Narbonne : retours sur le débat public du PNGMDR consacré aux déchets de l’usine Orano / Malvési

Depuis une soixantaine d’années la filière nucléaire française accumule des déchets radioactifs de diverses natures, sans avoir réussi à les débarrasser de leur radioactivité. Ils sont donc, stockés en fonction de l’intensité de leur rayonnement et de leur durée de vie. Les capacités de stockage de ces déchets atteignent aujourd’hui des limites qui posent à la fois des problèmes de sureté (non contamination de l’environnement) et de sécurité (cibles d’éventuelles attaques terroristes).

A l’heure actuelle aucune solution fiable et définitive n’a été trouvée pour ces déchets, alors que la filière nucléaire continue à les produire. C’est pourquoi, depuis 2006, un plan triennal, le PNGMDR = Plan National de Gestion des Matières et Déchets Radioactifs  (1) vise à organiser la gestion de ces déchets répartis un peu partout sur le territoire français.

Alors qu’historiquement les Français n’avaient pas été directement consultés sur les grands choix liés au développement de la filière nucléaire, il semble qu’à présent leur consentement soit recherché, tant les problèmes des déchets (entre autres) sont devenus cruciaux et exigent des mesures radicales, donc des sacrifices. L’outil de cette fabrication du consentement a été choisi : il s’agit d’une commission particulière, issue de la CNDP qui « viendra à la rencontre des citoyens, des associations, des représentants du secteur de l’énergie, des élus ou toute autre personne ». 22 rencontres et réunions sont ainsi prévues d’avril à septembre 2019.

La réunion PNGMDR du jeudi 6 juin à Narbonne

Bien que boycottée par un certain nombre d’organisations, elle a réuni un public d’environ 500 personnes dans la salle des fêtes du Palais du Travail. Les arguments avancés pour ne pas y participer mentionnent surtout le fait que les choix sont déjà faits et que l’arrêt de la filière nucléaire ne peut être remis en question dans ce débat. C’est par exemple le contenu du communiqué de la Confédération Paysanne de l’Aude auquel s’associent : Sortir du nucléaire Aude, Arrêt du Nucléaire Hérault et la Criirad.
Lire le communiqué de la Conf 11 : Communiqué de presse conf 11
Par contre la CGT Orano / Malvési se félicite de la tenue de ce débat à Narbonne. Elle y voit l’occasion de clarifier les choses et de réfuter les arguments des anti-nucléaires tout en démontrant l’importance de l’activité d’Orano / Malvési dans l’économie régionale.
Lire les 2 communiqués CGT : débat 6 juin tract CGT Malvési ; communiq de presse-CGT Orano Malvési
Enfin un texte de la Ligue des Droits de l’Homme explique les raisons de sa présence à cette réunion
Lire le communiqué de la Ldh : Commission particulière du débat publicLdh11

L’organisation du débat

Des stands à l’entrée distribuent au public des dossiers consistants qui comprennent des fascicules didactiques et des plaquettes aux présentations soignées. Dans la salle l’ensemble des parties concernées semble réuni (les représentants de l’Etat, de l’industriel, des organismes de contrôle publics et indépendants, des associations et organisations ainsi que des habitants). Les intervenants bénéficient d’un matériel audiovisuel correct et la conduite du débat est menée avec maestria par des professionnels réactifs et expérimentés ! La séance débute par de courts exposés assurés par : deux responsables d’Orano qui présentent à tour de rôle le site et les projets d’Orano ; suivis par les explications d’André Bories, représentant de l’association Rubresus qui a développé une contre-expertise des projets de développement d’Orano Malvési (lire l’exposé d’André Bories/Rubresus : Cahier_d_acteur_n_11_Rubresus), puis par l’intervention de Maryse Arditi représentant l’association ECCLA  qui recadre la question des déchets et se déclare favorable à l’étude de leur stockage sur site. Suite à ces interventions le débat est ouvert avec la salle…

Le compte rendu détaillé de cette séance sera réalisé et communiqué par la commission du PNGMDR et diffusé dans une prochaine édition du « Clairon »

Exposé de Mr André Bories pour Rubresus et intervention de Mme Mariette Gerber pendant le débat (mauvaises photos de HR)

Le débat et ses suites

Il a donné lieu dans les jours qui suivent à diverses mises au point : certains participants se sont insurgés, lors du débat et par la suite, sur la manière dont le cas de Monsieur Leclerc dont la maladie professionnelle, contractée à Orano Malvési et reconnu par la justice a été déniée par le représentant de l’entreprise comme par certains salariés.
Par ailleurs Rubresus et EELV ont réagi  suite à un article de la presse locale et un tract de la CGT Orano / Malvési.
L’association Rubresus a apporté des précisions sur le sens de son travail : suite à un article de l’Indépendant qualifiant d’« anxiogène » l’exposé du représentant de Rubresus, cette association publie une mise au point où elle dénonce la superficialité de cet article de presse
Lire la mise au point de Rubrésus : Communiqué La vérité est-elle anxiogène VF
De son côté EELV précise ses positions, en réponse au tract de la CGT Orano / Malvési qualifiant les associations de défense de l’environnement comme d’opposants à la CGT et aux travailleurs de Malvési :  
Lire la mise au point d’EELV : REPONSE TRACT CGT Vdef

En conclusion

Malgré la qualité de la conduite du débat, les différentes parties semblent être restées sur leurs positions.
Les éléments de langage déployés par Orano (employeur et salariés) insistent sur la compétence et le professionnalisme des personnels et la sûreté des méthodes et installations, sans véritablement fournir de preuves convaincantes. Ces affirmations passent d’autant plus mal que le changement de nom d’Areva en Orano n’a pas suffit pour faire oublier le formidable passif de cette entreprise à l’histoire riche en incidents, malfaçons et dissimulations (2).
On peut aussi regretter l’attitude du directeur du site Orano / Malvési qui devant les critiques de la communication faite par l’entreprise à tout simplement opposé une fin de non-recevoir en déclarant qu’il continuerait sur la même voie.
De plus il apparait, suite à l’intervention du Dr Mariette Gerber (3) que toutes les mesures relatives l’impact des installations sur la santé des populations n’ont pas été faites, ni par l’industriel, ni par l’Etat, il est donc tout à fait hasardeux de conclure à l’innocuité des activités d’Orano sur la population. Ce que laisse d’ailleurs transparaître la réponse maladroite du représentant d’un service technique de l’Etat interrogé par une dame qui lui demandait de confirmer que la santé de ses enfants n’était pas menacée par l’usine. « Avec les informations que j’ai, je peux vous assurer qu’il n’y a pas de risque ».

Surprenante aussi l’absence des élus du Narbonnais (mis a part la présence de Madame Sabine Flautre, conseillère municipale à Narbonne) alors que les projet d’Orano/Malvési les concernent au premier chef !
Comment imaginer que l’évolution de l’usine Orano / Malvési et le développement de l’agglomération narbonnaise puissent se faire indépendamment. Au delà de l’impact économique de l’entreprise sur l’emploi local, des problèmes de sûreté et de sécurité posés par ses activités, des soutiens financiers qu’elle peut apporter à la vie locale, l’évolution des activités d’Orano/ Malvési implique de faire des choix en matière d’urbanisme et d’aménagement, par exemple sur l’affectation des sols. Peut-on laisser des zones d’habitations se développer  dans le voisinage de l’usine, jusqu’où ? Quelles activités agricoles seraient possibles dans son environnement ? Faut-il réviser les documents d’urbanisme pour y faire évoluer les mesures relevant du principe de précaution, suite aux alertes lancées par divers intervenants ?
Ces questions sont éminemment politiques  : il faut une certaine envergure pour oser s’y attaquer et le risque de prendre des coups y est fort. Est-ce la perspective des prochaines municipales qui explique cette absence remarquée des « politiques » en place et de ceux qui aspirent à leur succession, où est-ce le signe d’un manque de vision, voire de projets sur l’avenir de l’agglomération narbonnaise ?

En attendant l’actualité politique locale regorge de petits arrangements entre amis et de guéguerres picrocholines. Pauvre Narbonne qui semble, une fois de plus, ne pas avoir trouvé le personnel politique d’envergure, faisant équipe autour d’un projet capable de faire face aux défis qui lui sont posés.

Hubert Reys pour le Clairon de l’Atax le 19/06/2019

 

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Notes
  1. qui englobe tous les déchets radioactifs et pas seulement ceux de la filière nucléaire[]
  2. cf. les dossiers du Clairon intitulé « AREVA / Malvési » et « Chronique d’une catastrophe annoncée »[]
  3. experte à l’ANSES, ancien directeur de recherche à l’INSDERM[]
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