Nucléaire, les difficultés à mettre en œuvre le plan de relance du nucléaire se confirment

 

 

Dans un article publié en janvier dernier que nous avions consacré à l’EPR de Flamanville et à l’avenir des 6 EPR2 programmés dans le cadre du plan de relance du nucléaire, nous émettions des doutes sur les capacités techniques et financières de la France à tenir les délais annoncés. A l’époque, la Cour des comptes émettait déjà des réserves sur le calendrier  et son chiffrage annoncés par la « com » macroniste : ces doutes sont à présent confirmés.  

Un premier dérapage du calendrier officiellement reconnu

Le CPN (Conseil de politique nucléaire) s’est réuni le 17 mars dernier à l’Élysée, sous la présidence d’Emmanuel Macron. Ce conseil restreint a acté le fait que les délais prévus pour la mise en service du premier EPR 2,à Penly en 2035, ne seraient pas tenus. Désormais il est question de 2038. Si la « com » de l’Élysée annonçait encore il y a quelques jours la date de 2035, un audit gouvernemental avait déjà évoqué un retard de 2 ans.

Mêmes causes, mêmes effets ?

Sommes-nous en présence du même enchainement de dysfonctionnements que pour l’EPR de Flamanville ? On pourrait le croire au vu des incidents qui marquent déjà le début de la construction . En effet, le béton coulé pour conforter l’ilot nucléaire censé abriter le cœur du réacteur vient d’être reconnu comme « non conforme ». Il s’agit d’un problème de granulats entrant dans la composition du béton. L’ilot situé en bord de mer est exposé aux embruns et le béton censé le conforter, contient une composition de granulats qui risque, au contact de ce milieu humide et salin, de provoquer une réaction de « cancer du béton » au bout de quelques années… ce qui ne convient pas bien dans le cas d’un ouvrage censé durer à minima 60 ans ! Pour éviter ce « cancer du béton » sa composition doit respecter un certain nombre de normes et de proportions du mélange. Les entreprises Eiffage et BSM respectivement titulaire et sous-traitant du chantier, s’y étaient engagées, mais il apparait que ces normes n’ont pas été respectées…Dans ce marché de 4 milliards € de travaux attribué à Eiffage Génie Civil, il est question de couler 1,2 millions de m3 de béton sous-traités à BSM (Béton Solutions Mobiles) réputé  » spécialiste du béton prêt à l’emploi » …Nul doute que des solutions seront trouvées…

Mais cette découvertes n’est pas le seul dysfonctionnement constaté : il semble aussi y avoir un problème général de management du chantier. A peine les travaux commencés, que le directeur du génie civil a été remplacé par un ancien du chantier de Flamanville qui a jeté l’éponge au bout d’une semaine. De plus il règne une ambiance délétère sur le site, au point qu’en décembre 2024, quelques moins après le lancement des travaux, le CSE d’ Eiffage Génie Civil a été saisi d’une demande d’enquête pour harcèlement moral.
Cerise sur le gâteau :  le maitre d’ouvrage EDF n’avait pas été informé de ce problème de malfaçon du béton : il l’a découvert tout seul le 17 janvier 2025, suite à une contre-analyse qu’il avait commandée. Il en est de même pour l’ASNR (l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection), chargée du contrôle de tous les ouvrages de génie civil du chantier classés « équipements importants pour la protection en matière de sûreté nucléaire ». Cette autorité aurait été informée par les journalistes de « Reporterre » à la suite de quoi elle a diligenté une inspection….

Mais d’autres causes participent du retard pris par le chantier

La conception de l’EPR 2 de Penly n’est pas encore terminée. Selon les déclarations d’EDF « Nous sommes entrés dans la phase de définition détaillée des principaux bâtiments de l’îlot nucléaire »
Dans de telles conditions, il est aussi difficile de calculer le coût final du chantier et à fortiori de trouver un équilibre financier. EDF a du mal à fournir un devis détaillé des couts et à arrêter un calendrier du programme. L’Elysée lui a réclamé, à l’issue du CPN du 17, de s’engager sur un chiffrage finalisé des coûts et délais, d’ici la fin 2025…Mais l’estimation du coût du chantier des 3 epr2 ne cesse d’évoluer : elle est passée de 51,3 milliards € en 2021 à 67,4 milliards € en 2024. De son côté, la Cour des comptes l’estime à 79,9 milliards € en janvier 2025 avec un dérapage potentiel jusqu’à 100 milliards €…

Une dérive des coûts qui pose des problèmes de financement

Le montage avancé pat le CPN associerait un prêt bonifié de l’État  couvrant 50% du coût et un contrat garantissant un prix d’achat du MWh en fonction de l’évolution du marché. Mais les experts doutent que dans le cas d’un montant 100 milliards €, l’opération puisse être équilibrée avec un cot raisonnable du MWh, compatible avec le marché…Il ne parait pas possible dans de telles conditions d’éviter un appel aux contribuables.

Actuellement l’approvisionnement  en uranium pose problème

Le CPN souhaite développer les activités minières d’Orano car les fournisseurs historiques font défaut (Russie, Niger) Des accords ont été trouvés avec la Mongolie et l’Ouzbékistan ….

Les petits réacteurs modulaires (SMR) ne tiennent pas pour le moment leurs promesses

Le CPN fait le constat que les importantes subventions accordées aux start-ups du nucléaire qui développaient des programmes de SMR, n’ont pas eu l’efficacité prévue. Désormais, seuls les projets les plus avancés, capables d’aboutir à un prototype d’ici 2030, seront encore soutenus financièrement. Le CEA est sollicité par le CPN pour trouver des terrains d’implantation de ces futurs prototypes sur les sites de Marcoule et de Cadarache…

On nous avait assuré que les compétences en matières d’ingénierie nucléaire avaient été retrouvées et que l’expérience accumulée lors de la construction de l’EPR prototype de Flamanville permettrait une conduite plus fonctionnelle et sereine des chantiers futurs. Pour le moment c’est loin d’être confirmé.

Curly Mac Toole pour le Clairon de l’Atax le 19/03/2025

 

 

2 commentaires

BURGER Catherine

On croit rêver !!! tout concourt à rendre ces projets irréalisables, faute de financements pérennes
On va droit dans le mur. L’incroyable aventure (ou plutôt mésaventure) de l’EPR de Flamanville est pourtant bien d’actualité

BURGER Catherine

On croit rêver !!! tout concourt à rendre ces projets irréalisables, faute de financements pérennes
On va droit dans le mur. L’incroyable aventure (ou plutôt mésaventure) de l’EPR de Flamanville est pourtant bien d’actualité

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