale. »
Louis Chevalier, Classes laborieuses et classes dangereuses, Tempus/Perrin- 2007, pages 124-125Dès le Moyen-Âge, des compagnons d’un même métier créent une caisse commune de secours pour venir en aide aux compagnons de leur Devoir, malades, invalides et subvenir aux besoins de leur famille. C’est une exception. La Révolution française abolit les corporations (Décrets d’Allarde) en mars1791 mais la loi le Chapelier (juin 1791) interdit tout regroupement professionnel et surtout ouvrier. Tantôt tolérées, tantôt réprimées, c’est d’abord dans la clandestinité que se constituent ou se reconstituent des Sociétés de Secours mutuel, souvent éphémères. Elles seront reconnues en 1852 par le Second Empire et largement placées sous tutelle. En échange d’une cotisation, ces associations versent des prestations à leurs membres en cas de maladie, prennent en charge les obsèques et, si les finances le permettent, versent une pension de retraite. La loi Waldeck-Rousseau de 1884, légalise les syndicats. Des caisses syndicales et patronales, organisées par métier sont créées. Certaines garantissent une protection contre le chômage. Le 20 août 1914, l’État crée le Fonds national du chômage pour indemniser les travailleurs qui ont perdu leur emploi en raison de la désorganisation provoquée par la guerre.
C’est au lendemain de la Seconde guerre mondiale qu’un pas décisif est réalisé pour la protection sociale des travailleurs et de leurs familles. La libération (juin 1944- mai 1945) est une période très agitée. La classe ouvrière a pris une place majeure dans la lutte contre l’occupant et contre le régime de Vichy. Celui-ci s’est effondré laissant un vide politique béant. Dans toute la France, des groupes armés, issus de la Résistance, constituent des « autorités de fait ». Pour la classe ouvrière, il est temps d’en finir non seulement avec la barbarie et la terreur nazie, mais plus généralement avec le capitalisme. Le patronat s’est vautré dans la collaboration avec Pétain. Si tous les patrons n’ont pas été des « collabos », au sens strict, la plupart d’entre eux se sont montrés dans l’ensemble peu regardant pour remplir leurs carnets de commande. Mais, sauf exception, « l’épuration » épargne les capitalistes. Le général de Gaulle aurait d’ailleurs fait une remarque ironique à une délégation du patronat français : « Messieurs, je n’ai vu aucun d’entre vous à Londres. Ma foi, après tout, vous n’êtes pas en prison ! » En 1945, les patrons ont peur de tout perdre et sont disposés à faire d’importantes concessions aux travailleurs. Le 24 juillet 1945, le réformiste Georges Buisson [1878-1946], Secrétaire confédéral de la CGT et ami de Léon Jouhaux [1879-1954], présente devant l’Assemblée Consultative Provisoire le projet d’ordonnance fondant la Sécurité sociale en 88 articles. Ce sera après quelques amendements la matrice des ordonnances des 4 et 19 octobre 1945. L’article premier de l’ordonnance du 4 octobre 1945 proclame : « Il est institué une organisation de la sécurité sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature, susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu’ils supportent. »
Comme la Sécurité sociale (1945), le statut de la fonction publique (1946), ou l’enseignement professionnel public et laïque, sous statut scolaire (1949), sont des conquêtes de la classe ouvrière à la Libération. Le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 proclame : « Art.5 : Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances. » ; « Art.10 : La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. » ; « Art. 11 : Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. »
L’Assurance chômage est créée le 31 décembre 1958. Elle est initialement exclusivement financée par les employeurs. A partir de 1990, elle est également financée par la Contribution Sociale Généralisée (CSG). Le calcul du montant de l’indemnisation du chômage et sa durée ont été modifiés à plusieurs reprises depuis. Il faut satisfaire plusieurs conditions pour y avoir droit : avoir travaillé 130 jours ou 910 heures dans une période de 24 ou 36 mois ; être à la recherche effective et permanente d’un emploi ; etc. Jusqu’en 1982, l’indemnisation était générale et assurait 90 % du salaire brut. Pour les chômeurs dits « en fin de droits« , l’assistance de l’État supplée l’Unédic. En 1984 est créée l’allocation spécifique de solidarité, puis le revenu minimum d’insertion (RMI), en 1988.
Quelle est la cause du chômage de masse dont découle principalement la précarité des bénéficiaires du RSA ?
La crise économique, politique, sociale mondiale n’est pas due aux chômeurs. Le chômage de longue durée (un an et plus), a des conséquences graves sur le niveau d’indemnisation, les relations sociales et l’état psychologique des personnes concernées. En revanche, le chômage de masse est une des conséquences majeures de la crise du capitalisme. Comme l’avait constaté Karl Marx, le chômage a toujours été utile au capitalisme. Il permettait de constituer une « armée de réserve » pour faire face à un accroissement subit de la production et, habituellement, il freinait la revendication salariale. Mais, aujourd’hui, la situation s’est aggravée. Le capital financier qui domine l’économie est dans l’impasse. Le principal écueil auquel il se heurte depuis plusieurs décennies, c’est l’excès de capitaux qui ne trouvent pas de placements rentables pour les actionnaires. La situation ne cesse de s’aggraver. Ni la « mondialisation » marquée par les délocalisations des lieux de production vers les pays à bas coût salarial et social, et la désindustrialisation des pays européens (et plus particulièrement de la France), ni aucune des politiques dites de « relance » tentées par les différents gouvernements, n’a permis de modifier significativement cette situation. Mais elles ont installé durablement la déréglementation, le désengagement de l’État dans de nombreux secteurs de l’économie, le démantèlement des services publics… la remise en cause de droits et acquis sociaux, la casse du code du travail… et au bout du compte, la précarité et la misère pour un grand nombre de personnes. C’est aussi la racine de la marche à la guerre à laquelle nous assistons aujourd’hui. Le très sérieux journal patronal Les Echos (13/02/2024) titrait : « Le chômage appelé à encore s’aggraver en 2024 en France » et indiquait : « Au quatrième trimestre 2023, le taux de chômage dans l’Hexagone a atteint 7,5 % de la population active, selon les données publiées par l’INSEE ce mardi. »
Est-il exact qu’on peut trouver du travail en traversant la rue ?
C’est en tout cas ce qu’a déclaré sa Suffisance Macron le 15 septembre 2018. D’après la DARES, au 4e trimestre 2023, le taux d’emplois vacants s’élève à 2,2%. Il recule dans tous les grands secteurs. Au total, on compte 347 500 emplois vacants au 4e trimestre 2023 dans les entreprises de 10 salariés ou plus du secteur privé (hors agriculture, particuliers employeurs et activités extraterritoriales), soit une baisse de 2 % par rapport au trimestre précédent. Le nombre d’emplois vacants se replie fortement dans l’industrie (–16 %) ; il reste stable dans la construction et le tertiaire non-marchand, tandis qu’il augmente de 2 % dans le tertiaire marchand. Le nombre d’emplois vacants demeure beaucoup plus élevé qu’avant la crise sanitaire (+60 % par rapport au 4e trimestre 2019). [[https://dares.travail-emploi.gouv.fr/donnees/les-emplois-vacants[↩]
- https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2018-09-18/suffit-il-vraiment-de-traverser-la-rue-pour-trouver-un-emploi-bd842d67-0e1d-4638-9a07-e55adb769c24[↩]
- https://www.20minutes.fr/economie/4081831-20240318-jo-paris-2024-encore-milliers-postes-pourvoir-voici-secteurs-recrutent[↩]
- (https://www.senat.fr/rap/l23-128-330/l23-128-330_mono.html).[↩]