“Au printemps 2014, seule une minorité d’habitants avait d’emblée pris fait et cause pour les séparatistes. Avec les premiers succès et l’espoir de voir la Russie intervenir, beaucoup d’autres avaient suivi. La majorité ? Impossible à dire, mais les slogans séparatistes avaient séduit largement, appuyés par la propagande des chaînes de télévision russes que les habitants d’Avdiïvka regardaient en masse. On y dépeignait le nouveau pouvoir de Kiev soumis aux nazis de l’Ouest, vendu aux Américains.” (P. 40)
Dès que radios et télés ont commencé à parler de cette guerre, qui apparemment durait depuis plusieurs années, j’ai eu besoin de vérifier si la littérature avait évoqué ce problème que nous venions de découvrir sur nos télés…je ne suis sans doute pas le seul à méconnaître ce conflit, ces tensions entre ces pays…et internet me proposa ce polar « Donbass »
Bête et C…..j’aurais préféré un titre plus culturel…Ah préjugés que vous avez donc la vie dure!
Oui, nos télés et radios ne nous avaient peu ou pas informés !
Alors je suis entré dans ce livre un peu à reculons …Mais ça n’a pas duré…de suite j’ai été captivé par l’histoire de ce gamin tué et cloué au sol par un couteau, oui, captivé à la fois par le scénario mais aussi et surtout par le contexte de l’histoire, par ces descriptions de barres d’immeubles fracassées par les bombes, par l’atmosphère de l’histoire, par la grande Histoire de ces tensions entre Ukraine et Russie, par ce Donbass regorgeant de charbon – que nous achetons pour nos aciéries – mais aussi par les personnages, alcooliques au dernier degré, par ces types peu fréquentables d’extrême-droite, par cette crasse omni présente, les meurtres, les bombardements…bref le polar s’efface derrière l’aspect culturel et politique, derrière les descriptions des situations, des personnages alcooliques anciens de l’Afghanistan…jouant avec la mort, derrière la grande Histoire.
Puis la pègre a racheté les entreprises d’Etat
Et tout ça se passe en 2014….alors que nos télés et radios nous parlaient d’autres conflits !
Un conflit oublié, comme ses causes.
Mais peut-on faire confiance à Benoît Vitkine, me direz-vous?
Certainement, car il a obtenu le prestigieux prix « Albert Londres » pour ses reportages sur l’Ukraine. Donbass a pour sa part obtenu le prestigieux « Prix : Senghor du premier roman francophone et francophile. »
J’ai poursuivi mes recherches…deux autres titres sont à lire pour conforter nos informations sur ces tensions, sur ce conflit et ses causes : « Les loups » également de Benoît Vitkine et aussi « L’Ukraine : de l’indépendance à la guerre » d’Alexandra Goujon
J’en reparlerai sans doute, je les ai réservés ou commandés
Bonnes lectures à vous tous
Editeur : Equinox – Les Arènes – 2020
Quelques lignes pour apprécier
« Alors ceux de l’Est s’étaient tournés vers ce qu’ils connaissaient : pendant que Kiev choisissait l’Europe et s’illusionnait en songeant à un futur meilleur, le Donbass avait regardé vers Moscou et cherché refuge dans le passé. L’ancienne mère patrie n’attendait que cela. Ce que les gens du Donbass ignoraient, en revanche, c’est qu’entre-temps elle était devenue une marâtre acariâtre et cynique. » (P. 75)
« Quand ils ont fait intervenir leur armée, en 2014 et 2015, ils nous ont battus, mais avec de lourdes pertes. Peut-être deux mille tués… Ce n’est pas gérable pour le Kremlin, ça. Chez nous une mère peut comprendre que son fils est mort pour défendre la patrie, mais va expliquer à une mère russe ce que son fils était venu faire dans le Donbass…. » (P. 108)
« On s’entre-tuait depuis quatre ans, on s’évertuait à vider consciencieusement les stocks d’armes et de munitions inépuisables de la glorieuse Union soviétique…… » (P. 126)
« Les massacres étaient une spécialité locale : chaque époque avait offert les siens. Les fosses communes creusées par les communistes dans les années trente n’avaient pas toutes été découvertes, pas plus que celles utilisées par les nazis pour assassiner les Juifs durant la guerre. » (P. 192)
« La carcasse d’une voiture calcinée était posée en travers de la route, ses armatures de métal tordues en tous sens. » (P. 193-4)
« Dans les capitales européennes, on discutait de moins en moins du sort de l’Ukraine. Les plans de paix étaient enterrés. Moscou faisait semblant de s’offusquer, mais ses chargements d’armes continuaient de franchir la frontière. Les soldats se préparaient à un nouvel été de guerre. Dans leurs tranchées, la boue avait séché. La nuit, on y voyait les étoiles. » (P. 241)