L’esprit, la lettre et l’administration

Il n’est pas simple d’appliquer la loi. Parfois, les constructions juridiques, aussi belles soient-elles, entrent en conflit avec la réalité et le bien, voulu par le législateur, se transforme en nuisance. Il devrait être possible au membre de l’administration, qui dispose des compétences techniques et de l’autorité nécessaires, de privilégier dans ses décisions l’esprit de telle loi au détriment de sa lettre qui bloque un projet dont les bienfaits son démontrés et reconnus par les administrés. Cela arrive, parfois, mais pas toujours pour de bonnes raisons. Voici une illustration de ces propos.

La rédaction

Ancienne usine de tuiles (Image par Dimitris Vetsikas) de Pixabay

C’est l’histoire d’une usine.
Il y avait près du Canal du Midi un gisement d’argile de qualité. Puis vint la voie ferrée, longeant le canal. Une manufacture de tuiles en terre cuite s’installa. Le transport pour les produits pondéreux était très avantageux. Elle prospéra. L’usine obtint un embranchement ferroviaire. Elle optimisa ses procédés et son four était réputé pour sa grande performance. L’autoroute vint longer la voie ferrée. Mais le village était trop petit. Il n’y eut pas de sortie. Les camions passaient. L’embranchement ferroviaire fut démantelé. Il fallait rationaliser l’activité fret de la compagnie ferroviaire nationale, disait une administration. Les barges de marchandises avaient disparu depuis longtemps sur le canal. Heureusement, les tuiles étaient trop lourdes pour venir d’Asie. L’usine ne fut pas délocalisée, un petit détour en camion suffisait. Le prix de l’énergie montait. Il en fallait pour cuire les tuiles. Il en fallait encore plus pour les sécher. On proposa d’utiliser l’énergie gratuite du soleil pour ce séchage. L’idée était brillante, performante et écologique. Entretemps, on avait appris dans une administration que le canal du Midi était un bien précieux. Des fonctionnaires étaient chargé de protéger ce patrimoine. L’idée leur fut soumise. La réponse fut sèche. Ils savaient ce qui était beau et une installation solaire ne l’était pas.
C’est l’histoire d’une usine entre le canal du Midi et la voie ferrée, obligée de livrer ses produits par camion.
C’est l’histoire d’une usine inondée du soleil du midi, obligée d’utiliser le gaz fossile de l’autre bout du monde.
C’est l’histoire d’administrations qui savent où nous allons.

Lauren Fabas pour le Clairon de l’Atax le 10/04/2022

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