Les monnaies locales une réponse à l’inflation ?

L’usage des monnaies locales est déjà ancien et répandu dans nombre de pays de l’Union Européenne, son intérêt économique est démontré : qu'est ce qui freine leur développement ?

Les monnaies locales, aussi appelées monnaies locales complémentaires (MLC) et parfois monnaies locales complémentaires et citoyennes, ont été inventées pour faire face à des situations de tension ou de crises économiques. Dans ces contextes particuliers elles ont permis à des collectivités locales ou des entreprises d’un territoire donné de faire face à des situations d’endettement ou de problèmes monétaires qui bloquaient l’activité économique.
Les premières monnaies locales ont été créées pour faire face à la grande dépression des années 1930, Certaines fonctionnent encore actuellement, d’autres sont de création récente et participent à la dynamisation d’économies locales.
Alors que la France se trouve actuellement engagée dans une dynamique inflationniste, la question est de savoir quel rôle les monnaies locales peuvent jouer pour atténuer, voire enrayer cette dynamique et la spéculation qui l’accompagne.

La rédaction du Clairon

 

Monnaie (Image par Steve Buissinne de Pixabay)

Un processus inflationniste non stabilisé

Le taux annuel d’inflation en France en juin 2022 est annoncé à 5,8% selon les données INSEE et à 6,5% selon les données Eurostat. Celles-ci permettent une comparaison avec le taux de la zone euro qui s’élève à 8,6% à la même date et avec ceux de nos voisins allemands (8,2%), belges (10,5%) , italiens (8,5%), espagnols (10%), portugais (9%), etc.
Les dernières prévisions de l’Insee augurent que l’inflation grimpera à 6,8 % en septembre avant de se stabiliser entre 6,5 % et 7 % en fin d’année 2022. Tandis que certains économistes craignent une perte de contrôle de la dynamique inflationniste qui aboutirait à une récession dans la zone euro en 2023, des représentants de la CPME (Confédération des Petites et Moyennes Entreprises) alertent déjà sur l’”effritement des carnets de commande”. En attendant la décrue de l’inflation, le gouvernement actuel déploie des mesures ponctuelles de soutien à l’économie à hauteur de 25 milliards € ainsi qu’une somme équivalente en soutien au pouvoir d’achat (revalorisation salaires et retraites, bonifications diverses) dont les effets positifs sur la dynamique inflationniste sont loin d’être garantis.

Quel rôle et quelle action pour les monnaies locales ?

Le principe des monnaies locales
Ce sont des monnaies complémentaires aux monnaies nationales ou européennes et à ce titre elles ne sont pas soutenues et garanties par un gouvernement national. Elles ont cours sur un territoire donné, agglomération ou région, elles visent à privilégier une consommation locale en circuits courts et ne fonctionnent pas pour les achats en ligne La monnaie locale ne peut être épargnée et de ce fait circule plus rapidement qu’une monnaie nationale ou européenne : de ce fait elle dynamise l’activité économique, donc potentiellement l’emploi local.
Il existe actuellement en France  82 monnaies locales d’importance diverse. Mais certaines d’entre elles, comme l’”eusko” basque ou le “retz’L” en Loire Atlantique, jouent un rôle important dans l’économie locale.

Les effets économiques positifs des monnaies locales
Les monnaies locales n’ayant de valeur que locale elles ne peuvent être dépensés que dans des commerces et entreprises locales ce qui réduit voire rend impossibles les fuites monétaires (par exemple les achats en ligne de marchandises auprès de grandes plateformes opérées par des multinationales), la thésaurisation monétaire, l’évasion fiscale ou  la spéculation. L’injection de monnaie locale dans l’économie d’un territoire provoque une accélération des transactions, donc davantages de revenus que dans le cas de l’emploi exclusif d’euros.
De plus les monnaies locales disposent d’un potentiel important en matière de défense de l’environnement, dans la mesure où les critères définis pour leur emploi (circuits courts, emploi local, exigence de qualité pour les marchandises et services vendus, etc.) vont dans le sens d’une sobriété énergétique, d’une agriculture à dominante vivrière qui protège la biodiversité et de modes de production plus orientés vers les “low tech”.

Les obstacles au développement des monnaies locales

Compte tenu de leur ancrage territorial, le soutien des collectivités locales est très important lors du lancement d’une monnaie locale : il s’agit de trouver les fonds et les moyens qui permettent de constituer un réseau de producteurs qui s’engagent à l’utilisation de cette MLC. Il s’agit aussi de sensibiliser la population locale à l’utilisation de cette monnaie et d’encourager son usage. Il s’agit aussi de constituer un réseau de points d’échange permettant de convertir les euros en monnaie locale et inversement.
Une association locale peut difficilement trouver à elle seule les ressources nécessaires à la création et au portage d’une monnaie locale.
En France l’État jacobin voit d’un œil souvent circonspect le développement de ces systèmes monétaires locaux qui concurrencent la monnaie officielle. Ainsi une loi (1) encadre fortement l’usage  des monnaies locales complémentaires et l’État a jugé l’usage de l’eusko basque incompatible avec les finances publiques et attaqué la ville de Bayonne en justice.

Face à ces difficultés le mouvement citoyen SOL qui fédère une trentaine de monnaies locales citoyennes et des alternatives monétaires d’autres formes au service d’une société plus écologique, démocratique et solidaire, souhaite mettre en place en septembre 2022 un collectif parlementaire. Il s’agit à la fois de susciter un partage d’expériences et un dialogue entre élus et société civile sur l’enjeu que représentent le monnaies locales, d’opérer une veille sur les textes de lois favorables ou défavorables aux monnaies locales, mais aussi de proposer des amendements qui donneraient un cadre législatif plus favorable à ces monnaies notamment en rendant leur emploi accessible aux collectivités locales (par exemple paiement de services ou marchés publics payés en MLC).

L’usage des monnaies locales est déjà ancien et répandu dans nombre de pays de l’Union Européenne, son intérêt économique est démontré : les MLC contribuent à l’amélioration du pouvoir d’achat et selon Charles Lesage, délégué général du mouvement SOL « servent à la fois à résilience des économies locales et à la protection des plus démunis ». A présent l’obstacle à leur diffusion est surtout politique et idéologique : les MLC relèvent de l’économie sociale et solidaire, un domaine qui cadre peu avec le néo-libéralisme encore au pouvoir.  

La rédaction du Clairon de l’Atax le 20/07/2022

 

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Notes
  1. no 2014-856 du 31 juillet 2014[]
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Publié par La Rédaction du Clairon de l'Atax

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