Doutes sur la sûreté des réacteurs nucléaires prolongés au-delà de 40 ans

Selon Yves Marignac, un expert indépendant à qui Greenpeace a commandé une étude sur la prolongation de vie au-delà de 40 ans des réacteurs de 900 MW, le compte n’y est pas, car le cahier de charges des travaux nécessaires pour y arriver n’est pas à la hauteur des objectifs annoncés

Chronique d’une catastrophe annoncée (suite)

« Si je devais utiliser une image pour décrire notre situation, ce serait celle d’un cycliste qui, pour ne pas tomber, ne doit pas s’arrêter de pédaler. »

Jean Bernard Levy, PDG d’EDF, audition sur le nucléaire à l’Assemblée Nationale, le 7 juin 2018

 

Centrale du Tricastin image par falco de Pixabay

Le principe énoncé par l’ASN c’est de faire en sorte que les travaux effectués pour prolonger le fonctionnement des réacteurs au-delà des 40 ans, aboutissent à mettre leur niveau de sécurité aux mêmes standards que ceux de l’EPR de Flamanville.
Mais selon Yves Marignac, un expert indépendant à qui Greenpeace a commandé une étude sur la prolongation de vie au-delà de 40 ans des réacteurs de 900 MW, le compte n’y est pas, car le cahier de charges des travaux nécessaires pour y arriver n’est pas à la hauteur des objectifs annoncés.

Des difficultés techniques empêchent de mettre en œuvre les dispositions de sécurité sur les réacteurs de 900 MW

Du fait de la conception ancienne de ces réacteurs, certains travaux ne peuvent pas être effectués.

  • Ainsi il n’est pas possible de doubler la coque de la piscine d’entreposage du combustible comme c’est le cas pour l’EPR, tout au plus pourra-t-on réduire le risque que les combustibles soient hors-eau en cas d’accident
  • Alors que dans l’EPR, le dispositif pour récupérer le corium, une sorte de magma produit par la fusion accidentelle du combustible nucléaire, permet d’arrêté l’écoulement de ce magma, le dispositif plus petit qui sera ajouté aux réacteurs de 900MW, placé sur un radier (socle) moins épais ne fera que ralentir sa progression…

De plus ces équipements resteraient mal protégés contre un sabotage ou une chute d’avion.

Des difficultés et des résistances dans la mise en œuvre des prescriptions techniques

Cela fait longtemps que l’ASN et l’IRSN constatent des écarts de conformité entre les standards demandés et les réalisations effectués. Cela a été mis sur le compte d’une perte de savoir faire des entreprises mais pas seulement il s’agit parfois aussi de mauvaise volonté de la part d’EDF lorsque les travaux exigés impactent les performances financières de l’électricien nucléaire. De l’avis de l’IRSN des progrès restent encore à faire, tandis que l’ASN est parfois obligée d’aller jusqu’à ordonner l’arrêt des réacteurs d’une centrale (Tricastin) pour faire plier EDF et contraindre cette entreprise à réaliser les travaux demandés.

Enfin le cahier de charge des travaux de mise à niveau sécurité prévoit leur étalement dans le temps : jusqu’à 6 ans après la fin de la visite décennale n° 4 (VD4).ce qui augmente le temps d’exposition à un éventuel aléa.

Le doute demeure sur la bonne fin des travaux de sécurisation demandés, puisque dans le même temps, l’ASN demande de rendre compte annuellement de l’exécution d’un plan d’action en vertu duquel elle s’engage à rétablir les compétences de la filière nucléaire !!!

Les premiers travaux en exécution du  cahier  de  charges relatif aux VD4, ont démarré à la centrale du Tricastin (1) et à celle du Bugey.  Si ceux réalisés à la centrale du Tricastin ont mobilisé 5000 intervenants et sont considérés comme bien menés par un expert indépendant il n’en est pas de même pour le réacteur N°2 de Bugey qui accumule un  retard de plus de 6 mois.

Compte tenu de l’effort en personnel et matériel nécessaire pour exécuter une VD4 il n’est pas évident, selon le même expert, que ce type d’effort puisse être répété sur plusieurs VD4 simultanées.

Curly Mac Toole pour le Clairon de l’Atax le 18/01/2021

 

Dernière minute : centre de stockage souterrain des déchets radioactifs de Bure(Cigéo) : l’autorité environnementale (AE) vient de publier un avis où elle relève de graves insuffisances dans le dossier de déclaration d’utilité publique (DUP) , notamment en ce qui concerne l’évaluation environnementale considérée comme incomplète.

 

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Notes
  1. voir article “A propos de la centrale nucléaire du Tricastin” dans la présente édition[]
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