Epandage des pesticides : le gouvernement reste droit dans ses bottes.

Les nouvelles mesures de protection contre l’épandage de pesticides ne semblent pas relever du souci du bien être pour le plus grand nombre, bien au contraire l’arrêté qui sera pris dans les prochains jours semble être essentiellement dicté par l’intérêt des professionnels producteurs et consommateurs de pesticides

Choisir la santé de l’agro-industrie  ou celle de l’homme ? (Image par Ulrike Leone de Pixabay)

Vendredi 20 décembre 2019 le ministère de la Transition écologique et solidaire a dévoilé le contenu du nouvel arrêté concernant l’épandage des pesticides qui sera publié dans les tout prochains jours.
Rien de nouveau : le gouvernement campe sur ses positions : une distance minimale de 20 m sera prescrite entre les zones d’épandage et les habitations pour les produits qualifiés de pesticides le plus dangereux” : il s’agit de produits dont « la toxicité est quasi avérée pour l’homme », par exemple les substances classées dans la catégorie cancérogène, mutagène et reprotoxique (CMR) avérée pour l’homme. Mais cette limite de vingt mètres ne s’appliquera qu’à une très faible partie des pesticides utilisés en France !(1).
Ni le glyphosate, ni les SDHI (fongicides) aux effets néfastes reconnus par la science ne font partie de cette catégorie !!!
Pour les autres pesticides elle est réduite à 10 m lorsqu’il s’agit de cultures hautes(2)  et à 5 m pour les cultures bassescomme les légumes. Mais ces distances pourront être réduites dans le cadre de chartes départementales (jusqu’à 5 mètres pour l’arboriculture et jusqu’à 3 mètres pour les autres).

Ces mesures entreront en application dès le 1/01/2020, excepté pour les cultures déjà ensemencées avant cette date où les mesures sont différées au 1er juillet 2020 (3).

Comment et dans quelles conditions ces mesures ont-elles été prises

Un arrêté précédent relatif aux conditions d’épandage des pesticides a été annulé le 26 juin 2019 par le Conseil d’Etat, au motif que les mesures prescrites n’étaient pas assez protectrices. Le gouvernement a donc revu sa copie : pour ce faire il lui fallait arbitrer entre les recommandations de l’ANSES, les pressions du lobby agro-industriel, le rapport de force créé par la cinquantaine de maires qui ont pris des arrêtés fixant une distance minimale de 150 m entre zones d’épandage et habitations et les résultats d’une consultation publique sur le nouveau projet de décret et d’arrêté.
Cette consultation organisée entre le 9 septembre 2019 et le 4 octobre 2019 par le ministère de la transition écologique et solidaire, devait, selon les déclarations de ce même ministère faire l’objet d’une “synthèse” publiée avant la fin octobre 2019.

Malgré la grande discrétion dont elle a bénéficié de la part des autorités, cette consultation a enregistré une participation record de 53 674 contributions. Pourtant plus de 2 mois après sa clôture et alors que les textes règlementaires vont être publiés par le gouvernement, cette “synthèse” n’a toujours pas été rendue publique malgré les sollicitations de la presse et de nombreuses associations de défense de l’environnement lesquelles sont allées jusqu’à interpeler le Premier Ministre par courrier !...

Turpitudes ! On est loin de mesures faisant consensus et dans ce cas précis, même les apparences d’un fonctionnement démocratique n’ont pas été respectées ! 

Des mesures de protection insuffisantes sur le plan scientifique

Malgré les efforts de l’agro-industrie, l’innocuité pour l’humain de l’emploi de pesticides est de plus en plus battue en brèche, mais dans le domaine de l’épandage l’étude des effets sanitaires est relativement récente.
Elle s’est d’abord appuyée sur des statistiques relatives à l’exposition professionnelle. Selon une étude récente de l’INSERM (2019), il y a un risque légèrement accru de contracter des pathologies comme des lymphomes non hodgkiniens, le cancer de la prostate, le myélome multiple, la maladie de Parkinson, etc.
Pour les riverains, une étude publiée en avril 2018 dans la revue de l’agence Santé Publique France indique que les agriculteurs utilisant des pesticides présenteraient un risque accru de 13% de contracter la maladie de Parkinson, et qu’il est constaté que les habitants des cantons viticoles présentent un  risque accru de 10% de contracter cette maladie… (4) Si pour les enfants de femmes exposées professionnellement pendant leur grossesse, les risques sont accrus de contracter plusieurs maladies graves (leucémies infantiles, tumeurs cérébrales, malformations congénitales, troubles du neuro-développement), pour les « enfants « riverains » plusieurs études américaines et britanniques récentes établissent une corrélation forte entre diverses pathologies développées et l’exposition de leur mère lors de sa grossesse à proximité de champs traités.

Face à des risques considérés par l’INSERM comme relevant d’une « présomption forte ou moyenne» on aurait pu penser que le gouvernement mettrait en œuvre le principe de précaution et arrêterait des mesures plus prudentes, à l’instar de la fameuse distance de 150 m décrétée par certains maires : il n’en est rien !
Bien au contraire les distances minimales retenues par le gouvernement peuvent être réduites lors de la négociation de chartes départementales entièrement “contrôlées” par les préfets et les agriculteurs utilisateur de pesticide…drôle d’arbitrage !

Les nouvelles mesures de protection contre l’épandage de pesticides ne semblent pas relever du souci du bien être du plus grand nombre, bien au contraire l’arrêté qui sera pris dans les prochains jours apparait comme essentiellement dicté par l’intérêt des professionnels producteurs et consommateurs de pesticides. A quoi aura servi la consultation publique dont les résultats restent cachés à l’opinion ?
De tels procédés, de plus en plus fréquents dans la gouvernance Macron / Philippe, constituent indéniablement une atteinte grave à la démocratie. Les contre-pouvoirs ne pouvant plus s’exercer dans les cadres de négociation institués, il ne faut pas s’étonner qu’ils s’expriment autrement, au grand dam de la paix civile !

Louise B. Velpeau  pour le Clairon de l’Atax le 19/12/2019

 

 

Pour plus d’information lien vers article précédent du Clairon :
https://le-clairon-nouveau.fr/wordpress/blog/2019/09/23/epandage-des-produits-phytosanitaires-comment-proteger-les-riverains/

 

 

 

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Notes
  1. selon les estimations du ministère de l’agriculture, seul 0,3 % des produits phytosanitaires consommés chaque année entrent dans cette catégorie[]
  2. par ex : vignes, les arbres et arbustes ou les petits fruits[]
  3. exception faite pour les pesticides les plus dangereux pour lesquelles les mesures seront appliquées dès le 1er janvier 2020[]
  4. Avec un nombre moyen de 19 traitements phytosanitaires par cycle de récolte la viticulture tient en France la 4ème place en matière de consommation de pesticides[]
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