La « Tortue maraîchère » expérimentée à La Palme : une réussite à démultiplier

Parfois des innovations d'apparence modeste peuvent offrir plus de perspectives que des grand projets proclamés à grand fracas "structurants" par les chantres du néolibéralisme qui nous gouvernent.

Dans son édition d’octobre 2020 (1)  le Clairon de l’Atax avait présenté le projet de « Tortue Maraichère »  porté par François Plassard et l’association – Paysans terre mer -. Un prototype expérimental avait alors été mis à l’eau.
Deux ans plus tard l’expérience s’avère concluante et comme toutes les démarches innovantes elle est à présent confrontée à la question des moyens de sa généralisation.

Le prototype expérimental

La tortue après sa mise à l’eau (Photo HR) 

Il s’agit d’une structure de type catamaran de 10 mètres x 6 mètres. Elle est ancrée dans la lagune face à La Palme.
Une serre, constituée d’une plateforme surmontée charpente en bois et d’une couverture en panneaux de polycarbonate, repose sur deux coques composées d’une succession de flotteurs. Entre les 2 coques, des bassins remplis alternativement d’eau douce ou d’eau salée permettent l’élevage de poissons. Sur la plateforme, des bacs de culture remplis de billes d’argile offrent entre 20 m² de surface disponibles pour la culture de légumes ou de fruits.

Le principe de fonctionnement de la Tortue maraichère

Il est basé sur une technologie innovante qui a désormais fait ses preuves et qui se développe dans le monde entier : l’aquaponie.

Il s’agit de créer un système de circulation d’eau quasi fermé.
Entre les coques du catamaran, des bacs à poisson contenant environ 4m3 d’eau permettent l’élevage de diverses sortes de poissons (par exemple des truites dans de l’eau douce en hiver et des loups dans de l’eau légèrement salée en été).
L’eau des bacs contenant les déjections des poissons est pompée toutes les heures et asperge par un système de goutte à goute les légumes disposées dans les bacs de culture . Ces déjections constituent les nutriments nécessaires et suffisants à la croissance des plantes. Les bacs plantés de légumes fonctionnent à la manière d’une micro station d’épuration et l’eau épurée qui sort des bacs de plantation est réinjectée dans les bacs à poissons.
La serre étant exposée au rayonnement solaire, une partie de l’eau du circuit  (estimée à environ 10 litres/jour en été) s’évapore. Elle est remplacée par pompage de l’eau lagunaire dans un système de dessalement fonctionnant par évaporation solaire. L’eau douce ainsi obtenue est réinjectée dans les bacs à poissons.

Vue de l’intérieur de la Tortue maraîchère (photo Paysans terre mer)

Des résultats probants

Selon ses créateurs la Tortue sur ses 20 m² de surface « cultivable » permet de produire autant que 200 m² de culture en pleine terre avec une économie d’eau d’environ 85 %.

Plantations (photos Paysans terre me

Le prototype de la Tortue maraîchère ça marche…et après ?

Si la capacité de cette installation originale à produire à la fois des poissons et des plantes consommables est désormais démontrée, elle comporte d’autres avantages :

  • Sa construction et son fonctionnement font appel à des « savoir faire », accessibles à un  large public, qui ne font pas appel à des connaissances techniques sophistiquées
  • Il s’agit d’un outil de production qui ne nécessite pas des investissements trop importants. Il peut intéresser des créateurs d’entreprise jeunes et moins jeunes et créer des emplois locaux.
  • Les  Tortues maraichères sont adaptées au contexte actuel d’un environnement en transformation. Elles ne consomment pas de foncier et ne contribuent pas à l’artificialisation des sols, elles sont adaptées à la morphologie du littoral (lagunes), et peuvent supporter la montée des eaux (réchauffement climatique)
  • En matière de santé publique ce système produit des aliments de qualité puisqu’ exempts d’engrais et de pesticide

L’intérêt de ce projet porté par l’association « Paysans terre mer » est désormais reconnu. Le projet a été primé plusieurs fois et divers acteurs ont manifesté leur intérêt, mais il reste en recherche d’investisseurs.
On peut s’étonner de cette situation ; il est vrai que les solutions que propose ce projet ne correspondent pas au logiciel néolibéral qui prédomine encore dans notre société. Le  low-tech et les solutions locales, n’ont pas la faveur de nos gouvernants locaux ou nationaux. Ainsi, à  quelques encablures de La Palme, ils investissent 240 millions € d’argent public dans un projet pharaonique d’extension du Port de Port le Nouvelle dont l’utilité et la capacité de création d’emploi sont loin d’être prouvées… Combien de tortues maraîchères peut-on construire avec 240 millions € ?

Hubert Reys pour le Clairon de l’Atax le 20/09/2023 ?

 

Pour plus d’informations,  site de l’association « Paysans Terre Mer »  :
https://paysansterremer.wordpress.com/

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Notes:
  1. https://le-clairon-nouveau.fr/wordpress/blog/2020/10/23/la-palme-mise-a-leau-dune-tortue-maraichere-experimentale/

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