L’homme est une espèce animale invasive, qui pullule sur la planète Terre et se reproduit de plus en plus rapidement au point d’atteindre actuellement 7,7 milliards d’individus. Cette espèce qui se déplace beaucoup, consomme de plus en plus d’espaces naturels, qu’elle détruit pour satisfaire toutes sortes de besoins souvent contradictoires et incohérents. Cette destruction implique ou entraîne la disparition d’autres espèces animales, dont 1/3 serait aujourd’hui menacé d’extinction.
Quelques individus de l’espèce humaine, dotés d’une conscience plus développée que leurs congénères, ont compris que la disparition de la biodiversité menaçait leur propre espèce et cette idée s’est même propagée avec plus ou moins de succès au sein des clans dominants qui forment ce qu’on appelle des gouvernements. Depuis lors, certains humains d’un côté, certains clans dominants de l’autre, font plus ou moins attention à ce qu’ils détruisent, tandis que leurs congénères, moins sensibles poursuivent leurs prédations. C’est à ces derniers qu’il faudrait poser la question suivante : est-ce plus grave de tirer sur un ours ou sur un vététiste ?
Le 13 octobre 2018 un vététiste de 34 ans a été tué par un chasseur en Savoie ; le 9 juin 2020 un ours, tué par balles, a été découvert en Ariège.
On s’attendrait à ce que tout individu, doté de ce que son espèce appelle de “l’humanité”, trouve la question scandaleuse et se récrie « le vététiste c’est plus grave ! » ; mais alors pourquoi l’un de ces bipèdes prédateurs, membre “notable” d’un clan actuellement dominant, a-t-il suggéré, accompagné de quelques hochements de tête approbatifs, qu’il fallait peut être interdire le VTT les jours de chasse ? La vie humaine pesait-elle plus dans cette déclaration que la vie d’un ours ? Cela fit l’objet, quelque temps, d’une polémique qui gonfla puis se dégonfla : on connait le même type d’agitation chez d’autres primates supérieurs.
Du coté de l’ours tué, la polémique existait bien avant son assassinat. D’une part il y a ceux qui pensent que l’ours est un acteur nécessaire de la biodiversité dans les Pyrénées, sans compter qu’il constitue un atout touristique générateur de produits et services dérivés… De l’autre il y a ceux qui élèvent des moutons, des chèvres, des vaches, pour finalement les tuer, les manger ou les faire manger : ça s’appelle l’agropastoralisme. Ceux là pensent qu’il faut tuer l’ours qui risque de tuer leur bétail avant qu’eux ne le tuent… Et puis, au milieu, il y a ceux qui ne font jamais de politique, qui, lorsqu’ils sont contraints de s’expliquer, déclarent qu’ils comprennent les 2 parties antagonistes, mais qui ont surtout le souci qu’on les laisse en paix pour pouvoir consommer tranquilles….
Pan ! Pan ! Pan ! Il parait que l’ours avait 4 ans. Un ours brun ça vit au maximum 25 à 30 ans, moins que le vététiste moyen…La part carnée de son alimentation, essentiellement végétale, représente à peu près 10 %, un peu moins que celle des Français.
Pan ! Pan ! Pan ! L’ours était présent dans les Pyrénées depuis plus de cent mille ans, bien avant l’homme. On l’a bien chassé : il n’en restait plus que 5 en 1995, ils sont maintenant une cinquantaine grâce à l’importation de métèques issus de Slovénie : on n’est plus chez nous !
D’ailleurs comment font-ils en Slovénie où l’ours cohabite sans problème particulier ?
La Slovénie ça fait 20 271 km² avec près de 1000 ours, un peu plus que les Pyrénées avec leur 19 000 km2 et leur 50 ours. L’Ariège où l’ours a été assassiné, couvre 4 890 km² soit un peu moins que la zone slovène de protection de l’ours qui s’étend sur 5200 km² : les paysages des 2 territoires se ressemblent.
Il y a donc 0,0102 ours au km² en Ariège, contre 0,192 ours au km² en Slovénie, où la présence de l’ours ne fait pas débat : mais comment font-ils ?
Et le débat continue à faire rage dans les Pyrénées ! Mais voilà, les primates bipèdes qui s’appellent humains, ont inventé un truc abstrait qui s’appelle l’État, lequel serait censé arbitrer leurs débats, contrairement aux babouins qui se passent d’État et qui règlent ça entre eux. Justement le clan dominant du moment est constitué de spécimens qui croient en la croissance indéfinie et à la marchandisation des biens communs : or ce clan là ne croit pas au potentiel de l’ours comme booster dans la chaîne de valeur. Les ours ne sont rien dans la start-up nation, alors pourquoi s’y intéresser ? Mais voici que tous les clans frétillent et s’agitent, car la saison approche où les hiérarchies sont remises en jeu ; perdront-il leur place de dominants et le bien être qui s’y rattache : les meilleures places sur le rocher État ou dans la canopée, plus de cacahuètes que les autres, etc. Chez les humains cela s’appelle la saison des municipales et pour être choisi comme clan dominant, il ne faut pas se faire trop d’ennemis dans les autres clans : ils appellent cela être “rassembleur”.
Du coup les ours, qui ne sont rien, deviennent l’objet d’attentions particulières du clan dominant qui tient encore l’État. Pas question de les chasser, ce serait mal vu chez les amis de l’ours, mais il faut, en même temps, faire quelque chose pour satisfaire les ennemis de l’ours. C’est là que surgit l’idée géniale, plus géniale que celle de ce vieux singe de Salomon : on va refaire de l’expérimental, du provisoire, histoire de passer la période de la lutte des clans pour la suprématie sur le rocher.
On va reconduire les mesures d’effarouchement de l’ours !
Et c’est ainsi que les ministres chargés de l’environnement et de l’agriculture ont, d’un commun accord, décidé de reconduire pour 6 mois les “mesures d’effarouchement de l’ours” prises à titre expérimental en juin 2019. Un arrêté interministériel, publié le 13 juin 2020 au JO, concrétise leur décision malgré l’avis négatif (97 %) d’une majorité de personnes consultées qui pensent que ces mesures sont inefficaces, voir contre-productives !
Mais quelles sont ces mesures d’effarouchement dont l’efficacité est contestée par toutes les parties concernées ?
Destinées à protéger les troupeaux des attaques d’ours, elles sont à deux niveaux :
- Le niveau de base c’est l’effarouchement simple : on fait des bruits que les ours n’aiment pas (Mireille Mathieu), on répand des odeurs qu’ils détestent (Chanel N°5), on les éblouit en clignotant (phares à iode)
- Le niveau renforcé : on leur tire dessus mais avec des balles non létales en caoutchouc, comme lors des manifestations des primates bipèdes contre leur clan dominant.
Mais attention n’effarouche pas qui veut et n’importe comment ! Il faut obtenir une dérogation de la part du grand singe dominant le territoire : « La délivrance des dérogations permettant la mise en œuvre de l’effarouchement est conditionnée à l’utilisation des moyens de protection du troupeau, sauf si celui-ci est reconnu comme ne pouvant être protégé par le préfet ».
Tout le monde n’a pas le droit d’effaroucher l’ours : n’y ont droit que les bergers ou les éleveurs titulaires de permis de chasse, certains chasseurs (?), des agents du tout nouvel ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage), préalablement formés et le cas échéant des lieutenants de louveterie comme sous Louis XV.
Pourtant cette merveille de dispositif technocratique, n’a hélas pas suffi à apaiser le conflit, bien au contraire… D’aucuns, membres des clans des amis des ours et de la biodiversité, veulent porter plainte contre l’arrêté, d’autres, ennemis résolus des ours, protestent qu’ils n’ont pas de quoi renforcer les moyens de protections de leur troupeau. Alors le clan dominant leur jette quelques cacahuètes supplémentaires : d’une part et ça ne coûte rien, il leur promet pour début juillet 2020 une nouvelle feuille de route intitulée « Pastoralisme et ours », dans laquelle le clan dominant s’engage à ne plus importer d’ours métèques, car le grand chef du clan à Paris est contre l’importation d’ours qui ne sont rien. D’autre part il se fend d’une augmentation de 500.000 € destinés à renforcer les moyens de protection des troupeaux.
Mais déjà dans les autos toutes neuves qui foncent vers les vacances, achetées à l’aide de primes pour soutenir l’économie et ré-enchanter la croissance, on remarque, assoupis sur les sièges arrière, de jeunes enfants qui rêvent en serrant dans leurs bras des ours en peluche fabriqués en Chine.
Jeunes ours jouant (Image par Alexas_Photos de Pixabay)
Lorsque nous ne serons plus là, les ours y seront peut être encore !
Hubert Reys pour le Clairon de l’Atax le 20/06/2020
C’est un texte jubilatoire, j’adhere et je vais le transmettre si c’est possible (LPO, Greenpeace, 30 millions d’amis, Chalie hebdo à Luce lapins)