ORANO-MALVEZY SOUS L’ŒIL DES VOISINS VIGILANTS

Usine nucléaire ORANO-MALVESI : très forte augmentation des rayonnements ces dernières années. Dans ce contexte, la vigilance citoyenne exercée autour du site est donc une nécessité !

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Dans l’Aude, à Narbonne, existe une usine Orano-Malvési très discrète bien que située à moins de 3 km du centre ville. Il n’est plus besoin de la présenter aux lecteurs du Clairon de l’Atax. Petit retour sur l’histoire géologique du quaternaire ; en nous reportant quelques millénaires en arrière (3 ou 4), elle aurait été située tout près de l’embouchure du fleuve Atax dans le golfe narbonnais. Mais, ce n’est pas le propos du jour,
Comme dans l’ensemble de cette industrie, mensonges, désinformation, escamotages des réalités, tripatouillage des chiffres sont monnaie courante. Bien entendu l’exploitant satisfait à ses obligations légales de surveillance du site et diffuse son rapport annuel. Malheureusement, des incohérences y apparaissent. Ainsi, en 2005, débit d’équivalent de dose : zéro partout ! En 2006, des mesures effectuées par la CRIIRAD, donnent des valeurs 100 fois supérieures à celle du milieu naturel ! Dans son rapport suivant,  Comurhex (nom de l’entreprise à l’époque) rectifie à l’occasion de la parution d’un tableau comparatif des années 2005 et 2006.  Passons au rapport 2019 (le dernier disponible) : Orano donne page 37, dose maximale (rejets atmosphériques, rejets liquides, exposition en limite de clôture) = 25 micro Sivert/an. Un peu plus loin, page 39, nous relevons : dose liée à la seule exposition externe = 840 micro Sivert /an. (Plus loin dans l’article, nous utiliserons la notation scientifique µSv pour micro et mSv pour milli).

Dans ces conditions, la confiance dans les déclarations de l’industriel ne peut être établie. C’est pourquoi, les militants locaux ont monté une opération de vigilance radiologique des abords du site. Portée par “Sortir du Nucléaire Aude” (SDN 11), elle réunit, outre des militants du réseau, des membres des associations “Arrêt du Nucléaire 34” et Greenpeace Montpellier qui co-financent en partie cette action avec le Réseau SDN, ainsi que des membres de TCNA (Transparence des Canaux de la Narbonnaise) et du COVIDEM (Collectif de Vigilance sur les déchets de Malvési).
Après un an de préparation, d’établissement d’un partenariat avec la CRIIRAD, de collecte de fonds, le premier acte a eu lieu le week-end des 17 et 18 octobre dernier avec la formation d’une quinzaine de préleveurs sous l’autorité de Bruno Chareyron, directeur du laboratoire de la CRIIRAD. Formation théorique sur la radioactivité, la radio protection ainsi que des travaux pratiques sur le terrain étaient au programme.
Un « plan de bataille » a été mis sur pied pour collecter des échantillons de sol, d’eau ou de végétaux à des endroits stratégiques, plus ou moins proches de l’usine. Quelques prélèvements ont eu lieu pour valider la méthodologie. L’action est prévue sur deux ans, mais nous nous inscrivons dans la durée et envisageons de la prolonger tant que nécessaire.
L’équipe qui s’est créée effectue un travail pluridisciplinaire en vue de choisir où et quoi analyser : cartographie des lieux, étude de la rose des vents, suivi météo, recueil d’informations auprès des riverains, comparaison des données accessibles sur internet. Le vif intérêt de nombre d’habitants concernant la vigilance autour de l’usine démontre le besoin de pouvoir établir une information précise en temps réel sur l ‘activité du site et ses rejets dans l’environnement afin de pouvoir savoir qui a été impacté, où, quand et comment.
Un des buts de notre projet concerne également les nouveaux et importants développements projetés par l’industriel, NVH et TDN (cf. : revue Sortir du Nucléaire n°85 printemps 2020), nous pourrons aussi avoir des mesures « point de départ » permettant de repérer et de quantifier d’éventuelles pollutions supplémentaires émises par ces procédés.

L’exploitant certifie réaliser de très nombreuses mesures (23 000) de surveillance de son environnement. Malheureusement elles ne sont pas disponibles et un bras de fer oppose nos amis de TCNA à ORANO et au ministère de l’environnement pour les obtenir. En attendant qu’ils répondent aux injonctions de la Commission d’Accès aux Documents Administratifs datant d’avril  2019, nous avons analysé ce que l’on peut trouver sur Internet.
L’institut de Radioprotection et Sureté Nucléaire (IRSN) anime le Réseau National de Mesure de la Radioactivité qui publie sous forme de carte interactive (https://www.mesure-radioactivite.fr/#/) le recensement des données disponibles à travers les mesures effectuées par l’IRSN, les déclarations d’exploitants, de laboratoires de recherche, de surveillance douanière, etc. Dans le Narbonnais, ce sont 150 points de mesure qui sont recensés. Nous nous sommes attachés en particulier aux mesures de rayonnement gamma dans l’environnement proche de l’usine, « à la clôture » en plusieurs points (légende des points en référence à une nomenclature sur la colonne de droite). La recension des données publiées a été synthétisée dans le graphique ci-dessous..

On remarquera une très forte augmentation ces dernières années. Nous avons bien évidemment demandé des explications à ORANO mais la réponse tarde, tarde… Nous supposons que cette augmentation est due au fait de l’arrêt très prolongé de l’activité industrielle alors que les convois de fûts de concentrés uranifères continuaient d’arriver. Ainsi, en octobre 2020, la chargée de communication de l’usine nous a affirmé que le stock atteignait 35 000 tonnes !
La dose horaire semble faible. La limite réglementaire pour les personnes travaillant dans le secteur est de 20 m/Sv/an. En dehors, c’est à dire au-delà de la clôture, elle est de 1 mSv/an. Sachant que le rayonnement décroit avec la distance, on comprend que pour les personnes travaillant sur site et en particulier au parc à fûts, c’est loin d’être anodin. Au mois d’octobre 2020, nous avons découvert une annonce pour le recrutement d’un cariste intérimaire. Le poste proposé était : chargé de la manutention des fûts (cf. l’Indépendant 10 oct. 2020). Nous ignorons évidemment ce que cette personne a absorbé en terme de rayonnements mais ce ne peut être négligeable
C’est d’autant moins négligeable que l’on sait que les faibles doses ne sont pas sans effet sur la santé. Pendant longtemps, le monde nucléaire a fait des comparaisons tendant à minimiser la signification des chiffres. Cette question a été longuement débattue entre scientifiques et le lobby nucléaire y a lourdement pesé. La publication de l’étude INWORKS (2015), menée sur plus de 300 000 ouvriers du nucléaire (USA, Grande Bretagne et France) lève toute ambigüité et montre qu’elles ne sont pas inoffensives.

Dans ce contexte, la vigilance citoyenne exercée autour du site d’ORANO – Malvézy est donc une nécessité !

Pour le conseil d’administration de “Sortir du Nucléaire Aude” (SDN11)

Albert CORMARY

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