Combien de temps le capitalisme arrivera-t-il à tenir le grand écart ?

Grand écart (Image par Wolfgang Eckert de Pixabay)

Il n’est pas facile pour E. Macron d’être le Président des “Très riches” ainsi que le qualifiait son prédécesseur François Hollande. Lui qui doit en grande partie sa carrière au soutien de l’oligarchie au pouvoir et qui le leur rend bien, se trouve en situation de faire le contraire de ce qu’il a dit : « dépenser un pognon de dingue » pour voler au secours « quoi qu’il en coûte »  de la France d’en bas. Il n’est d’ailleurs pas le seul et plusieurs chefs d’État européens font pareil.
E. Macron, dont le fil rouge est le soutien à l’offre par des mesures d’aide et d’allègement de charges aux entreprises, n’a pas de chance : le choc de l’inflation provoquée par la guerre d’Ukraine et la hausse brutale du coût de l’énergie, l’oblige à soutenir aussi la demande et à creuser le déficit budgétaire au point qu’il vient d’être rappelé à l’ordre par le FMI (Fonds Monétaire International). E. Macron serait-il converti à une politique plus sociale et redistributive ?

Face à la crise des mesures vraiment sociales ?
La France, comme beaucoup de ses voisins européens, a mis en place des “boucliers tarifaires” pour faire face à l’inflation. La communication gouvernementale les présente avant tout comme des mesures favorables au pouvoir d’achat des Français, mais ces subventions et compensations, au caractère limité dans le temps, visent surtout et avec un certain succès à contrecarrer les demandes de hausse des salaires. Sur ce point, E. Macron est très clair : il se refuse à indexer les salaires sur l’inflation au prétexte, classique chez les néolibéraux, qu’une telle mesure crée un cercle vicieux où la hausse des salaires entraîne automatiquement une hausse des prix (1).

La cause est entendue : la priorité du gouvernement n’est pas le niveau de vie des travailleurs et de la “France d’en bas” qui connait actuellement un recul notable. Les dépenses budgétaires pointées du doigt par la BCE et le FMI servent à autre chose : à maintenir de la modération salariale, afin de préserver les marges et la « compétitivité » des entreprises. Mais dans un contexte économique où la croissance diminue (< 2%), ce soutien croissant aux entreprises arrivera-t-il à empêcher l’arrivée d’un cycle de faillites, donc d’augmentation du chômage ?

Le revirement des banques centrales et des institutions financières
L’inflation a une conséquence financière : elle fait diminuer la valeur réelle de la dette, puisque du fait de l’augmentation des prix,  l’argent “vaut moins”. Quand l’inflation était faible comme c’était encore récemment le cas, les banques centrales, pour lutter contre la tendance à la déflation et à la récession, achetaient massivement sur les marchés financiers des actifs et de la dette publique. Cela faisait  baisser les taux d’intérêt et donc stimulait  la croissance de l’économie réelle. Cette baisse des taux permettait, d’une part aux ménages, aux entreprises et aux États, de se financer à des conditions favorables dans un niveau d’inflation compatible avec une stabilité des prix et d’autre part de soutenir une croissance, certes faible…
Cette période est terminée : la crise économique et politique actuelle a fait remonter l’inflation et les banques centrales reviennent à une conduite plus traditionnelle. La théorie néoclassique veut que plus il y a d’argent en circulation, plus l’inflation se développe. Comme les rachats massifs d’actifs par les banques centrales ont entrainé une abondante création monétaire compte tenu du faible coût du crédit : il faut pour lutter contre l’inflation, purger l’économie de cette abondance de monnaie ce qui stabilisera l’économie réelle et favorisera le retour de la croissance. Pour débarrasser l’économie de ce trop plein de monnaie, la solution consiste à remonter les taux directeurs des banques centrales qui prêtent aux banques commerciales. Celles-ci répercutent cette hausse aux prêts qu’elles accordent, ce qui diminue la création monétaire, donc l’inflation, mais crée un choc qui peut amorcer une récession économique

Mais ces mesures de hausse des taux directeurs mettent en opposition les banques centrales qui veulent stopper une inflation néfaste aux marchés financiers et les États qui veulent poursuivre leur politique de soutien aux entreprises (favoriser l’offre tout en maintenant une certaine demande). Qui va l’emporter ? Difficile à pronostiquer…

En attendant l’environnement trinque
Un rapport annuel de la revue “The Lancet”, publié à l’occasion de la COP 27, montre que les gouvernements et les entreprises « continuent de prioriser l’extraction et la consommation de combustibles fossiles, malgré les répercussions sur la santé de plus en plus graves du changement climatique ». La situation de crise actuelle ne favorise pas, chez nos gouvernants,  la prise de risque  d’un changement rapide et radical de leur politique énergétique.
Pour la France, un décryptage du budget 2023 publié dans le mensuel  -Actu Environnement- montre une augmentation de 90% des dépenses défavorables à l’environnement. Ainsi, à une augmentation des dépenses favorables à l’environnement de + 4,5 Md€, correspondent + 9,3 Md€ de dépenses défavorables pour l’environnement, notamment en raison du bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement.

Hubert Reys pour le Clairon de l’Atax le 21/11/2022

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Notes
  1. cf. France 2 entretien dans l’émission “l’évènement” du 26 octobre 2022[]
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