Glyphosate : allons-nous vers un nouveau scandale de type Chlordécone ?

Malgré toutes les alertes sur la dangerosité du glyphosate, E. Macron, président de tous les Français continue à soutenir sa re-homologation par la Commission européenne.

Image Ulrike Leone de Pixabay

Dans une interview accordée début janvier 2022 au quotidien « le Parisien », le président Macron a déclaré que sa promesse de début de mandat en 2017 de se passer de l’usage du glyphosate en France d’ici 2020, était une erreur. Or depuis le 1er janvier 2022 E. Macron, qui a changé d’avis sur l’interdiction du glyphosate, préside pour une durée de 6 mois le Conseil de l’Union européenne, alors que que l’autorisation de mise sur le marché de cet herbicide prend fin au 31/12/2022. Pressé par les lobbies de l’agro-industrie, le gouvernement français travaille à une re-homologation du produit par l’Europe. C’est ainsi qu’il participe avec La Hongrie les Pays-Bas et la Suède au Groupe d’évaluation du glyphosate (AGG), lequel a conclu dans un rapport publié l’été dernier que le glyphosate n’était ni cancérogène, ni reprotoxique, ni mutagène. Ces conclusions contredisent celles du Centre International de recherche sur le cancer (CIRC)  qui dépend de l’OMS et qui a classé en 2015 le glyphosate comme cancérogène probable pour l’homme.

Une étude française fait apparaître une forte exposition de l’ensemble des Français au glyphosate.

Une étude de l’association Campagne Glyphosate, publiée début janvier 2022 dans la revue Environmental Science and Pollution Research, montre que les Français sont largement contaminés par le glyphosate, quelles que soient leurs modes de vie où leur pratiques alimentaires. Cette étude, pilotée par un comité scientifique où étaient représentés l’Établissement français du sang et l’Inserm, a porté sur 6848 participants volontaires dont les urines ont été prélevées sous constat d’huissier entre juin 2018 et janvier 2020, elles ont ensuite été toutes analysées par le laboratoire allemand Biochek selon la méthode “Elisa”.
L’objet de l’étude était de voir à quelle fréquence et à quel niveau la population française était contaminée au glyphosate. De voir aussi si cette contamination variait selon les saisons, les caractéristiques biologiques des individus, les modes de vie, l’alimentation, la profession…
Les tests pratiqués ont permis de constater des traces de la molécule glyphosate dans les fluides corporels de 99,8% de l’échantillon avec un taux moyen de 1,19 nano gramme par millilitre (ng/ml), pour un maximum de 7 ng/ml, (soit 10 fois plus que le maximum autorisé dans une boisson selon Denis Lairon, directeur de recherche à l’Inserm). Par ailleurs l’analyse statistique a fait apparaître que la contamination est plus importante chez les hommes, les fumeurs, les consommateurs de bière, mais aussi par tri de métier chez les agriculteurs, catégorie où les viticulteurs présentent les plus forts taux car gros utilisateurs de glyphosate. (1). Ce taux décroit avec l’âge – les enfants font partie des plus exposés, par contre les personnes adeptes de l’alimentation bio le sont moins.
La contamination par l’eau potable semble avérée puisque le taux mesuré est généralement plus important chez les consommateurs, d’eau du robinet, ou de source, ou du puits… Ce taux  varie  selon les saisons : ainsi au printemps et en été, où les pratiques d’épandage de pesticides sont les plus fréquentes, la teneur en glyphosate des eaux souterraines et de surface augmente.

De l’avis même de ses promoteurs, l’étude “Campagne glyphosate” devrait être complétée et affinée. Ils regrettent que les autorités aient négligé de chercher à mesurer les effets d’une exposition permanente des personnes au glyphosate, mais aussi de ne pas avoir étudié le possible « effet cocktail” produit par la combinaison de la molécule de glyphosate avec d’autres composés chimiques.
Ces résultats, certes partiels et élaborés par une association relevant de la société civile, auront-ils le pouvoir de faire bouger les 2 autorités européennes publiques Echa et Efsa (2), chargées d’évaluer la toxicité du glyphosate en vue d’un éventuel renouvellement de son autorisation de mise sur le marché par la Commissions européenne.
Il est actuellement reproché à ces 2 instances par la Commission nationale déontologie et alerte en santé publique (CnDaspe) de manquer de transparence et de rigueur, voire de biaiser dans la sélection des études prises en compte et d’avoir éliminé  90% des articles publiés sur le sujet dans la littérature scientifique internationale, en ne retenant finalement qu’une majorité d’articles et d’informations provenant des industriels à l’origine de la demande de renouvellement du glyphosate !

Alors qu’une majorité d’études internationales confirme l’exposition de la population aux pesticides dont le glyphosate, y compris des études “officielles” comme l’étude “Esteban”, publiée en décembre 2021 par Santé publique France (3), nos gouvernants semblent  privilégier par divers moyens des intérêts industriels au détriment de la santé publique.
Plusieurs milliers de plaintes individuelles (< 5000) ont été déposées au pénal, pour « mise en danger de la vie d’autrui », « atteinte à l’environnement » et « tromperie aggravée » contre les responsables des agences de contrôle sanitaire (y compris Anses) et des entreprises fabriquant ces produits. Ces plaintes, en cours d’instruction, déboucheront-elles sur des décisions de justice susceptibles de rééquilibrer les décisions politiques en faveur de l’intérêt du plus grand nombre ?
Malgré toutes ces alertes sur la dangerosité du Glyphosate, E. Macron, président de tous les Français continue à soutenir sa re-homologation par la Commission européenne.

Louise B. Velpeau le 16/01/2022

 

 

 

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Notes
  1. Vers un suivi national des résidus de pesticides dans l’air extérieur : principaux résultats de la campagne nationale exploratoire (PDF – 269.49 Ko)[]
  2. Echa = Agence européenne des produits chimiques ; Efsa = Autorité européenne de sécurité des aliments[]
  3. https://www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/esteban/les-resultats-de-l-etude-esteban[]
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