Take the money and run (Image par Tumisu de Pixabay)
L’équipe gouvernementale mise en place à la suite des législatives 2024 pour assurer la “continuité dans le changement” (1) de la politique menée depuis 7 ans par le président E. Macron, semble au vu de ses composants, pouvoir faire encore mieux que les exécutifs précédents. Pour savoir où celà peut nous mener, il peut être utile en ce moment particulier, de faire le bilan de l’action de notre président « premier de cordée».
Les effets des déficits publics et de la dette sous les 2 mandats de Macron
En 2017, le déficit public s’élève à 2,6 % du PIB, la dette publique à 97,0% du PIB. A la fin 2023 le déficit a plus que doublé, il s’élève à 5,5% du PIB et la dette publique à 110,6 % du PIB. Bien sûr des excuses peuvent être trouvées pour expliquer cette croissance d’un genre particulier : la crise du Covid, la crise de l’économie mondiale… Mais l’exemple d’autres pays aux économies proches de la nôtre et qui s’en sont mieux sortis en atténue la crédibilité.
Ce qui caractérise la politique du président Macron et de ses affidés, c’est leur entêtement à mener une politique de l’offre, qui engage massivement les crédits de l’État, afin de diminuer les prix du « made in France » jusqu’à les rendre compétitifs au niveau du marché mondial. Mais avons-nous les moyens de cette politique ? Notre appareil industriel et nos services sont-ils compétitifs ? C’est le cas, pour le moment, dans un certain nombre de domaines : aviation, aérospatiale, constructions navales, armement, etc. Mais dans son ensemble, la politique de l’offre n’a pas été un succès, au contraire : l’évolution de la production en France n’a pas été capable d’équilibrer les échanges avec le reste du monde, comme en atteste l’évolution du déficit du commerce extérieur. Celui-ci qui se montait à 15,4 milliards € en 2014, est passé à 56,4mlillards € en 2023 ! Il faut en tirer la leçon : nous n’avons actuellement plus les capacités productives nécessaires à la création de recettes suffisantes pour équilibrer notre économie et financer une vraie réindustrialisation du pays. De plus, notre manque de moyens financiers nous font rater des rendez-vous, notamment dans le domaine des ENR, en plein essor au niveau mondial.
Ce soutien acharné de l’offre par les gouvernements macronistes successifs, provoque un double effet dans l’économie :
- Il mobilise de l’argent public en faveur du soutien aux entreprises, au lieu de les investir dans l’amélioration et le développement des services publics. Ainsi, pour exemple, dans le secteur de la santé 30.000 lits hospitaliers ont été supprimés en 7 ans, alors que dans l’habitat social ce sont actuellement 2,6 millions de français (un record) qui attendent un logement au loyer dit abordable, tandis que la construction de logements sociaux s’est effondrée à 71,800 logements en 2023 (2).
- Il diminue les recettes de l’État par une extension inappropriée des exonérations fiscales et par diminution des recettes fournies par la consommation intérieure, en raison de la stagnation de la fiscalité indirecte, provoquée par la baisse du pouvoir d’achat d’une majorité de Français, etc.
Le déséquilibre entre les facilités financières accordées aux plus riches, réputés ou espérés investisseurs dans notre économie et la stagnation ou la diminution des revenus des plus pauvres et des classes moyennes en cours de déclassement, provoque une casse sociale inédite. Selon les données de l’observatoire des inégalités « World Inequality Database », en France le 1% des plus riches concentrait 10,8 % des revenus en 2017 et 12,7 % en 2022, tandis qu’au cours de la même période le taux de pauvreté augmentait de 14,1 % à 14,5 %. (3). Ainsi 9,1 millions de Français vivaient en 2022 sous le seuil de pauvreté, selon la définition de l’INSEE.
Rien ne permet dans ce moment particulier, d’espérer un changement de politique économique, qui articulerait judicieusement politique de l’offre et politique de la demande.
Plus généralement, ce qui semble caractériser le macronisme, c’est l’absence de projet structuré.
Il y a bien sûr des slogans qui appellent au mouvement, au changement plus ou moins disruptif. « En marche » certes, mais vers où, avec quels moyens plus précis que l’évocation d’un bond technologique et dans quel but ? Les incantations et palinodies sur la croissance et l’efficacité des entreprises privées comparées au secteur public, ne constituent pas un projet de société, à moins que ne s’y cachent des intentions inavouables…
Dans le réel, beaucoup de projets tournent court, car ils ne semblent pas suffisamment réfléchis quant à leurs conséquences. Ainsi l’annonce de la relance du nucléaire, faite en 2022 par Macron, se heurte actuellement à toutes sortes de difficultés, voire d’échecs, dans sa réalisation. Ainsi, dans un autre domaine, la réforme “disruptive” et autoritaire du système électoral en Nouvelle Calédonie qui y a déchainé la violence, témoigne d’une profonde méconnaissance du dossier et d’un manque d’évaluation des conséquences…
Concrètement, le peu de cas fait par le macronisme d’instruments de prospective, comme le « Haut-commissariat général au Plan » est remarquable : si elle a permis de caser en 2029 François Bayrou patron de Modem et allié de Macron, ce dernier ne semble pas avoir donné suite aux propositions du plan Bayrou, destiné à faire de la France « une grande nation d’innovation »…(4)
Le macronisme apparaît donc comme peu enclin à développer une pensée prospective portant sur le moyen et le long terme. En ce sens, il semble plus agi par des préoccupations immédiates à caractère comptable ou financier, que par le souci d’une approche économique de notre société, prise dans l’ensemble de ses activités et dans son évolution dans le temps…
La finance c’est le monde des « coups » et du temps court, l’économie c’est l’élaboration lente, permanente et réflexive d’un chemin propice à notre société…
Aujourd’hui notre avenir politique est incertain : moins que jamais Macron est la solution.
Quo usque tandem abutere, Macronus, patientia nostra ? Hubert Reys pour le Clairon de l’Atax le 22/09/2024
(5)
Notes
- Inversion du slogan inventé par V. Giscard d’Estaing[↩]
- 500.000 logements /an en 1975[↩]
- Le taux de pauvreté correspond à la proportion de personnes dont le revenu est inférieur au seuil de pauvreté, c’est-à-dire à la moitié du revenu médian de la population totale. Définition OCDE[↩]
- Dans sa lettre de mission à François Bayrou, E.Macron lui demandait pompeusement d’« éclairer les choix collectifs que la nation aura à prendre pour maintenir ou reconstruire sa souveraineté ».[↩]
- Jusqu’à quand, Macron, abuseras-tu de notre patience ? Pastiche tiré des Catilinaires de Cicéron 63 av JC[↩]