Usine de production d’ hydrogène à Port la Nouvelle : un projet suffisamment réfléchi ?

éclair sur la mer (Image par Luis Eduardo Bastias de Pixabay)

L’hydrogène, l’hydrogène, qui n’en a pas entendu parler ? Cette molécule est parée de toutes les vertus pour décarboner notre industrie, notre … et même, stocker l’électricité. Avec une condition sine qua non, qu’elle soit produite par électrolyse de l’eau grâce à de l’électricité d’origine renouvelable. Les vertus ? Décarboner notre industrie ne suffira pas forcément à la rendre plus belle. Sur le plan énergétique, son rendement global est particulièrement faible. La mobilité hydrogène ? Plusieurs études montrent que ce n’est pas gagné sur le ferroviaire (non compétitif avec d’autres modes de traction) et les bus (cher et trop complexe à mettre en œuvre). Stocker l’électricité ? D’autres voies existent et ce n’est pas la plus rentable financièrement et énergétiquement.

Localement et régionalement, on nous a enfoncé dans le crâne qu’avec les éoliennes flottantes de Port la Nouvelle, on allait produire à gogo, de l’hydrogène qui plus est, « vert ». Une enquête publique a eu lieu, terminée le 14 décembre. L’occasion pour les petits curieux d’ouvrir le dossier pour voir ce qu’est ce projet d’usine, nonobstant toutes les vertus que l’on pourrait trouver à la filière hydrogène.
Avec une puissance installée totale de 60 MW, l’usine pourrait en produire 7 000t/an. Chiffre à relativiser sur sa dimension nationale voire européenne qu’elle pourrait avoir (sic), la production française l’an dernier était d’environ 800 000 t. Bon d’accord, ce n’était pas de l’hydrogène « vert ».
Les éoliennes flottantes auront une puissance installée de 30 MW et bien évidemment, une production moindre. Elles seront raccordées au réseau électrique qui en a bien besoin. Donc, exit les éoliennes et le porteur de projet nous annonce qu’il étudie des solutions de production locale en photovoltaïque. Pour quand ? Rien de sur mais en attendant, il achètera des certificats verts sur le marché. Ce mécanisme hautement virtuel et spéculatif fait partie de l’équation qui, actuellement, fait grimper les prix de l’électricité dans des hauteurs stratosphériques.
L’usine va électrolyser de l’eau pour obtenir l’hydrogène. Nous sommes en bord de mer et tout le monde pense immédiatement à l’eau de mer. Hé bien non, ce sera de l’eau potable. Seulement 200 000 m3/an. Chiffre à la fois ridicule si on compare à l’alimentation d’une métropole comme Montpellier, mais énorme quand nous sommes en situation de pénurie. Le promoteur de l’usine (Qair) nous dit qu’il étudie la possibilité d’utiliser les eaux rejetées par la station d’épuration (un peu moins de 600 000 m3). Bonne idée mais pour le moment, rien de certain. Par ailleurs, la moitié de l’eau consommée serait rejetée dans le réseau d’assainissement mais là aussi, l’étude est en cours et rien ne dit que ce soit faisable.

Tout le monde a vu, sur le port, les grands cuves des dépôts pétroliers et d’alcool. Plus discrètes sont les usines d’embouteillage de gaz. Ces installations font l’objet d’un  classement Seveso et sont donc considérés comme dangereuse. De manière incompréhensible, l’usine d’hydrogène (elle-même Seveso) va être positionnée juste à côté. Dans l’environnement immédiat, on trouve des silos à grain , des dépôts de pneus broyés, de déchets plastiques, d’engrais azotés… toutes activités/matières potentiellement  inflammables, voire explosives. Ajoutez-y un transporteur mitoyen de l’usine, qui a déjà connu un accident industriel avec l’explosion d’un camion de GPL. Quel cocktail !
Dans ce dossier, on trouve d’autres broutilles. ¨Par exemple, Qair est incapable d’évaluer son empreinte carbone. C’est particulièrement gênant pour ceux qui se veulent les champions de la décarbonation. Ainsi, nous ne pouvons pas nous rendre compte de sa réalité.

Bref, c’est un projet non abouti avec un dossier qui entretient le flou sur la fourniture d’électricité renouvelable, sur l’origine de l’eau utilisée, sur l’évacuation des eaux de rejet, ainsi que sur son bilan carbone et enfin sur le choix d’une implantation sur le site portuaire : le pire qu’on pouvait imaginer.

Ce projet se télescope avec celui baptisé Barmar, porté par Emanuel Macron, soutenu par l’Espagne et le Portugal. Il consiste à créer un hydrogenoduc  (néologisme compliqué) entre Barcelone et Marseille. Il s’agit de raccorder à un réseau européen (à construire) l’hydrogène vert qui sera produit par ces deux pays ainsi qu’au Maghreb. On voit des élus se battre pour qu’il fasse un détour par chez nous. Fiction ? Dans les projets de développement de la SEMOP (société qui gère le port), il y a l’importation de 300 000 t/an d’hydrogène à Port la Nouvelle, par bateau. Le chef de file de la SEMOP, DEME a investi lourdement à OMAN pour y produire de l’hydrogène vert et a manifesté son intention de l‘importer via Anvers et Port la Nouvelle. Une nouvelle bataille, probablement en coulisse est en train de s’ouvrir autour de cette si petite molécule. Nous n’avons pas fini d’entendre parler de l’usine d’hydrogène Qair.

Ceux qui voudraient avoir plus détails, en pièce jointe, les deux avis déposés par EELV du Narbonnais et l’association ECCLA.

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Albert CORMARY pour le Clairon de l’Atax le 17/12/2022

 

Pour en savoir plus sur le projet d’usine à hydrogène Hyd’Occ à Port la Nouvelle 

Avis EELV  :
EP Hydrogène PLN avis EELV GL Narbonne VD

Avis ECCLA :
ECCLA pour EP PLN H2.pages

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1 commentaire

Ce qui confirme bien une vieille impression : l’avenir appartient à ceux qui sauront devenir indépendants en énergies, plutôt sobres en la matière et qui sauront faire la distinction entre superflu et nécessaire… Faire confiance à une ”industrie” fondée sur la finance est une illusion, tout comme une croissance infinie dans un monde fini.
Merci de m’avoir lu…

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