Non au nucléaire, oui aux ENR (Image par OpenClipart-Vectors de Pixabay)
Quand ça ne veut pas…
Le 4 septembre dernier, EDF annonçait l’arrêt automatique de l’EPR de Flamanville quelques heures après avoir lancé le 2 septembre le processus de fission nucléaire. Pour l’ASN, l’incident serait d’origine humaine : : « Le mode opératoire de l’intervention n’a pas été strictement respecté » avec pour conséquence : « l’apparition d’un certain nombre d’alarmes et à l’arrêt automatique du réacteur ». On peut considérer que le lancement d’une machinerie aussi complexe est susceptible de connaître quelques aléas, mais on peut aussi s’étonner qu’après 12 ans de retard et un coût estimé à 19,2 millions € par la Cour des comptes, une faille apparaisse aussi vite dans le fonctionnement de ce réacteur. Dans ce cas comment ne pas se rappeler que sa mise en service initiale, malgré les défauts du couvercle de la cuve a plus été le fait d’une opération de “com”, que la conséquence d’un choix techniquement fondé (1). C’est ainsi qu’après sa mise en service,, le réacteur devrait être stoppé au bout de 15 à 18 mois pour changer le couvercle défectueux de la cuve, ce qui n’est franchement pas une bonne chose en matière de sûreté…
Tout cela conduit à se poser une question primordiale : l’industrie nucléaire française est-elle encore apte à assurer la sécurité de ses installations présente et futures ?
Pendant ce temps-là dans le monde…
La place du nucléaire dans la production d’électricité ne cesse de décliner.
Un rapport analytique (2), réalisé par des experts indépendants et publié le 19 septembre dernier à Vienne en Autriche (3) permet de constater les écarts entre les effets d’annonce et la communication d’une industrie nucléaire qui tente de se relancer avec la réalité des faits : projets suspendus, chantiers arrêtés, incidents de fonctionnement, dérapage des coûts, etc.
Le nucléaire n’est toujours pas une industrie totalement fiable.
Selon ce rapport : « En 2023, cinq nouveaux réacteurs (d’une capacité combinée de 5 gigawatts (GW)) ont été mis en service en Biélorussie, en Chine, en Slovaquie, en Corée du Sud et aux États-Unis. Cinq autres — pour une capacité totale de 6 GW — ont été mis à l’arrêt. »
Au plan mondial, si au premier semestre 2024, 4 unités sont venu compléter le mix énergétique en Chine, en Inde, aux Émirats arabes unis et aux États-Unis, par contre trois réacteurs ont été fermés en Allemagne, un en Belgique et le dernier à Taïwan.
Au plan général, l’écart se creuse entre la part du nucléaire dans la production d’électricité mondiale : elle s’élevait à 9,1% en 2023 contre 17,5% en 1993….
Si la Chine et la Russie continuent à développer le nucléaire avec 35 projets de réacteurs mis en œuvre depuis 2019 : sur 59 projets de construction annoncés par 13 pays, 23 ont déjà pris un retard conséquent dont celui de la France (projet de Hinkley Point en Grande Bretagne).
En Belgique, la production nucléaire a diminué de 25% en 2023, tandis que 3 des 5 réacteurs encore en service doivent fermer en 2025 et les deux restants en 2037.
Au Japon, l’accident de Fukushima semble progressivement oublié, puisque 2 unités ont recommencé à produire en 2023. Il y a actuellement 12 unités en fonctionnement contre 21 hors service et la part du nucléaire ne représente plus que 5,6% dans la production totale d’électricité.
Aux USA, après le raccordement des 2 derniers réacteurs de la centrale de Vogtle, qui ont coûté 32,2 milliards €, aucun projet de construction n’est actuellement en cours.
En ce qui concerne les projets de petits réacteurs modulaires (SMR : Small Modular Réactor), le rapport constate que malgré les investissements réalisés par les industriels et les gouvernements, rien ne se passe sur le terrain. Les projets sont : soit abandonnés comme aux USA le projet NUSCALE, soit différés comme en France projet NUWARD porté par EDF ou le projet argentin CAREM 25, arrêté par manque de financement. Selon le rapport WNISR, ce dernier projet devrait coûter dans les 717 millions €, ce qui porterait le prix du kilowatt au tarif astronomique de 22.660 € !
Au ralentissement du nucléaire correspond le décollage des énergies renouvelables.
Selon le rapport : « L’accélération du déploiement des renouvelables — surtout du solaire — est frappante »
Les investissements sont désormais tournés prioritairement vers le renouvelable qui a bénéficié en 2023 de 559 milliards €, soit 27 fois plus que le total des sommes allouées au nucléaire.
C’est ainsi que les capacités mondiales installées en solaire et éolien ont progressé respectivement de 73 % et 51 %, pour un total de 460 GW et que les centrales photovoltaïques et les fermes éoliennes ont produit 50% d’électricité en plus que les centrales atomiques.
Dans l’Union Européenne, la part des ENR dans la production d’électricité est montée à 44% en 2023 et pour la première fois les ENR, hors hydroélectricité, ont produit ¼ d’électricité de plus que le nucléaire (721 TWh contre 588 TWh).
C’est dans ce contexte que se poursuit le plan de relance du nucléaire d’E. Macron…
Museler les opposants au nucléaire Français ?
Le 29 février 2023, un décret paru au Journal Officiel a étendu les missions attribuées au CoSSeN (Commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire). Il s’agit d’un organisme dépendant de la gendarmerie nationale, censé au départ améliorer la réponse des forces de l’ordre en matière de protection des installations et activités nucléaires civiles. En vertu de ce décret, le CoSSeN pourra désormais collecter et diffuser toutes sortes d’informations concernant la sureté nucléaire.
Cet organisme est préposé au filtrage des entrées dans les sites nucléaires. Il est chargé d’enquêter sur les personnes destinées à y pénétrer et le cas échéant d’habiliter au « secret défense ». Pour ce faire, il dispose de 64 personnes réparties en 30 gendarmes, 15 policiers et une vingtaine de civils commandés par un officier général.
Tout le monde y passe : depuis sa création le CoSSeN a réalisé > 300.000 enquêtes d’accès et ± 4500 enquêtes d’habilitation….
Le décret du 29 février 2024 permettra désormais au CoSSeN de réaliser des notes d’analyse où de synthèse concernant ses missions de sécurité et de les transmettre à toute sortes de destinataires : la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure), le SCRT (Service central de renseignement territorial de la police), les préfets, les directeurs départementaux de la sécurité publique, les commandants de groupements de la Gendarmerie. Mais aussi les opérateurs concernés par le nucléaire comme Orano (ex Areva) ou EDF…
Ces notes, sous forme de fiches dites “blanches”, car ne portant ni entête, ni date, ni référence, ni signature, pourront ainsi circuler sans réel contrôle possible. Il sera difficile, voire impossible, de vérifier la véracité de leurs contenus et le cas échant de les contester, puisqu’aucun responsable ne peut y être décelé !
Déjà des membres des organisations anti-nucléaires (Greenpeace, Sortir du Nucléaire, etc.) se trouvent confrontés à des interdictions d’entrée ou d’approche, sans en connaître les motifs. La brèche est ouverte aux dérapages autoritaristes….
Rien ne saurait s’opposer à l’industrie du nucléaire si chère à notre président.
Curly Mac Toole pour le Clairon de l’Atax le 20/09/2024
Notes
- https://www.sortirdunucleaire.org/EPR-de-Flamanville-mise-en-service-d-un-echec[↩]
- WNISR : World Nuclear Industry Status Report[↩]
- Siège de l’AIEA, Agence Internationale de l’Énergie Atomique[↩]