Aude : vers un renforcement du suivi des pollutions environnementales par la création d’un Institut Ecocitoyen ?

Il s'agit de créer une structure de recherche participative en santé environnementale.

Pollution industrielle (Image par Open Clipart-Vectors de Pixabay)É

Le 6 avril dernier, le public était invité à assister, au Palais du Travail de Narbonne, à la présentation d’un projet de création d’un Institut Écocitoyen audois. Cette présentation était assurée conjointement par Viviane Thivent, conseillère municipale et communautaire à Narbonne et Mariette Gerber, médecin chercheur, experte à l’ANSES, qui avaient fait appel au témoignage de Philippe Chamaret, directeur de l’Institut Ecocitoyen de Fos-sur Mer, précurseur dans ce domaine.

Qu’est ce qu’un Institut Écocitoyen

Un Institut Écocitoyen est un centre d’études de l’environnement et des effets de la pollution sur la santé. Cette pollution est principalement le résultat des activités humaines de toute nature : industrielles, agricoles, consommation, transport, etc.
A l’échelle du  département de l’Aude, les sujets d’étude ne manquent pas : 22 sites SEVESO sont recensés, dont l’Usine Orano-Malvési ou le complexe minier de Salsigne, désormais fermé, mais qui continue à disperser des polluants.

Les missions d’un Institut Écocitoyen sont triples

  • Développer la connaissance sur les polluants, sur leurs effets sur la santé et sur l’environnement
  • Impliquer les citoyens dans la détection et l’identification des problèmes de pollution, d’élaboration des protocoles et de mise en œuvre des études
  • Informer, l’ensemble des partenaires concernés (public, associations, autorités, acteurs économiques, élus, scientifiques) et contribuer à des réflexions /débats sur la situation et les perspectives des territoires exposés à des pollutions spécifiques.

La méthodologie

La méthodologie proposée est inaccoutumée dans la mesure où elle implique les citoyens sur l’ensemble du processus études / débats / propositions d’actions.. Au schéma habituel impliquant 2 instances : d’une part les techniciens et scientifiques, de l’autre les décideurs privés et publics, se substitue une démarche impliquant 3 instances, soit schématiquement : citoyens et associations, techniciens et scientifiques, agents économiques et politiques. Dans cette démarche, il s’agit de dépasser le stade de l’établissement et de la mesure de seuils et de normes en matière de pollution. Il s’agit de mener un travail de recherche et de développer une investigation aussi fine que possible, sur la dispersion des polluants, leurs interactions, leurs effets sur la santé et l’environnement.
La démarche d’étude s’initie à partir de ce qui est ressenti et vécu par les habitants et usagers des territoires concernés : elle se fonde donc sur une pratique (praxis) à partir de laquelle s’établit une démarche de connaissance (logos), susceptible de provoquer la mise en œuvre d’actions (techné).
Cette méthode de travail, si elle est correctement appliquée, créé les conditions les plus favorables à un traitement efficace des problèmes de pollution.
Finalement c’est l’ensemble des acteurs impliqués dans la démarche, au sein d’un groupe de gouvernance où la représentation des diverses parties est équilibrée, qui décide des études et actions à entreprendre

Où en est le projet d’Institut Ecocitoyen Audois (IECA)

Les statuts ne sont pas encore déposés, mais l’objectif est de le créer en juin 2023. Deux autres réunions publiques sont programmées d’ici là. Il s’agit de mobiliser les associations et les publics concernés par les questions de pollution, mais aussi les élus, les collectivités, les ministères, les universités, etc.
Pour le moment et pour soutenir la démarche de projet portée par Viviane Thivent et Mariette Gerber, un soutien financier d’amorçage est fourni par le Conseil départemental de l’Aude.
D’autres sources de financement devront être mobilisées pour faire vivre le projet, tout en respectant un souci majeur : garantir l’indépendance de cette structure.

Présentation de l’Institut écocitoyen de Fos (photo HR)

L’exemple de l’Institut Écocitoyen de Fos-sur-Mer, présenté par son directeur Philippe Chamaret

Cet institut se définit comme une structure de recherche participative en santé environnementale. Un des facteurs qui ont contribué à son installation dans la zone portuaire de Fos-sur-Mer en 2010, a été l’installation d’un incinérateur d’ordures ménagères desservant l’agglomération marseillaise. Cette installation avait été favorisée par un dispositif règlementaire peu contraignant en raison des activités industrielles de la zone portuaire. Au voisinage de cette zone, qui comprend 400 installations industrielles dont 48 sites classés Seveso, s’est développé une forte morbidité. (Ndlr : selon les résultats d’une étude d’épidémiologie communiqués en juin 2022 : 63,6 % des personnes interrogées localement à Fos et Port-Saint-Louis présentent au moins une pathologie chronique (cancers, irritation des yeux, symptômes nez-gorge, maux de tête, problèmes de peau), contre 37 % au national.)
Devant cette situation alarmante et sous la pression de la population, le maire de Fos a décidé de mobiliser 200.000 € en soutien au fonctionnement de l’Institut Écocitoyen.
La démarche de l’Institut implique conjointement citoyens et scientifiques, elle intègre l’ensemble des milieux naturels et la santé humaine. Les habitants et usagers sont considérés comme disposant d’une expertise particulière, distincte de celle des scientifiques : il s’agit d’articuler ces 2 types d’expertises. Selon Philippe Chamaret pour  que le savoir scientifique ait une efficacité sur le terrain, il faut qu’il y ait consensus entre ces différentes expertises.  
In fine les travaux et résultats sont communiqués aux acteurs du territoire afin de contribuer à la mise en place de mesures visant à réduire les émissions polluantes, de mieux suivre l’action des polluants spécifiques sur le milieu, et d’aider à la réhabilitation des sites contaminés.
La légitimité de l’Institut Écocitoyen repose, selon son directeur, sur la reconnexion entre les différents types de savoirs. (1)

On ne peut que souhaiter la réussite de ce projet de création d’un Institut Écocitoyen dans l’Aude. La méthodologie évoquée semble prometteuse tant pour l’amélioration et la diffusion des connaissances en matière de pollution que pour la mise en œuvre de solutions . Il est plus qu’utile de disposer d’une structure capable d’étudier de manière indépendante les phénomènes de pollution. Encore faut-il que cette indépendance soit soutenue financièrement et politiquement.

Hubert Reys pour le Clairon de l’Atax le 18/04/2023

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Notes
  1. Ndlr. Pour en savoir plus : https://www.institut-ecocitoyen.fr/pres.php)[]
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