Les magiciens qui nous gouvernent

La lutte contre le dérèglement climatique peut servir de prétexte pour mieux nous manipuler, la question du pouvoir d'achat aussi.

Jeu de dés (Image par kalhh de Pixabay)

La vitesse et l’urgence

La vitesse peut servir a tromper les gens. Il se produit une sorte d’hypnose lorsque le chaland crédule essaye de suivre les mains rapides de l’habile charlatan qui déplace les gobelets ou les cartes de ce jeu d’argent appelé bonneteau. D’autres jeux comme les loteries truquées fonctionnent sur le même principe.
Il semble qu’en politique la vitesse soit aussi devenue un moyen de tromper les gens. C’est l’urgence climatique, désormais acceptée par le plus grand nombre, qui sert de prétexte à ce nouveau style de gouvernance. Le principe est simple : l’urgence de mettre en œuvre des moyens pour lutter contre le changement climatique est telle qu’on a plus le temps de discuter. Ce principe justifie des mesures d’allègement des procédures parfois qualifiées de simplification administrative. Qu’il s’agisse de projets industriels ou de projets d’aménagement du territoire, les mesures d’allègement et de simplification des procédures s’attaquent tout particulièrement aux instances de participation ou de consultation des citoyens et de la société civile. Ici on supprime tout simplement les procédures d’enquête publique au prétexte qu’elles retardent la réalisation de tel projet, là on les restreint à quelques consultations ciblées, là encore on transfère aux préfets le soin de décider de ce qui relève de l’intérêt public.
Assez curieusement beaucoup de ces projets, dont la mise en œuvre est proclamée comme urgente par les autorités, ne contribuent pas dans les faits à la lutte contre le changement climatique, bien au contraire ils participent à son aggravation. Mais aurait-on pu agrandir inutilement tel port maritime, construire tel équipement somptuaire et déficitaire, réaliser telle infrastructure routière inappropriée, s’il avait fallu discuter avec les gens et prendre leur avis en compte ?

La question fascinante du pouvoir d’achat

La question du pouvoir d’achat a envahi l’actualité : on agite ce fétiche dans tous les sens dans l’espoir de charmer l’opinion. Macron, son gouvernement  et ses affidés espèrent se refaire une santé et une crédibilité politique en saupoudrant le bon peuple de quelques bonifications, les syndicats refusent ces aumônes et revendiquent au nom de ce même bon peuple un pouvoir d’achat fondé sur une juste rémunération du travail, les ténors des grandes entreprises et leurs économistes stipendier proclament que seul le travail permettra d’augmenter le pouvoir d’achat, tandis que les petits patrons considèrent qu’une augmentation de la rémunération du travail constitue une menace pour leurs entreprises.
Mais au delà de cette description un peu schématique du traitement de la question du pouvoir d’achat, il existe une sorte de consensus : il faut augmenter le pouvoir d’achat ! Il s’agit juste de savoir qui paie…

Mais la question qui n’est posée ni par les uns et les autres et qui en tout cas ne fait pas débat sur la place publique est : “augmenter le pouvoir d’achat pour quoi faire ?”
S’agit-il de continuer à acheter des bagnoles, des frigos, des gadgets électroniques divers et perpétuer la société consumériste qui a généré la crise climatique et renforcé les inégalités sociales ? La consommation aurait-elle le monopole de la satisfaction de nos besoins ? Somme nous encore capables de reconnaître nos besoins où sommes nous agis par des déterminants extérieurs qui ne visent pas à notre accomplissement, mais seulement à la reproduction et à la croissance du système capitaliste ?
Notre pouvoir d’achat sert de plus en plus à nourrir des “besoins artificiels” qui nous sont imposés ainsi que le constate la philosophe Jeanne Guien : « Le pouvoir d’achat s’est mué en devoir d’achat, en injonction à consommer, via les publicités, le crédit ou les choix de l’État. Tout récemment, on peut l’observer via la numérisation de l’existence et celle des services publics qui nous obligent à nous doter d’un smartphone ».

Alors comment sortir de cette fascination du pouvoir d’achat qui empêche de nous penser et de penser notre relation aux autres, qui masque les inégalités sociales et qui nourrit la dynamique mortifère d’une consommation erratique qui tend à la destruction de notre biosphère ?
Rêvons un peu : quelle autorité politique sera-t-elle capable de sortir du marché et de la logique du pouvoir d’achat quelques biens communs et services fondamentaux comme le logement, l’alimentation, l’accès à l’eau et à une consommation équitable et utile d’énergie, etc. ? Comme pour la santé et l’éducation, ces biens et services seraient considérés comme des droits inconditionnels dont disposerait chaque citoyen en dehors de la sphère marchande.

La question du pouvoir d’achat nous leurre et nous piège dans le consentement tacite à un ordre du monde qui nous est néfaste : dépassons là !

A nous retrouver fin septembre !

Hubert Reys pour le Clairon de l’Atax le 22/07/2022

 

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1 commentaire

A relire d’urgence :
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