Nucléaire : même pour les sous c’est flou !

Pour la Cour des Comptes, dans son rapport du 13/11/2021, le nucléaire français "est à nouveau en phase d'apprentissage"

Chronique d’une catastrophe annoncée (suite)

Pylones photo analogicus de Pixabay

Alors que les partisans du nucléaire et nos gouvernants vantent le nucléaire comme source d’énergie à bas prix, un rapport de la Cour des Comptes (1) pointe des incertitudes et des approximations dans le calcul des coûts de la filière et du prix de revient de l’électricité produite par les réacteurs français. Même les 6 scénarios intitulés « Horizon 2050 » établis par RTE et présentés fin décembre 2021, comporteraient des approximations à affiner et compléter.

La Cour des Comptes recommande de mieux évaluer le coût de l’électricité historique.

L’« ARENH » (Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique) a été mis en place dans le cadre de la loi NOME pour répondre à la règlementation européenne. Il permet à tous les fournisseurs alternatifs de s’approvisionner en électricité “pas chère” auprès d’EDF dans des conditions fixées par les pouvoirs publics (2).
La Cour des Comptes (CdC) souligne que dans le cadre de l’ARENH, le prix du mégawattheure fixé à 42 euros  (€/MWh), est irréaliste car basé sur une évaluation comptable qui ne prend plus en compte les investissements passés, car amortis en grande partie. Mais si on fait un calcul économique  basé sur la durée de vie des réacteurs, alors le calcul de la CdC établit le prix de revient à 64,80 €/MWh pour l’année 2019. On est donc loin, dans les conditions actuelles, d’un prix ARENH réaliste.
Notons que le 14 janvier le gouvernement a décidé de relever le prix du MWh ARENH à 46,20 euros et de passer de 100 à 120 terawattheure. Cette vente à prix cassés devrait coûter autour de 8 milliards de pertes à EDF.

Selon la CdC dans le cas où le parc nucléaire serait prolongé à 50 ans, les calculs de prix seraient à revoir et le prix estimé de 64,80€/MWh serait au minimum augmenté de 35€/MWh.
Plus généralement la CdC estime que l’intérêt économique d’une prolongation de la vie des réacteurs n’est pas démontré. Elle suggère : « une meilleure identification des dépenses liées à cette prolongation permettrait de rendre compte de la pertinence d’une telle prolongation par rapport au développement de nouveaux moyens de production ».

Quel coût pour les nouvelles installations nucléaires ?

Pour l’EPR de Flamanville, la CdC maintient son estimation de 2020 d’un coût de production entre 110 et 120 €/MWh.
Pour le futur EPR2, la cour souligne le caractère problématique d’une estimation en l’état actuel. Elle avance cependant une fourchette qu’elle qualifie de provisoire entre 85 et 110 €/MWh compte tenu de : « l’absence de maturité de ce nouveau réacteur ». 
Pour mémoire et en comparaison des coûts de production des énergies renouvelables avec le nucléaire : le prix des énergies renouvelables oscille actuellement entre 55 et 80€ pour le solaire, de 50 à 70€ pour l’éolien terrestre et entre 98 et 117€ l’éolien maritime posé (3).
Le calcul du prix de revient de l’électricité produite par le futur EPR2 est d’autant plus problématique que des investissements sont nécessaires en aval du cycle du combustible. Que faire de tout le combustible usé produit et à produire par les nouveaux EPR ? De nombreuses décisions sur le traitement du combustible usé et sur le stockage des déchets restent à prendre.  On ne connait pas le coût d’un éventuel renouvellement de la Hague, dont la décision n’a pas encore été prise, ni le coût d’un possible site d’enfouissement CIGEO 2. Selon la CdC : « ces coûts ne sont explicités dans aucun document à l’appui d’hypothèses de coûts de production de futurs EPR »

Une question de méthode de calcul pour le coût des mix électriques

Le rapport de la CdC revient sur les modes de calcul du coût d’un mix électrique : il ne faut pas simplement additionner le coût de chaque filière. D’autres paramètres entrent en ligne de compte : les coûts liés au réseau, au stockage, aux modes d’approvisionnement en combustible, à la prise en comte de la flexibilité de la demande, etc.
La CdC constate que les calculs de coût pour chaque mix sont incomplets et qu’il est nécessaire, une fois les coûts arrêtés, de prévoir des variantes incluant des taux d’actualisation, compte tenu des risques et incidents qui peuvent se produire lors du développement des filières.

En conclusion le rapport de la CDC insiste sur la difficulté de prévoir des investissements sur un terme aussi long (Horizon 2050), d’autant plus que ces investissements correspondent souvent à des technologies qui n’ont pas fait suffisamment leurs preuves. Ainsi le nucléaire, qui pour la CdC : « est à nouveau en phase d’apprentissage ».

Dans de telle conditions comment comprendre l’annonce faite par E.Macron de la construction de 6 nouveaux EPR et du lancement d’une filière de production de réacteurs de poche (SMR) ?

Curly Mac Toole pour le Clairon de l’Atax le 10/01/2021

 

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Notes
  1. 20211213-S2021-2052-analyse-couts-systeme-production-electrique-France []
  2. https://opera-energie.com/arenh/[]
  3. sources ADEME, CRE, CdC[]
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