
C’est un Monde…!
Créé à la suite des dramatiques évènements du 7 octobre 2025, le collectif « Nous Vivrons » a publié le 20 mars 2025, dans le journal « Le Monde », une tribune intitulée « Pour que l’antisionisme ne serve plus de prétexte à l’antisémitisme ! » et signée par 200 personnalités.
Reprenant à son compte l’amalgame tristement banalisé entre l’anti-sémitisme, qui est un racisme (hostilité contre des personnes en raison de leur origine ethnique) et l’anti-sionisme qui est une hostilité manifestée à l’égard d’une politique, cette tribune demande à la République de « protéger les juifs en intégrant dans sa loi l’antisionisme comme nouvelle forme d’antisémitisme. Il ne s’agit pas ici de museler la critique légitime de la politique d’un gouvernement israélien auquel le sionisme survivra, mais de condamner l’antisionisme qui frappe, l’antisionisme qui viole, l’antisionisme qui discrimine, l’antisionisme qui humilie. »
Au Clairon, nous ne pouvons que nous étonner de cette demande lorsque l’on sait que notre République dispose déjà de lois pénalisant le racisme, la discrimination et le viol.
Si des enragés font de la discrimination, perpètrent un viol ou expriment des propos racistes au nom de l’anti-sionisme, ils doivent être condamnés pour discrimination, viol ou propos racistes, et non pour anti-sionisme. Une justice qui serait habilitée par la loi à condamner des opinions politiques ne pourrait procéder que d’un état totalitaire, comme l’était l’Allemagne nazie.
En réponse à cette tribune, le mouvement de la Libre Pensée de l’Hérault, associé à ATTAC, a rédigé un texte intitulé « Pour que la lutte contre l’antisémitisme ne serve plus de prétexte à la répression« , signé par 1 700 personnes, et a demandé par deux fois à la rédaction du journal « Le Monde » de bien vouloir le publier au titre du droit de réponse. Par deux fois, la rédaction du Monde a refusé cette publication, au motif d’un « espace limité » dans ses colonnes.
Contacté, le Clairon accepte bien volontiers de publier le texte émanant de la Libre Pensée de l’Hérault, qui répond à cette tribune et dont nous reproduisons le contenu ci-dessous. Nos lecteurs trouveront au bas de cet article des liens vers la tribune publiée dans Le Monde et disponible sur le site du collectif « Nous vivrons », l’original de la réponse assorti des signatures et les échanges avec la rédaction du journal « Le Monde ».
Pour que la lutte contre l’antisémitisme ne serve plus de prétexte à la répression
Pour que la lutte contre l’antisémitisme ne serve plus de prétexte à la répression de ceux qui dénoncent le génocide palestinien
Nous, militants de la cause palestinienne, avons été choqués par la tribune, publiée par Le Monde, d’un collectif regroupant essentiellement des responsables politiques qui cherchent depuis le début à invisibiliser le génocide palestinien.
Cette tribune demande la pénalisation de l’antisionisme par l’inscription de celui-ci comme délit pénal par voie législative.
Ce texte est une nouvelle falsification grossière de la vérité historique, que nous entendons démontrer.De quoi le sionisme est-il le nom ?
On lit dans cette tribune : «Le sionisme, c’est un idéal d’émancipation, un ancrage durable, un barrage à la haine, un rempart à l’extermination.». Après un an et demi de bombardements, 50 000 morts dont plus de 15 600 enfants, des milliers de blessés, d’amputés, de torturés, d’orphelins et 70 % du territoire dévasté, nous estimons qu’il est logique d’en douter. Le sionisme, c’est à la fois la division territoriale de la Palestine sur des bases ethniques et l’extension sans fin de frontières jamais définies. L’entité qui porte ce projet n’est en rien représentative d’un peuple, mais au contraire, reflète les intérêts économiques et militaires de pays étrangers à la région, à commencer par les États-Unis. Nous assistons actuellement à l’aboutissement d’un projet d’expansion militaire et coloniale fondé sur la destruction de tout un peuple.
Cette tragédie n’a pas commencé le 7 octobre, mais il y a un siècle avec le nettoyage ethnique méthodique de la Palestine, combinant des phases d’agression miliaire de haute intensité et des phases d’oppression impitoyable basée sur un régime d’apartheid et d’enfermement généralisé des Palestiniens, d’assassinats, d’expulsion massive et de refus du retour des réfugiés.
Le droit international bafoué de façon continuelle par Israël
La première résolution bafouée par Israël est celle dont elle tire son existence même, la résolution 181 qui proposait un plan de partage avec un État israélien pour les juifs et un État arabe pour les Palestiniens. Ce plan de partage n’a jamais été respecté.
Selon le journal israélien Haaretz, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté depuis 1947 près de 1 500 résolutions. Entre 1968 et 2002, Israël a «violé 32 résolutions qui comportaient la condamnation ou les critiques à l’égard des politiques et des actions des gouvernements», se plaçant ainsi au premier rang des pays enfreignant les résolutions de l’ONU. Pour la seule année 2022, Israël a battu tous les records en faisant l’objet de 15 résolutions de l’ONU, pendant que la Russie faisait l’objet de 6 résolutions. 2022, c’est bien avant le 7 octobre 2023, et l’oppression, l’occupation, l’apartheid et le blocus de Gaza apparaissaient à la Communauté Internationale suffisamment insupportables pour interpeler 15 fois le gouvernement d’extrême-droite israélien, mais sans jamais le mettre au ban des nations. Certains d’entre nous pensent que la solution réside dans l’ONU, d’autres pensent le contraire, car ses positions sont à géométrie variable. Pourquoi l’ONU n’envoie-t-elle pas des casques bleus en Palestine comme force d’interposition ? Quels que soient les moyens, le massacre doit cesser tout de suite et définitivement, car le sionisme dévaste la terre de Palestine et bafoue le droit international.
En finir avec l’instrumentalisation de l’antisionisme
Tous les sionistes ne sont pas juifs et tous les juifs ne sont pas sionistes : une des ambitions de cette sombre tribune est d’essentialiser les juifs comme cibles de l’antisionisme. C’est un procédé malhonnête, dangereux et… antisémite.
Car, que cherchent les auteurs de cette tribune en assimilant les juifs du monde entier aux atrocités israéliennes, tout en indiquant qu’elles procèdent « d’un idéal d’émancipation » ? Quelle stratégie et quel cynisme animent des signataires n’ayant pour la plupart rien à voir avec le judaïsme et étant largement insérés dans les institutions ? De quel droit stigmatisent-ils les juifs français avec de tels propos ? Ces sionistes, quel que soit leur parti, sont des racistes prêts à mettre une cible dans le dos de tous ceux qui s’opposent à leur projet colonial.
Rien ne peut justifier l’actuel nettoyage ethnique : les Palestiniens ne sont pour rien dans l’antisémitisme des années 30 en Allemagne, en France, en Italie…
Un passage du texte pousse même le raisonnement à son absurdité totale : «On ne reproche plus aux juifs de vouloir contrôler le monde mais aux sionistes de vouloir contrôler les terres».
Il ne faudrait donc pas critiquer le vol de terres et les dévastations des colons, car cela pourrait être comparé aux arguments ayant cours dans l’entre-deux-guerres ? Mais en quoi le Palestinien d’aujourd’hui est-il responsable des élucubrations de l’extrême-droite européenne des années 1930 ?
En grand nombre, des juifs du monde entier disent « pas en mon nom » et rappellent qu’on avait proclamé « plus jamais ça » après le génocide perpétré par les nazis.
Des millions de citoyens sont saisis d’horreur en voyant hommes, femmes et enfants massacrés par milliers en direct et sans que les dirigeants des pays européens en perdent le sourire, ni l’opportunité de vendre des armes.
Expliquer que l’émancipation d’un groupe ne peut passer que par un État religieux signifie donc qu’il serait impossible de combattre pour un Etat laïque, traitant les citoyens de la même manière quelle que soit la religion. Drôle de conception ! Pour nous, tous les citoyens doivent jouir des mêmes droits, indépendamment de la religion.
Répéter un mensonge n’en fait pas une vérité.
L’antisionisme n’est pas de l’antisémitisme… et ils le savent !
Notre empathie n’est pas dictée par les considérations des marchands d’armes américains. Nous sommes solidaires des juifs antiracistes, y compris israéliens, et clamons que le droit international doit être le cadre du règlement pacifique des conflits. Nous admirons tout autant une Rima Hassan qu’un Pierre Stambul ou un Rony Brauman. Nous nous intéressons trop à la justesse de l’émancipation pour prendre en compte les convictions religieuses ou philosophiques.
Nous en appelons à toutes celles et ceux, militants démocrates, défenseurs des droits de l’homme, descendants de la résistance, syndicalistes, journalistes honnêtes, politiques auxquels il reste une conscience, et à tous ceux qui refusent le chantage et regardent avec lucidité l’étendue des injustices faites aux Palestiniens depuis un siècle. La critique du sionisme est une liberté qui nuit à l’extrême-droite et à ses marchepieds.
On ne règle pas un problème politique en interdisant la liberté d’expression. Liberté qui est toujours celle de celui qui pense autrement.
En aucun cas, la moindre loi ne peut venir interdire à celleux qui dénoncent le génocide de donner leurs arguments, y compris dans leur combat contre le sionisme.
Retrouvez ci-après le textes originaux :
- Tribune parue dans Le Monde
- Texte original de la réponse apportée par Libre Pensée Hérault (avec les 1 700 signatures)
- Échanges avec la rédaction du journal Le Monde
La rédaction du Clairon de l’Atax, le 19 mai 2025
Oui, cette réponse à la tribune du 20 mars est parfaite et il n’y à là rien à jeter… Sauf le celleux de la dernière ligne. De grâce, laissez-nous le celles et ceux. C’est du français. Celleux??… Je ne crois pas. Bien amicalement.
Nous avons reproduit le texte émanant de Libre Pensée Hérault, mot pour mot. Vous pourrez le constater en consultant l’original disponible en fin d’article.
Quant à savoir si l’écriture inclusive est du français ou non, d’un point de vue légal, elle n’est pas interdite, excepté dans l’administration pour les documents officiels. Mais cette interdiction n’est pas le fait de la loi, mais d’une circulaire ministérielle datant de 2017.