Les aventures de Noël de la boucle “prix/salaires”

On peut se demander si les trajectoires de déconstruction infligées à la France par Macron et se prédécesseurs sont encore modifiables, ou si le délitement de nos institutions est devenu irréversible ?

 A l’occasion des fêtes de fin d’année, le spectacle de la marchandise produit en nous un brouillard lénifiant qui tend à nous faire oublier la dureté des rapports sociaux. Une myriade de films US, produits par des organisations évangéliques, nous propose un univers où l’amour triomphe toujours, dans un environnement de business apaisé. Chaque année de nouveaux objets d’origines asiatiques, viennent compléter une panoplie présentée comme indispensable si l’on veut fêter dignement Noël. L’enfant prescripteur est sollicité de toutes parts, y compris pour des marchandises qui n’ont rien à voir avec l’enfance….

Ange de Noël (Image par Manfred Richter de Pixabay)

Et voici que des cheminots se mettent en grève pour réclamer des augmentations de salaire. Les médias de formatage s’en donnent à cœur joie, : on agonit les fonctionnaires, ces privilégiés, tandis que le monde politique, président en tête admoneste les grévistes et les adjure de renoncer momentanément à leur funeste grève : « Quel scandale ! Ils prennent la France en otage, tous ces pauvres gens qui ne peuvent pas rejoindre le giron familial ou amical  Même les plus hardis d’entre nous renâclent : « Tout de même leur lutte est juste, mais ils auraient pu choisir un autre moment ».
Et voilà que le piège a de nouveau fonctionné : les grévistes sont discrédités par l’opinion publique et le rapport de force qu’ils pensaient en leur faveur à tourné en faveur du gouvernement. Il sera désormais facile à ce dernier de négocier quelques cacahuètes, un léger relèvement des salaires et/ou quelques primes parcimonieuses.

Macron ne négocie pas, Macron avance, pétri de certitudes néolibérales, tout au plus s’accordera-t-il une pause lorsque le climat politique deviendra trop brûlant !

Sur la question d’un ajustement des salaires à l’augmentation du coût de la vie pour faire face à l’inflation, Macron et son gouvernement justifient leur refus en invoquant les effets néfastes d’une hypothétique « boucle prix salaires », il s’agit là d’un des chevaux de bataille des néolibéraux.  L’énoncé est simple : « si l’on indexe automatiquement tous les salaires à la hausse des prix, on déclenche une hausse permanente des prix et la boucla salaires prix ne s’arrête plus »

On pourrait croire que cette affirmation est fondée sur une longue expérience et sur  des travaux savants d’économistes orthodoxes soigneusement étudiés par le président et son ministre de l’économie Le Maire : il n’en est rien, la pertinence de cette boucle « prix / salaires » n’a jamais été démontrée !

Bien au contraire, une étude portant sur 38 pays avancés examinés sur une période de 20 ans, publiée le  novembre dernier par  6 chercheurs du FMI (ndlr : une institution qu’on ne peut pas taxer d’anti capitalisme) montre que cette boucle n’existe pas dans les effets décrit par Macron et qu’elle a surtout une fonction répressive lorsqu’elle est “provoquée”. Le but de la désindexation est de faire porter le coût de l’inflation aux salariés  pour le plus grand bénéfice du capital.
Mais cette stratégie à des limites : lorsqu’on fait baisser le salaire réel, on agit sur la demande qui se réduit progressivement, au risque de transformer l’inflation en récession. De plus dans le cas des petites entreprises (qui spont généralement les plus faibles), lorsque la demande s’étiole elles ne peuvent pas relever leurs prix et se trouvent en situation de fragilité par rapport aux grandes entreprises et aux fournisseurs qui imposent leurs prix…

Dans sa campagne de 2017, E. Macron se vantait de mettre en place une nouvelle gouvernance « scientifique », où la réalisation des projets serait évaluée et éventuellement modifiée suite à l’analyse de faits. Cet engagement semble aujourd’hui oublié dans de nombreux domaines pourtant cruciaux (économie, nucléaire, environnement, santé, déplacements, environnement)… On peut se demander si les trajectoires de déconstruction infligées à la France par Macron et ses prédécesseurs sont encore modifiables, ou si le délitement de nos institutions est devenu irréversible ? Pendant ce temps, E. Macron, droit dans ses bottes, ne semble pas hanté par le doute et continue sa politique néolibérale : « There is no Alternative » (1)

 

Hubert Reys pour le Clairon de l’Atax le 22/12/2022

 

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Notes
  1. citation de Margaret Thatcher[]
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