ITER : le rêve de réaliser la fusion nucléaire s’éloigne

Soleil (Image par Alexander Antropov de Pixabay)

Avoir une énergie nucléaire « propre » et sans déchets, c’est à la fois le rêve et l’espoir de nombreux scientifiques et politiques. Pour le moment le développement de la filière nucléaire, basé sur la technologie de la fission (1) avec les 14 nouveau EPR 2 projetés dans le cadre de la relance du nucléaire, conduit à produire beaucoup de matériaux et de déchets radioactifs, dont certains à haute intensité radioactive et à vie très longue.
La fusion nucléaire n’aurait pas ces inconvénients : elle vise à reconstituer la réaction physique qui se produit dans le soleil et les étoiles, où 2 noyaux atomiques s’assemblent pour former un noyau lourd dans un dégagement colossal d’énergie.

Le processus de fusion 

Principe de lafusion nucléaire (Image par Greta de Pixabay)

Il s’agit de chauffer du deutérium (2) produit à partir d’eau de mer, associé à quelques kilos de tritium (3) à une température entre 150 et 200 millions de degrés Celsius isolée au sein d’un cocon magnétique appelé tokamak. La fusion atomique ainsi obtenue est estimée générer 4 x plus d’énergie / kilo combustible que la fission et 4 millions de x plus que le pétrole.
Une réaction expérimentale de fusion a été produite en laboratoire pendant quelques secondes. L’objectif du tokamak d’ITER est de réussir à confiner un plasme pendant 4 minutes pour vérifier qu’une réaction de fusion auto-entretenue serait alors déclenchée. Ce qui est alors attendu c’est que 50 MW d’énergie injectée produisent 500 MW d’énergie en sortie….
Si cette expérience réussissait un réacteur de démonstration serait alors construit à échéance 2050. Il précéderait la mise en place d’une filière nouvelle de centrales à fusion vers 2070…

La fusion une énergie plus sûre et plus rentable ?

L’argument d’une fusion nucléaire plus sûre te plus efficace que la fission actuellement utilisée  fait l’objet de nombreuses controverses : il lui est fait tout d’abord le reproche de consommer une quantité phénoménale d’énergie indispensable au déclenchement de la réaction de fusion. Selon certaines critiques scientifiques, pour injecter les 50 MW de chaleur, nécessaires au fonctionnement du tokamak il faudrait produire entre 300 et 500 MW consommés par les infrastructures d’ITER, ses systèmes de chauffages, et les inévitables pertes énergétiques de l’installation, soit au final autant que l’énergie que le réacteur expérimental serait censé produire. A cela s’joute le bilan financier totalement déséquilibré de l’opération, si on ajoute la matière grise, le coût de production des composants, etc…

Par ailleurs les métaux nécessaires à la fabrication des aimants du cocon magnétique (selon la communication d’ITER « La machine va utiliser plus du cinquième de la production annuelle mondiale de niobium-titane ; quant au niobium-étain, sa production […] a dû être multipliée par 6 pour répondre aux seuls besoins d’Iter. ». La quasi totalité des gisements actuellement exploités se trouve au Brésil (4) et les conditions d’extraction ont entraîné une pollution importante des eaux, impactant la santé de la population résidente (cancer, les maladies rénales et cardiovasculaires). Le seul réacteur expérimental ITER, à la durée de vie limitée à la période d’expérimentation, consommera 450 tonnes de Niobium…
Autre métal indispensable à la fusion nucléaire le béryllium. Il est situé parmi les éléments les plus toxiques au monde comme l’arsenic ou aussi toxique que l’arsenic ou le mercure. Sa production mondiale est estimée à 300 tonnes/an. Généralement utilisé en quantités de quelques grammes dans l’électronique, ITER en consommera 10 tonnes pour sa construction…
De plus il est estimé que ces composants se dégraderont rapidement. La durée de vie du béryllium dans un réacteur de fusion serait de cinq à dix ans ! Et le problème de la dégradation des composants en poussières radioactives n’est actuellement pas résolu :  il y aura bien des déchets produits par la fusion….

Malgré cela, l’espoir d’arriver à dépasser ces difficultés et trouver des solutions a réuni une coalition d’États, parmi lesquels les plus puissants de la planète afin de réaliser un projet expérimental baptisé ITER (5) Les bâtiments du projet ITER sont actuellement en cours de construction en France sur le site de Cadarache / Saint-Paul-lez-Durance (Bouches-du-Rhône).

Malfaçons sur le chantier d’ITER : comme pour l’EPR de Flamanville mêmes causes mêmes effets ?

A l’heure actuelle entre 20 et 40 milliards € sont engagés dans ce projet. Dans une première étape il s’agit de produire le plasma indispensable à la fusion pour 2025, mais cet objectif ne pourra pas être tenu. Tout comme pour l’EPR de Flamanville, des défauts ont été constatés sur certaines pièces essentielles du réacteur : ils vont non seulement provoquer un retard estimé à 8 ans, mais aussi engendrer un surcoût de 5 milliards €. Une demande de rallonge du budget initialement fixé est adressée par le directeur du site au conseil d’administration d’ITER qui devrait statuer fin 2024.
Pour arriver au maintien d’un cocon magnétique stable à pleine puissance l’objectif fixé à 2033 est aujourd’hui reporté à 2036…

A l’heure actuelle le projet ITER se présente comme une gigantesque expérience scientifique aux résultats hasardeux. Pour la France, dont la situation économique est loin d’être brillante, où d’importants investissements sont par ailleurs nécessaires pour remettre à niveau tout son système de production d’énergie, on peut s’interroger sur la pertinence de maintenir un soutien financier à ITER. Mais comment se retirer de cette expérience alors qu’elle se déroule sur notre sol et que la France s’y est engagée contractuellement au sein d’un partenariat mondial ? On peut aussi se demander si le lancement d’un tel projet serait encore aujourd’hui possible, compte tenu de l’évolution de la sensibilité à la question écologique ?

Curly Mac Toole pour le Clairon de l’Atax le 20/07/2024

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Notes
  1. qui consiste à casser des noyaux atomiques lourds  pour produire un dégagement d’énergie au cours d’une réaction en chaîne []
  2. isotope de l’hydrogène ²H[]
  3. autre isotope de l’hydrogène 3H[]
  4. Etat du Minas Gerais[]
  5. USA, Chine, Inde, Union Européenne, Japon, Corée, Russie, Suisse, etc.…[]
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