Pesticides : contrôles mal conçus, autorisations trop complaisantes

Une tribune publiée par 2 scientifiques, Paule Bénit, ingénieure de recherche à l’Inserm, et Pierre Rustin directeur de recherche au CNRS dénonce la manière dont se font les autorisations de mise sur le marché des pesticides.

Abeille morte par pesticide (Image par rostichep de Pixabay)

Dans la plupart des pays européens l’emploi des pesticides est règlementé par des autorités sanitaires. Des autorisations de Mise sur le Marché  sont décernées par les États sur la base de recommandations faites par  l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) et pour la France qui dispose de son propre organisme, par l’ANSES (l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). Pour établir ces recommandations les 2 instances font appel à des données qui leurs sont essentiellement fournies par des industriels.
Ces données fournies par les industriels sont souvent contestables sur le plan scientifique : elles sont peu ou partiellement accessibles et la plupart du temps non publiées, ce qui rend impossible ou très difficile leur critique par le monde scientifique.
Pourtant c’est à partir de ces données que se définissent les doses journalières autorisées (DJA), établies en mg/kg/jour, qui sont censées être exemptes de tout risque pour la santé, tout au long d’une vie humaine !

Le fonctionnement de ce dispositif  qui  alimente les règlementations en matière de santé pose de nombreux problèmes

Juridiques : la procédure actuelle qui débouche sur des règlementations peut générer des situations de conflit d’intérêt car les industriels qui fournissent les données peuvent être à la fois juge et partie.

Scientifiques : tous les organismes vivants ne réagissent pas pareillement à la toxicité d’un pesticide, dont l’innocuité même à petite dose ne peut être garantie en toute situation. Les études en labo ne peuvent reproduire la réalité où le pesticide étudié se trouve en combinaison avec de nombreuses autres substances qui peuvent créer ou augmenter sa dangerosité (effet cocktail). D’un point de vue écologique, ces études recherchent la toxicité directe pour l’homme souvent sans tenir compte des impacts sur son environnement, sur le reste du monde vivant. Les effets toxiques sur la biosphère sont généralement découverts à postériori…

Les résultats de cette approche « règlementaire » pratiquée par le s agences de “sécurité “, mais si peu scientifique dans ses conclusions, se font de plus en plus perceptibles sur le terrain où l’on constate la destruction de la biodiversité, la croissance de maladies professionnelles chez les agriculteurs ou dans le voisinage des cultures.
Face à ces études commanditées par les industriels, la littérature scientifique abonde d’études qui démontrent la toxicité de certains produits même à très faible doses pour un grand nombre d’organismes, quelle que soit la situation d’exposition.

Ce que la science remet en question, c’est non seulement la manière dont sont établis règlementairement les seuils de toxicité des pesticides, mais surtout le bien fondé d’établir de tels seuils, puisqu’il est scientifiquement impossible de les définir.

Louise B. Velpeau pour le Clairon de l’Atax le 20/04/2022

 

Pour en savoir plus : https://reporterre.net/Pesticides-SDHI-L-Anses-n-a-pas-pris-la-mesure-du-drame

 

 

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