Le théâtre de Ségure (photo Compagnons de Ségure)
Le 7ème festival du théâtre de Ségure s’est achevé le 27 août dernier. Les spectateurs étaient au rendez-vous : ils ont pu apprécier une offre de spectacles très variés. Une innovation pour ce 7ème festival : les spectacles payants de compagnies professionnelles, présentés dans la Salle Jean Jaurès de Tuchan transformée en théâtre, ont été complétés par des apéros-théâtre gratuits, sorte de petit festival « off » ouvert à tout public. Une scène avait été installée à cet effet dans la cour de l’école de Tuchan, à l’ombre de ses magnifiques platanes. Les participants au festival pouvaient se retrouver dans cette cour, entre ou après les spectacles se désaltérer à une buvette, voire dîner sur place le soir. Autre innovation : une tombola a été organisé avec succès par Yvette Haerrig, membre des Compagnons de Ségure qui a su collecter des lots de grande qualité (Séjours, coffret appareil photo Canon, etc.).
Nous publions ici, le lien internet vers le site des Compagnons de Ségure qui permettra à nos lecteurs de se faire une idée plus précise des spectacles proposés. Les textes des critiques de chaque spectacle sont de Véronique Blin, journaliste professionnelle, critique de cinéma, de théâtre et de danse contemporaine tandis que les images sont signée Christian Haerrig, caméramen professionnel.
https://www.theatre-de-segure.fr/blog
Le projet des compagnons de Ségure ; un succès mais à quel prix ?
Le festival, dans sa forme actuelle “hors les murs du Théâtre de Ségure”, implique une logistique importante. S’il se déroule chaque année dans de bonnes conditions, c’est grâce à une débauche d’énergie bénévole de la part des Compagnons de Ségure, mais aussi d’habitants des communes de Tuchan et de Palairac, et grâce au soutien des élus de ces 2 communes, du département de l’Aude et de mécènes.
Alors qu’il existe un théâtre entièrement équipé, situé entre Tuchan et Palairac, qui répond à toutes les normes de sa catégorie, celui-ci ne peut être utilisé du fait de l’obstruction des services de l’État. Inconséquence, incompréhension, défiance, obstination, ou… ? La question reste posée… En tout cas ce blocage de l’État coûte un maximum d’efforts et d’argent aux bénévoles des Compagnons de Ségure, obligés de transporter et d’installer leur matériel dans les différents lieux qui accueillent leurs spectacles.
Comment en est-on arrivé là ?
Voici brièvement l’histoire de cet imbroglio.
Un couple de professionnels du spectacle vivant (Elle administratrice de scène nationale, lui metteur en scène et comédien) décide, lors de leur départ en retraite, de consacrer leurs économies à la réalisation d’un petit théâtre dans un territoire éloigné des offres culturelles en matière de spectacle vivant. Ils achètent, au lieu-dit Ségure entre Tuchan et Palairac, une vieille grange dont les murs avaient autrefois abrité une forge. Après s’être enquis de toutes les normes à respecter en cas de création d’un théâtre, ils déposent à la mairie de Tuchan, favorable à leur projet, une demande de permis de construire, qui est instruite par les services de l’Etat. Le permis leur est accordé, alors débute d’un chantier de plusieurs années pour transformer les lieux. Pour ce faire ils sont aidés de bénévoles et d’amis venus des 4 coins de la France.
Travaux d’aménagement de la salle de spectacle (Photo compagnons de Ségure)
Mais ce projet déplait à une voisine hollandaise, qui semble ne pas supporter l’idée d’avoir un tel voisinage. Elle dispose de moyens financiers conséquents pour contester en justice le permis de construire accordé et obtient finalement gain de cause auprès du tribunal administratif de Montpellier et de la cour d’appel de Marseille. Le permis est rejeté pour l’affaire d’une vingtaine de centimètres, qui le situent en limite d’une zone inondable tracée sur une carte. Les services de l’Etat (DDTM) (1) ont estimé que cette zone présentait un risque d’inondation. Pourtant, de mémoire d’habitant, cette grange / théâtre dont les murs sont vieux de plus de 2 siècles n’a jamais été inondée. Mais le droit est le droit et les documents règlementaires, quelle que soit leur pertinence, prennent le pas sur les réalités.
Dans un premier temps, devant l’absurdité de la situation, Madame le Maire de Tuchan, avec l’accord du sous-préfet de Narbonne alors en fonction, autorise à titre dérogatoire l’ouverture du théâtre. Sa décision semble d’autant plus justifiée que les spectacles se déroulent en dehors des périodes de risques d’inondations (printemps, été) et que l’équipe du Théâtre de Ségure a prouvé en maintes circonstances son souci de la sécurité des spectateurs….
Deux années se passent ainsi en régime dérogatoire, alors que l’offre du Théâtre de Ségure rencontre un public de plus en plus large.
Comme le permis de construire a été rejeté par la justice mais qu’il semble possible d’en redéposer un nouveau, l’équipe des Compagnons de Ségure envisage de faire les démarches et travaux nécessaire pour se mettre en conformité avec les normes du PPRI.
Mais le sous préfet de Narbonne a changé entretemps et le nouveau venu s’oppose aux dérogations accordées par Madame le maire de Tuchan. Rien n’y fait, peu importe le soutien des élus locaux et départementaux qui connaissent le terrain et le contexte : droit dans ses bottes, le sous-préfet refuse toute forme de dérogation. A son côté, le service instructeur (DDTM) qui avait accordé le permis de construire initial a tourné casaque et son responsable a fait savoir “oralement” que tout demande nouvelle de permis de construire sera refusée….
Ainsi les services de l’État ont créé une situation figée dans l’absurde, en contrecarrant une initiative remarquable qui avait abouti à la création d’un théâtre aux installations de qualité, financé sans aucune aide publique. Absurdité et injustice puisque non seulement les économies investies par les créateurs de ce théâtre sont perdues, mais qu’en plus les services de l’État ne semblent pas se soucier de rendre les 12.000 € de taxe d’urbanisme perçues au titre du changement de destination de la grange en théâtre, mais redevenu grange par décision de justice.
Cette situation ubuesque est loin d’être unique. Elle pose d’une manière plus générale la question de l’autorité dont disposent les élus locaux face aux représentants de l’État. D’un côte on prétend que les communes sont à la base de notre démocratie, de l’autre on refuse à leurs élus la capacité de décider de la conduite des affaires locales…Comment se justifie ce traitement des élus locaux par une technocratie souvent hors sol, qui pour quelques courtes années vient représenter l’État sur leur territoire ? La question est complexe, mais ce qui ne pourrait en aucun cas se justifier c’est le mépris des élus locaux et de leur sens des responsabilités par les représentants de l’État.
Que faire ? Attendre ? Espérer ? On ne peut que saluer la détermination et l’engagement des Compagnons de Ségure qui continuent à faire vivre leur passion du spectacle vivant dans ce beau territoire des Hautes Corbières.
Public dans la salle Jean Jaures de Tuchan et devant la petite scène extérieure (Photo Christian Haerrig)
Hubert Reys pour le Clairon de l’Atax le 1er septembre 2023
Notes
- Direction Départementale des Territoires et de la Mer[↩]
Courage, compagnonnes !!!
Merci pour ce soutien ! On continue à se battre….
On est confondus devant tant d’absurdités, et avez vous pensé tout simplement “au défenseur des droits à la Maison de la Justice et du Droit”?
Merci Hubert pour ton super papier sur l’aventure de Ségure ! On ne va pas s’arrêter là ! Poursuivons la belle route, bon courage et bon vent !
Reçois tous mes bisous les plus doux
La compagnonne Véro