“Réfléchir, c’est déranger ses pensées.”
Quoi de mieux que la lecture pour nous déranger, nous aider à avancer et à réfléchir sur notre monde…Jean Rostand, chercheur et académicien nous y incitait.
Pascal Manoukian m’a dérangé, m’a bousculé, et m’a démontré, si besoin était, que nous n’avions pas à nous plaindre de nos petits tracas qui font notre quotidien.
Ils ont échoué sur nos rivages, ou sont arrivés dans nos bidonvilles, couchés et cachés sous le plancher d’un camion…
“Ils”….ce sont quatre échoués. Ces quatre personnages principaux font ce roman, mais est-ce un roman?
“Ils”…ces anonymes qui essaient de se cacher par peur d’être rejetés, d’être renvoyés à la frontière, ce sont d’abord Virgil., qui vient de Moldavie dont il a fui le communisme. Il vit dans un trou dans la forêt sous une bâche. Puis Assan qui a quitté la violence et les enfants soldats drogués de Mogadiscio . Iman, sa fille au sexe cousu l’accompagne. Et enfin Chanchal qui a quitté le Bangladesh et ses inondations périodiques et meurtrières dans lesquelles chacun tente de sauver l’essentiel..
Quatre destins, quatre invisibles. Ils ont dû emprunter de l’argent, beaucoup d’argent, pour faire le voyage. Et ici, sous nos cieux, ils doivent vivre ou plutôt survivre en se cachant, en faisant des petits boulots, en repeignant des appartements, en déchargeant des camions. Heureusement, il ne sont pas invisibles pour tout le monde…Certains les aident, leur prêtent un appartement en échange d’un coup de peinture, d’autres prendront beaucoup de risques, comme ce vétérinaire qui découdra Iman.. Ils seront invisibles pour la majorité d’entre nous. Invisibles par nécessité, invisibles pour rester parmi nous. Le peu qu’ils ont c’est déjà mieux que ce qu’ils avaient. Avant !
Mais pas invisibles pour tout le monde. Ils sont exploités par d’autres immigrés, par des Chinois qui leur font faire tous les sales boulots dont personne ne veut.
” Vous verrez, bientôt des milliers d’autres suivront notre exemple et se mettront en marche, de partout où l’on traite les hommes comme les bêtes, annonce Virgil. Il n’y aura aucun mur assez haut, aucune mer assez déchaînée, pour les contenir. Parce que ce qu’il y a de pire chez vous, est encore mieux que ce qu’il y a de meilleur chez nous. Vous n’y pouvez rien, croyez-moi, ce qui vous gratte aujourd’hui n’est rien, à côté de ce qui vous démangera demain. “
Non ce n’est pas un titre pour pleurer dans les chaumières, c’est juste un coup de gueule dont on a besoin pour mieux connaître ce qui se passe dans notre monde et sous nos cieux…. dont a besoin, parce que cette écriture nous dérange, pour réfléchir.
C’est bien le but de la littérature…. Non?
“Je crois fermement que la lecture et la littérature peuvent aider une société à mieux se comprendre.”…ce n’est pas moi qui le dit, mais Emmanuel Macron. Lui et tous les responsables politiques de nombreux pays ont là, avec ces hommes et femmes fuyant la violence de leur pays d’origine un très gros chantier…un chantier humain, là-bas, dans ces pays que fuient des hommes et femmes et ici où ils arrivent.
Je reparlerai, c’est certain, de Pascal Manoukian, en espérant qu’il me dérangera encore !
“Si un Dieu a fait le monde, je n’aimerais pas être ce Dieu, car la misère du monde me déchirerait le cœur.” (Arthur Schopenhauer)
Jean Pierre Vialle pour le Clairon de l’Atax le 21/02/2021