Pourquoi il faut construire une gare TGV à Narbonne.

Japon shinkansen (Image par Rene Staempfli de Pixabay)

Face au fiasco annoncé de la gare TGV de Montpellier, des voix s’élèvent pour abandonner le projet de construction d’une gare TGV à Narbonne. Ce serait une erreur. La gare TGV de Narbonne aurait une fonction de correspondance structurante en Occitanie. La gare TGV de Montpellier n’est qu’une gare de desserte locale. Creusons.

 Gares de desserte et gares de correspondance

Les gares ferroviaires de voyageurs ont deux fonctions. Elles peuvent être des gares de desserte ou des gares de correspondance. Les principales villes se trouvant, sauf exception, sur des nœuds de communication, les gares qui les desservent sont également des gares de correspondance. La fonction de correspondance permet parfois à des villes modestes d’accueillir des gares importantes comme Vierzon par exemple. La logique centralisatrice française a cependant conduit à limiter ce genre de situations pour rabattre les voyageurs vers les grands pôles. Montpellier, par exemple, n’est pas un nœud de communication. Sa gare est pourtant devenue artificiellement une gare de correspondance pour les trains régionaux. Cette volonté constante de privilégier la desserte des grands pôles plutôt que la correspondance cruciale pour les pôles secondaires a fait des dégâts dans nos expériences voyageurs. Mais le dégât le plus durable est qu’il oriente le débat sur les gares nouvelles.
Une gare de correspondance est une gare où les voyageurs arrivent dans un train et repartent dans un autre train. Sa fonction est de démultiplier l’offre vers les petites destinations. Une gare de desserte est positionnée au cœur d’un espace densément peuplé. Une gare externe échoue, par construction, à endosser ce rôle.

La structure du réseau ferroviaire de l’est de l’Occitanie

Essayons dans le cas de la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan d’aborder le débat sur les gares sous l’angle de la desserte et de la correspondance. Un des objectifs de la ligne nouvelle est de libérer des sillons sur la ligne classique pour les transports du quotidien. Celle-ci est constituée d’un axe central entre les nœuds ferroviaires de Narbonne et Nîmes qui se ramifie aux deux extrémités. Un modèle de desserte de l’est de l’Occitanie pourrait reprendre le schéma général d’une ligne du Réseau Express Régional d’Île de France (RER). Des trains venant de Port-Bou, Prades, Limoux et Castelnaudary convergeant vers Narbonne desserviraient les gares jusqu’à Nîmes avant de s’orienter vers Alès, Pont Saint Esprit, Avignon et Arles. Le projet de la Renfe de desservir Perpignan, Narbonne, Béziers puis Montpellier Saint-Roch et Nîmes avec ses AVE Barcelone-Lyon s’inscrit dans une logique similaire. Jusqu’ici la tendance a été d’abandonner les gares mineures. L’ouverture de nouveaux sillons permet d’envisager des dessertes dans toutes les haltes et la création de nouveaux pôles. Les politiques de lutte contre l’étalement urbain vont se traduire par une densification du bâti. Elle doit être accompagnée par une densification des transports en commun. Le modèle des trains italiens semble particulièrement pertinent sur cet axe avec des trains omnibus desservant chaque village et des trains véloces ne s’arrêtant que dans les principales gares.

Nîmes et Narbonne TGV, des gares externes pas comme les autres

La gare TGV de Nîmes se trouve proche d’une extrémité de cet axe central. Le projet de gare TGV de Narbonne serait son pendant. Leur fonction serait alors d’offrir des correspondances avec les trains longue distance. En effet, dans un modèle sans gare TGV, peu de trains quitteraient la ligne à grande vitesse pour desservir un petit nombre de gares. Le débat sur les gares externes se limite souvent à choisir entre une mauvaise desserte dans des gares accessibles ou une meilleure desserte dans des gares inaccessibles. L’expérience nous apprend que si une gare est difficile d’accès pour les voyageurs, elle sera boudée et les trains cesseront de s’y arrêter faute de passagers. La gare TGV de Montpellier est un exemple de ce genre de fiasco. A l’inverse, les gares de Marne-la-Vallée et de Massy sont des succès grâce à leur excellente desserte en RER. Nîmes et Narbonne TGV doivent s’en inspirer. Ces gares ne sont pertinentes qu’avec la mise en place d’un RER centré sur Montpellier les reliant. Mais si nous ne construisons pas de gare TGV à Narbonne, nous regarderons passer les trains.

Narbonne TGV ou Toulouse TGV ?

Il est incomplet de parler du projet de gare TGV de Narbonne sans s’interroger sur la desserte de Toulouse. La ville rose est excentrée par rapport au grand faisceau trans-européen qui longe la Méditerranée. Il est fondamental pour sa future prospérité de s’y connecter. Et cette connexion ne peut se faire qu’à Narbonne. Cette connexion est d’abord physique, bien entendu. Des trains en provenance ou à destination de Toulouse y empruntent la Ligne à Grande Vitesse, sans nécessairement marquer l’escale. Mais elle est aussi symbolique. C’est à Narbonne TGV que le voyageur toulousain attendra sa correspondance. Dès lors Narbonne TGV est d’abord la gare excentrée d’accès à Toulouse. En prenant en compte cette dimension, la comparaison avec la gare de Montpellier TGV cesse tout à fait d’être pertinente. Narbonne TGV serait plutôt pour Toulouse à comparer avec l’aéroport de Blagnac. Pour que les toulousains prennent le train plutôt que l’avion, il faut une gare TGV à Narbonne, au moins.

Laurent Fabas pour le Clairon de l’Atax le 23/01/2023

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