Pour Yacou et Momo : court récit d’une mobilisation réussie

Face à certaines décisions de l'administration, où la référence sans nuance à la loi et à la règlementation augmente les injustices au lieu de les résoudre, la veille citoyenne, l’engagement et la mobilisation de militants peuvent corriger les excès de l’État.

Face à certaines décisions de l’administration, où la référence sans nuance à la loi et à la règlementation augmente les injustices au lieu de les résoudre, la veille citoyenne, l’engagement et la mobilisation de militants peuvent corriger les excès de l’État.

La rédaction du Clairon

Manifestation “Yacou et Momo” devant la sous préfecture de Narbonne (image Rouch / CAMN)

Mardi 14 juin, en matinée, Roger, de La Cimade de Narbonne, et moi-même accompagnons Yacou et deux autres migrant·es convoqué·es en préfecture de Carcassonne. Les deux autres obtiennent rapidement (ce jour-là !) leur titre de séjour. Puis, Yacou est appelé à se rendre à un guichet où il se voit remettre une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF), sans délai, avec assignation à résidence de 45 jours : interdiction de sortir des limites de la commune de Narbonne et obligation de se présenter au commissariat tous les jours à 15h pour signer !…Nous sommes  sous le choc !… Pour nous, la demande de régularisation déposée par Yacou un an plus tôt en préfecture devait aboutir à l’obtention d’un titre de séjour : il avait répondu à toutes les demandes de l’administration en ce sens
Dès notre retour à Narbonne, nous recherchons un avocat montpelliérain compétent en droit des étrangers, acceptant l’aide juridictionnelle, et disponible pour faire un recours dans les 48 heures auprès du tribunal administratif. Me Kouahou remplira cette mission.

Une action juridique et des actions populaires

Il nous faut définir une stratégie en parallèle : nous avions promis à Yacou de nous mobiliser publiquement s’il n’obtenait pas un titre de séjour. Nous choisissons de ne jamais laisser Yacou aller seul au commissariat, car nous craignons son arrestation et son expulsion vers la Côte d’Ivoire où il est né. Quelques coups de fils et SMS plus tard, à 14h50, nous sommes 11 devant le commissariat !
Clara crée une page de soutien à Yacou et son fils Momo où nous publierons chaque jour la photo des personnes présentes avec lui devant le commissariat.
Nous envisageons aussi de faire un grand rassemblement le samedi à 14h devant la sous-préfecture. Yacou a su se faire apprécier par de nombreuses personnes depuis son arrivée à Narbonne en 2019. Et son fils Mohammed aussi. Il a 12 ans, est scolarisé au collège de Cité après deux années à l’école Jean-Jaurès, joue au football au FUN, fréquente les accueils de loisir de La Maison des Potes et de la ville de Narbonne. Autant de lieux et de personnes à prévenir.
Nous déclarons le rassemblement du samedi devant la sous-préfecture de Narbonne et nous en profitons pour demander un rendez-vous au sous-préfet au nom de La Cimade de Narbonne, du collectif Accueil Migrant·es du Narbonnais et de 100 pour 1 toit du Narbonnais. Des personnalités politiques sont interpellées et font également des démarches en direction de la préfecture.

Les différents visages de l’Aude

Léo et Claudine prennent contact avec le Réseau Éducation Sans Frontière pour mettre en place une pétition en ligne. Elle dépassera les 600 signatures en trois jours !
Yacou est arrivé en France en 2011, alors que la guerre civile le mettait en danger en Côte d’Ivoire. Il n’a jamais vraiment envisagé sa vie en dehors de la France depuis, même si ce pays ne lui a jamais donné de titre de séjour. Fin 2016, il réussit à faire venir son fils Mohammed. Celui-ci est scolarisé en continu depuis janvier 2017. (Il ne reverra jamais sa mère, décédée de maladie par manque d’accès aux soins  en Côte d’Ivoire).
La mobilisation en faveur de Yacou et Momo a été rapide, multiple et croissante. Très vite la préfecture de l’Aude a suspendu ses décisions à l’encontre de Yacou. Et le vendredi 17 juin en milieu d’après-midi, le préfet convoque Yacou pour un nouveau rendez-vous à la fin du mois : il aura un titre de séjour !

Nous décidons alors de maintenir le rassemblement du lendemain à 14h devant la sous-préfecture pour célébrer ce moment et manifester notre détermination à soutenir les droits des personnes exilées, d’où qu’elles viennent : l’appel a été relayé par tellement de monde ! Plus de deux cents personnes sont là, malgré la canicule…
L’Aude a montré un beau visage de solidarité ce 18 juin, veille de la funeste élection de trois députés du Rassemblement National.
Pour Yacou et Momo, c’est enfin une vie normale qui commence. Pour toutes les personnes animées de valeurs de solidarité et d’égalité, cette lutte rapide et intensive devrait nous inspirer face aux défis en cours !

Luc Brémaud (membre du Collectif Accueil Migrant·es du Narbonnais)

Yacou-et-Momo enfin tranquiles (image Rouch / CAMN)

 

Vous pouvez chercher des renseignements ou proposer votre aide :
– Cimade de Narbonne : cimade.narbonne@gmail.com / 06 06 43 48 83
– 100 pour 1 Toit du Narbonnais : 100pour1narb@gmail.com
https://100pour1narbonne.fr/
– Collectif Accueil Migrant·es du Narbonnais : collmig@laposte.net
Lien pour s’inscrire aux infos du collect

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Publié par La Rédaction du Clairon de l'Atax

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