Covid-19 : une chance pour le vélo ?

Il est incontestable que l’usage de la bicyclette connait actuellement un regain d’intérêt et que la pandémie du Covid-19 y contribue dans la mesure où les déplacements à vélo constituent une alternative moins risquée que les transports en commun. La balle est maintenant dans le camp des collectivités territoriales : c’est des collectivités territoriales que dépendra le succès du "Plan Vélo"

Les Français sont de drôles de gens : ils possèdent beaucoup de vélos, mais s’en servent finalement peu. Seulement 5% des Français pratiqueraient quotidiennement le vélo alors que leurs voisins européens font beaucoup mieux : ils sont 13% d’Italiens, 15% de Belges, 30% de Danois et 49% de Hollandais à enfourcher leur bécanetous les jours…
Mais cette situation est susceptible de changer rapidement : les mesures de distanciation sociale imposées par la pandémie du Covid-19 posent de gros problèmes dans les transports en commun qui ne pourront pas absorber dans les conditions post-covid les mêmes flux qu’auparavant et beaucoup d’usagers répugnent à réutiliser ces espaces confinés. Le vélo pourrait être une des solutions simples et efficaces à déployer en milieu urbain et péri-urbain. Le gouvernement semble y croire, certaines collectivités aussi qui n’ont pas attendu cette crise pour développer l’usage du vélo sur leur territoire d’autres restent à convaincre et/ou à faire bouger…
Une étude commandée l’Ademe (Agence de la transition écologique), la DGTIM (direction générale des infrastructures, des transports et de la mer), la Fédération française de cyclisme et publiée en avril 2020 fait le point sur la situation (1)

“Frog” à bicyclette (Image par Alexas_Fotos de Pixabay)

Des usages du vélo contrastés

La pratique du vélo est en hausse dans certains centres-villes, d’autant plus que celles-ci ont réalisé des aménagements favorisant les déplacements doux. C’est le cas de certaines grandes villes mais aussi de villes moyennes (+ 30 % à Paris en 9 ans, + 50 % à Bordeaux en 5 ans. A Strasbourg la part modale du vélo (2) représente > 15 % des déplacements urbains en centre ville et environ 8 % sur l’agglomération, tandis qu’à la Rochelle on mesure > 10% pour le centre ville et environ 8% sur l’agglomération. Ces chiffres sont à rapprocher de la moyenne nationale qui est estimée autour de 3%, peut être un peu moins)

Mais en entrant plus dans le détail on constate que :
La pratique quotidienne du vélo est en baisse au niveau national. Selon l’étude précitée ce sont seulement 20 % des Français qui sont impliqués dans la hausse du recours à la bicyclette. En effet cet usage est favorisé par la densité urbaine. (3) Sur le reste du territoire la part modale du vélo ne cesse de baisser.
Dans les banlieues lorsqu’on s’éloigne de la ville centre et en milieu rural, l’usage quotidien du vélo est quasi absent. L’utilisation du vélo pour se rendre à l’école ou au collège tend à disparaitre : pour les écoles il est remplacé par l’accompagnement en voiture et comme le remarque le rapport : « On sait pourtant que les pratiques de mobilité des jeunes influencent leurs pratiques futures ».

Malgré cela l’avenir du vélo comme mode de déplacement doux semble prometteur car :

  • Si la pratique régulière du vélo reste relativement stable (il s’agit d’un usage du vélo comme moyen de déplacement quotidien maison / école / travail / achats…), la pratique occasionnelle (loisirs) croit rapidement et constitue pour beaucoup un premier pas dans l’usage de la bicyclette : (en 2012 52% des Français ne faisaient jamais de vélo, ils ne sont plus que 43 % en 2018)
  • Le développement du Vélo à Assistance Électrique (VAE) progresse rapidement : il a doublé son marché en 2017. Il facilite les déplacements, augmente les distances de desserte et de ce fait se répand peu à peu dans des banlieues plus distantes des centres urbains et en territoire rural
  • Un consensus s’est formé, tant au niveau des collectivités territoriales que de l’État, sur l’impact positif de ce mode de déplacement en matière de santé publique et d’environnement. Diverses recherches soulignent le bénéfice de la pratique du vélo sur la santé, notamment sur des qualités comme l’attention, la concentration, la productivité au travail.
  • Les collectivités qui investissent dans le vélo obtiennent des résultats qui servent d’exemple aux autres. Selon le rapport : « Les collectivités qui investissent dans le vélo obtiennent des résultats, le taux d’utilisateurs est directement lié au linéaire d’aménagements cyclables par habitant ». En conséquence ce sont ces aménagements et non les conditions météorologiques, démographiques, ou les caractéristiques urbaines qui priment dans le choix d’utiliser le vélo plutôt qu’un autre mode de transport
  • Les aménagements liés aux déplacements en vélo nécessitent généralement des investissements moindres en infrastructures, que ceux liés aux véhicules automobiles et permettent des solutions plus souples, notamment dans les espaces urbains denses. Selon le rapport : « L’impact économique de l’occupation de l’espace en ville par le stationnement automobile est considérable. Réaliser des infrastructures cyclables sur ces espaces permet de faire rapidement des aménagements et de peser fortement sur les choix modaux ».
  • L’industrie du vélo prend une place de plus en plus importante dans l’économie française. Cette pratique génère des retombées estimées actuellement à 8,2 milliards € /an et environ  80 000 emplois. Le chiffre d’affaire relatif aux ventes de vélos a progressé de 51 % en 10 ans (Ndlr : notamment en raison de l’expansion des VAE), tandis que les retombées du tourisme à vélo augmentaient de 46 % pendant la même période générant un chiffre d’affaire de 5,1 milliards € / an
  • Les objectifs et moyens définis par le plan vélo, lancé en septembre 2018, dans le cadre de la loi LOM (Loi d’orientation sur les mobilités), appuyés par la création en avril 2020 d’un fond de 20 millions € destiné à « faciliter la pratique de la bicyclette » et récemment de l’”Académie du Vélo“, témoignent de la volonté du gouvernement à dynamiser le secteur. Même si les fonds engagés sont insuffisants, vu l’ampleur de la tâche, ils devraient permettre d’accompagner les efforts des collectivités territoriales. Selon l’étude : « L’État peut jouer, par ses cofinancements, un rôle majeur d’incitation à l’investissement des collectivités», il s’agira de porter les efforts sur l’ensemble du territoire national : petites villes, banlieues, communes périphériques en s’appuyant, pour faciliter le développement des infrastructures, sur des maîtrises d’ouvrage intercommunales.  

Les investissements publics consacrés au vélo

Selon le rapport de l’ADEME les investissements de collectivités ont augmenté ces dix dernières années, mais ils restent insuffisants et doivent être considérablement développés.
En 2008 les collectivités françaises consacraient en moyenne 5,7 € / an / habitant ; en 2019 ce montant est passé à 8,9 % / habitant / an (à comparer avec les 25 à 30 € / habitant / an des pays du nord de l’Europe).

Le Plan Vélo (4) s’appuie sur la création d’un fonds national d’un montant de 350 millions d’euros sur sept ans, destiné à cofinancer les infrastructures cyclables. L’ADEME a lancé en 2018 et 2019 des appels à projets « Vélo et territoires » destinés aux territoires de < 250.000 habitants (5)

S’y ajoute un fonds de 20 millions € créé en avril 2020 dans le cadre d’un plan intitulé “Coup de pouce vélo“. Il vise à faciliter la pratique de la bicyclette et à limiter le recours systématique à l’automobile “post-déconfinement” en prenant en charge, selon la ministre E. Borne : « des réparations, l’installation de places de stationnement ou encore des formations ». Sa gestion se ferait en partenariat avec la FUB (Fédération des usagers de la bicyclette).
Serait ainsi subventionnée, à hauteur de 50 €, la remise en état de vieux vélos (changement de chaîne, frein, pneu, dérailleur…) par des réparateurs référencés sur le site internet de la FUB. On estime à 30 millions les vélos d’occasion en France…
Ce fond servirait aussi à la création de places de stationnement temporaires pour les bicyclettes ainsi qu’à (sic) des « formations à la reprise d’un vélo en confiance, assurées gratuitement » !

Parking à vélos (Image par djedj de Pixabay

 

Une « Académie des métiers du vélo » dotée de 8 millions d’euros via un programme de Certificat d’Économies d’Énergie (CEE) sur la période 2020-2022 est crée selon l’annonce faite par la ministre E Borne le 14 mai dernier. Pour elle : « Nous sommes en train de vivre un moment clé dans l’histoire du vélo en France. Il y a un déclic vélo pour de très nombreux Français depuis le début du déconfinement.”
Cette académie répond au succès de la plateforme “Coup de pouce vélo” qui a suscité de nombreuses demandes de réparations, au point de mettre en évidence un manque de mécaniciens. Elle a pour objectif de développer une filière de formation de qualité, en éditant des guides techniques, une plateforme web, des outils pédagogiques, et d’assurer la formation d’experts du vélo de tous niveaux (du mécanicien au formateur). Des formations courtes de 20 jours, permettront à des apprentis mécaniciens d’acquérir des compétences utilisables immédiatement ; elles seraient assurées par l’Institut National du Cycle et du Motocycle (INCM), qui dépend du Conseil National des Professions de l’Automobile (CNPA), “Filière 2 roues”. Cette formation, administrée par la FUB, devrait former rapidement un contingent de 250 mécaniciens vélo, puis passer à un rythme de croisière de 500 mécaniciens vélo / an.

En conclusion

Il est incontestable que l’usage de la bicyclette connait actuellement un regain d’intérêt et que la pandémie du Covid-19 y contribue, dans la mesure où les déplacements à vélo constituent une alternative moins risquée que les transports en commun. Le gouvernement semble avoir reconnu ces aspirations du public et vouloir les accompagner par des investissements à caractère incitatifs. La balle est maintenant dans le camp des collectivités territoriales : si certaines n’ont pas de leçons à recevoir en matière de déplacements doux, d’autres semblent en être restées au « tout bagnoles » ou manquent singulièrement d’imagination et de volonté… C’est des collectivités territoriales que dépendra le succès du Plan Vélo.

La rédaction du Clairon de l’Atax le 19/05/2020

 

 

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Notes
  1. https://www.ademe.fr/impact-economique-potentiel-developpement-usages-velo-france-2020  []
  2. C’est la part que prend un mode de déplacement par rapport à l’ensemble des déplacements faits sur un territoire donné pendant une certaine période[]
  3. Selon Elisabeth Borne la ministre de la Transition Ecologique et Solidaire : seulement 3% des déplacements se font à vélo, alors que 60 % des « trajets effectués dans l’Hexagone en temps normal font moins de 5 kilomètres »[]
  4. https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/plan-velo-et-mobilites-actives[]
  5. https://appelsaprojets.ademe.fr/aap/VELO2018-71[]
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Publié par La Rédaction du Clairon de l'Atax

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