En savoir plus sur les abeilles : une conférence organisée par Jardinaude

Le déclin des populations d’insectes est vraiment inquiétant… S’ajoutant à la mortalité créée par les prédateurs (frelon asiatique, varroa…) les problèmes provoqués par les traitements chimiques (insecticides, fongicides…) des céréales, vignes, vergers… sont autrement plus graves pour la population d’insectes sauvages. « Les néonicotinoïdes en particulier se lient aux récepteurs qui se retrouvent sur les neurones de leur système nerveux central . Leur suractivation génère un blocage qui engendre une paralysie mortelle. »

Jardinaude est une association départementale audoise qui vise à encourager et développer la pratique d’un jardinage naturel, sans produits chimiques et sans labour du sol.
Cette association fait appel à divers experts intervenants qui transmettent leurs connaissances et leur savoir-faire « pour une application dans les jardins collectifs et particuliers des techniques de l’agro-écologie, de l’agroforesterie et de permaculture ainsi que l’intégration maximale des auxiliaires du jardinier, la biodiversité locale : flore spontanée mellifère, apidés et syrphidés sauvages, invertébrés prédateurs, vertébrés dont sauriens, soricidés et passereaux »
Témoin du travail remarquable effectué par cette association, le Clairon de l’Atax a souhaité publier le compte rendu de Jardinaude d’une conférence consacrée aux abeilles faite par Denis Fize, un apiculteur professionnel. Alors que les abeilles souffrent actuellement de diverses agressions (pollution, pesticides, frelons asiatiques, etc.), il est plus qu’utile d’en connaitre un peu plus sur elles.

La rédaction

COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 14 DÉCEMBRE 2021
THÈME : Les abeilles
INTERVENANT : Denis FIZE

 

A cette période, le feu était le problème des abeilles : cette caractéristique explique l’utilisation de la fumée pour visiter les ruches. Un feu lointain produit de la fumée froide quand elle arrive à la ruche. Cela provoque un vieux réflexe bien codé au niveau génétique et irrépressible chez les abeilles butineuses : prendre le nectar et donc le sucre dans les alvéoles pour faire le plein d’énergie et être capable de fuir. Si le feu est proche et que la fumée arrive chaude, les abeilles s’excitent et l’essaim s’en va. Ce qui conduit l’apiculteur à produire de la fumée fraiche dans l’enfumoir, simulant un feu de forêt, afin de pouvoir travailler tranquillement tandis que les abeilles se nourrissent du nectar des alvéoles.

LES ÉTAPES DE LA VIE DES ABEILLES :
Suivant son âge, l’abeille va réaliser plusieurs tâches dans la ruche : d’abord nettoyeuse, puis nourrice, bâtisseuse, gardienne et enfin butineuse.
En arrivant près de la ruche on voit d’abord les gardiennes sur la planche d’envol : elles sont déjà à la moitié de leur vie. Une ouvrière vit environ 5 à 6 semaines ; elle passera la moitié de son temps dans la ruche à effectuer

Les butineuses prélèvent le nectar (qui deviendra du miel) avec leur trompe mais aussi du pollen stocké dans leurs poils sous forme de pelotes qu’elles rapportent à la ruche.

abeille butineuse de Pixabay

Ces deux éléments sont leur nourriture : le nectar (principalement du sucre sous forme de fructose et de saccharose avec des oligoéléments) fournit leur énergie et le pollen qui contient des acides aminés leur apporte des protéines (une CS de pollen frais contient autant de protéines qu’un steak !). C’est l’élément qui va contribuer à la transformation de l’abeille, de la larve à la nymphe. On peut considérer une abeille comme une guêpe devenue … végétarienne.

Les abeilles de saison vivent 5 semaines, à la moitié de leur vie elles sont gardiennes puis elles sont butineuses. Les anciennes butineuses qui connaissent bien le lieu, partent l’explorer le matin tôt et reviennent à la ruche avec les odeurs et le pollen emportés pour signaler aux autres butineuses la présence de ressource en précisant la direction et la distance.

De l’œuf à la jeune abeille : – l’œuf pondu par la reine est autosuffisant 3 jours,
– puis naissance d’une larve 5 jours qui est nourrie par les abeilles (avec de la gelée royale seule au début puis remplacée petit à petit par un mélange de pollen et de nectar) – l’alvéole est alors operculée avec la cire : puis 13 jours au stade de la nymphe, passant par 5 stades de développement grâce à des mues déposées au bord des alvéoles noircissant le cadre.

La physiologie de la jeune abeille change jour après jour : au début, elle va sécréter la gelée royale pour nourrir les jeunes larves, puis elle deviendra nettoyeuse de l’alvéole, et de la ruche.

propolis-photo-karoltet0-de-Pixabay

 

La fabrication de la propolis : La sève prélevée sur les bourgeons est passée de bouche en bouche, mélangée avec de la cire. Les ouvrières vont utiliser cette substance marron qui sert d’antiseptique (on trouve au fond de la ruche des animaux momifiés recouverts de propolis)Ou bien elle servira – à boucher les trous pour éviter les courants d’air indésirables ou l’humidité – ou coller le couvre cadre de bois situé sous le couvercle qui obture la ruche. Le lève cadre est l’outil indispensable.

 

 

reine-des-abeilles-photo-YHBae-de-Pixabay

REINE OU BIEN OUVRIÈRE ?
Dans la ruche, les alvéoles ont des tailles différentes : la plus petite pour l’abeille, un peu plus grande pour les mâles et les plus grandes pour les reines. C’est la nourriture différente qui produira une femelle qui devient ouvrière ou une femelle qui deviendra reine : la première est nourrie avec un mélange miel pollen et elle vivra 5 semaines, et la deuxième toujours nourrie à la gelée royale, peut vivre jusqu’à 5 ans.

 

IL Y A 2 POPULATIONS D’ABEILLES :
Les abeilles de saison pondues à partir du solstice d’hiver, (fin décembre/début janvier) jusqu’au solstice d’été. – Les abeilles d’hiver : Fin juin et entre mi-juillet mi-août la reine reprendra ses pontes. Ces abeilles plus grosses et aux poils plus longs qui butineront moins loin, vivront 3 à 4 mois et seront chargées de garder reine et colonie en mangeant les réserves. Fin décembre, s’il fait froid, la reine arrête de pondre et reprendra progressivement (1, 10 oeufs … par jour et en juin 4000 oeufs par jour)

œufs d’abeille (photo-xiSerge-de-Pixabay)

En juin la population d’abeilles est très importante et il faudra ajouter des cadres dans les ruches. En juillet elle se réduit et il faudra partitionner pour qu’elles aient moins de volume à chauffer. Le muscle des ailes ne fonctionne plus au-dessous de 9° : les abeilles restent dans la ruche. Quand il fait très froid elles se mettent en boule autour de la reine pour préserver les futures générations en maintenant la température à 37° et se
déplacent suivant les réserves de miel. S’il fait moins froid, elles sortent autour de la ruche et en profitent pour faire leur besoin.

LA COMMUNICATION

Le lieu de la ressource :
Elles cartographient l’environnement (grands arbres, relief…) pour indiquer le lieu de la ressource : l’orientation est déterminée en fonction du soleil.

L’abeille qui revient, se positionne sur un cadre et va vibrer : si l’axe de sa danse en 8 est vertical, cela signifie que la ressource est dans la direction du soleil. La référence étant toujours le soleil, suivant son mouvement dans la journée, elle modifie sa danse : l’angle entre la ligne droite du « 8 » et la verticale est le même que celui entre la direction du soleil et celle de la source.

La distance de la ressource :
Si elle est éloignée (2/3 km), les vibrations sont lentes ; si elle est assez proche, elles font une quinzaine de vibrations dans la montée de l’axe et si elle est très proche elles vibrent très rapidement.
Au cours de recherches récentes, plusieurs sources ont été proposées et enregistrées par les abeilles puis une des sources a été supprimée : sans revenir à la ruche, elles sont capables d’aller directement à la source qui reste !
Information : Aurore Avarguès-Weber, chercheuse du Centre de recherches sur la cognition animale (CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier), https://www.youtube.com/watch?v=EtV6hs

LA REPRODUCTION

Au printemps, période de reproduction car les températures sont bonnes et les ressources abondantes. La reine va pondre des mâles qui vont vivre 7/8 semaines. Elle s’arrête quand il fait trop chaud (juillet) et reprend plus tard (septembre). Les mâles servent à la reproduction.
Ils ont un comportement étonnant. Au bout de 15 jours, ils peuvent participer au nettoyage, au chauffage ou au rafraîchissement de la ruche. A leur maturité sexuelle, ils prennent leur envol et vont rejoindre d’autres mâles qui se rassemblent par dizaines de milliers et attendent les reines vierges. Puis ils vont retrouver une ruche proche pour passer la nuit. La jeune reine vierge, nourrie avec pollen et miel, est capable de voler très loin (10 km) jusqu’au rassemblement de mâles où elle fonce suivie par des mâles.

abeilles-apairement-photo-Adina-Vasilica-Voicu-de-Pixabay

Le phallus du mâle qui la prend en vol, va se couper à la base et il meurt. Le phallus reste dans la reine qui revient à la ruche pour être enlevé par les abeilles puis elle repart retrouver le vol de mâles pour être inséminée 40 à 45 fois pendant environ 8 jours.Le sperme est conservé dans une spermathèque qui doit être remplie lorsque les conditions climatiques sont favorables. Dans le cas contraire la reine ne vit pas longtemps, ne passera pas l’hiver et la colonie meurt.

 

 

Pendant ces 8 jours, de nombreux dangers guettent la jeune reine : les traitements chimiques sur les cultures en avril/mai mais aussi l’activité des oiseaux insectivores (hirondelles, guêpiers.) perturbent grandement la fécondation (50% de réussite)
Une colonie d’abeilles se multiplie par essaimage qui a lieu au printemps quand la ruche ne leur convient plus ou que la reine ne pond plus assez : elles ouvrent quelques alvéoles où la reine va pondre des futures reines. Dès que celles-ci ont émergé, elles restent dans la ruche quelques jours et la vieille reine va quitter la ruche avec la moitié de la population.
L’essaim vient se poser sur les arbres ou des haies en attendant de trouver un autre lieu de vie. C’est à ce moment que l’apiculteur peut les récupérer pour les installer dans une nouvelle ruche.

essaim (photo Balouria et Maria Anne de Pixabay)

PRATIQUE APICOLE :
Le comportement des abeilles est différent suivant leur race mais aussi de la ruche, pour une même race (attitude de la reine, état sanitaire de la ruche …). Un véritable dialogue s’instaure entre la colonie et l’apiculteur. Elles le reconnaissent à la vibration de ses pas, à sa voix, à son visage et réagissent à sa présence : si elles trouvent l’intervention trop longue en hiver par exemple, elles deviennent vindicatives, commencent par sauter sur les têtes de cadre, puis sur les mains puis tournent autour et tapent au chapeau. S’il stationne un peu trop longtemps à leur goût devant l’entrée de la ruche, les butineuses gênées tournent un peu en attendant que la piste soit libre, puis elles tapent au chapeau : il est temps de libérer l’entrée. Les jours de beau temps, sans trop de vent avec une bonne hygrométrie et une bonne pression sont choisis pour un travail au rucher, alors que les jours orageux les rendent nerveuses.
En septembre le travail de l’apiculteur sera de vérifier si les réserves de miel sont suffisantes pour permettre à la colonie de passer l’hiver. A partir de décembre le nombre d’abeilles sera croissant avec les abeilles de saison, produisant un croisement de population. Les abeilles de saison vont butiner dès qu’il y a de la ressource : à partir de 18°, les fleurs sécrètent du nectar que les abeilles vont amasser pour remplir la ruche en commençant par l’extérieur puis en allant vers le centre. Dès
qu’il n’y a plus de place, il faudra ajouter une hausse. Dans les périodes d’abondances, il pourra y avoir jusqu’à 4 hausses supplémentaires : une partie de ce miel sera récoltée.
Les abeilles d’hiver consomment moins que les abeilles de saison qui ont besoin de beaucoup d’énergie. Leur population s’accroit contrairement à celle des abeilles d’hiver qui s’éteint en janvier / février. A cette période un coup de chaleur entraine la reprise de l’activité des butineuses (amandiers, premières fleurs…) et celle de ponte de la reine. Au coup de froid qui va suivre, les butineuses ne peuvent pas sortir et donc vont se nourrir de toutes les réserves. L’apiculteur devra apporter miel et sucre pour les nourrir en attendant la montée des températures.

LES RUCHES
A l’origine et pendant des millions d’années, avant l’intervention humaine, les abeilles trouvaient l’abri dans les troncs creux, sous les racines, dans les trous de la terre… Après l’abattage massif des arbres, l’habitat naturel à considérablement diminué et l’apiculteur joue un grand rôle en leur offrant un gite.

Les anciennes ruches

ruche-traditionnlle-(photo-Beeky-de-Pixaqbay)

 

Il existait les ruches paniers que l’on transvasait par retournement au-dessus d’un 2ème panier, les poteries, les ruches tronc dans les Cévennes que l’on ouvrait par-dessus pour recueillir le miel du haut à la cuillère en raclant sur 50cm maximum (pratique respectueuse de la colonie d’abeilles située dans la partie inférieure.

 

 

La ruche cadre proposée par Charles Dadam (1817-1902)

ruches-cadre-(photo-Erika-Varga-de-Pixabay)

Sur les cadres, les alvéoles sont fabriquées par les abeilles à partir de glandes cirières actives dans leur jeune âge.

Les cadres prélevés ont du miel dans la partie supérieure, puis le pollen et enfin le couvain. Le couvain est la partie élevage de la ruche avec les oeufs (pondus par la reine dans les alvéoles d’une zone bien précise du cadre), les larves et les nymphes (qui sont nourries par les jeunes abeilles).

Pour récolter le miel (nectar à moins de 18% d’humidité pour être bien conservé) situé dans les alvéoles operculées quand elles sont remplies, on passe la lame d’un couteau, on garde la cire recueillie pour la retravailler et faire des plaques de cire gaufrée qui pourront les aider.

Recolte-cadre-Photo-Dieter-G-et-Erika-Varge-de-Pixabay.

La pratique apicole a évolué lentement depuis le début du XXème siècle : au temps de la polyculture (élevage, maraichage, céréales, quelques ruches) il n’y avait pas d’apiculteur professionnels. A Bize, la pratique de transhumance locale vers les châtaigniers concernait les ovins, mais aussi les ruches qui suivaient les troupeaux. La transhumance « industrielle » Avec la facilité de transports, la transhumance a pris d’autres proportions et les ruches du Tarn peuvent facilement être transportées vers …les sapins des Vosges, puis sur le plateau de Valensole dans les champs de lavandin, puis sous les acacias en Ariège et enfin dans les champs de tournesol du Lauragais… La transhumance « courante » L’immense majorité des apiculteurs utilisent deux ou trois stations en transportant la nuit 40 ou 80 ruches : elles vont y rester 3 semaines à un mois environ. Un circuit typique commencerait par le romarin, puis une miellée montagne (Ariège, PO) et enfin le tournesol en Lauragais. L’apiculture « sédentaire » Certains apiculteurs comme Denis pratiquent l’apiculture sédentaire qui perturbe moins les abeilles (pas de vibrations lors des transports provoquant la mortalité des larves). Il s’agit de gérer les périodes d’abondance mais aussi les périodes de disette (chaleur…) pendant lesquelles il y a concurrence entre les abeilles mais aussi avec les autres butineurs sauvages. Les 8 ruchers comptent environ 20/24 ruches chacun et sont installés chaque 6 km (rayon de butinage des abeilles : 3km). Ils donnent des miellées quelquefois étonnantes (ronces à Bize et molène à Mailhac) qui sont analysées en laboratoire pour déterminer les pollens présents dans le miel. A Berlou les abeilles disposent des cistes, de la bruyère arborescente en avril et du châtaignier.

L’AVENIR
Le déclin des populations d’insectes est vraiment inquiétant… S’ajoutant à la mortalité créée par les prédateurs (frelon asiatique, varroa…) les problèmes provoqués par les traitements chimiques (insecticides, fongicides…) des céréales, vignes, vergers… sont autrement plus graves pour la population d’insectes sauvages.

abeille-détruite pesticide (photo-Rostishep-de-Pixabay)

Pour Denis la solution consistant à élever des reines permet de compenser les pertes.

Le point de départ : des larves de 24h prélevées avec un pinceau dans des cellules royales et placées dans les cupules qui ont la grosseur d’une alvéole de reine. Le dispositif est ensuite introduit dans une ruche orpheline où des cellules de reines vont se développer.
Avant que la reine ne sorte, la cellule royale est transportée dans une ruchette orpheline où sera installé un nouvel essaim.

 

Photos de famille

Reine-Bourdon-Abeilles-suvages-Guepe-Photos-Frantischeck-Slachmann-Divina-Michaelis-Chikilino-de-Pixabay

 

 

 

Compte rendu Jardinaude

 

 

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Publié par La Rédaction du Clairon de l'Atax

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