La loi orientation agricole 2025 votée pour qui, pourquoi ?

Cul de vache en attente de salon agricole (Image par meineresterampe de Pixabay)

   La loi d’orientation agricole a été votée ″in extremis″ le 21 février au terme d’une procédure ″ultra accélérée″. Il semble que l’ouverture du Salon de l’agriculture à Paris. était considérée comme une date butoir par le gouvernement. Était-ce parce qu’il craignait  des réactions du monde agricole ?   
   Cette impression se confirme avec cette déclaration liminaire de madame Annie Génévard, ministre de l’agriculture : « Je ne voudrais pas commencer le Salon de l’agriculture en disant aux agriculteurs : « Les parlementaires ne vous ont pas entendus » » …
  
On peut alors se demander si la préparation de cette loi, si importante dans le contexte actuel de crise agricole, a bénéficié de la sérénité nécessaire et si ses dispositions favorisent ou non l’intérêt général.

   Le texte de loi contient d’abord une pétition de principe qui proclame que le développement de l’agriculture et de la pêche est d’intérêt général majeur, du fait qu’ils «garantit la souveraineté alimentaire de la nation » et que c’est un « élément essentiel de son potentiel économique ». Mais au delà du ton emphatique de ces déclarations, il n’y est pas précisé pas de quelle agriculture et de quelle pêche il s’agit. Par contre ce genre de proclamation peut servir d’argument pour arbitrer un éventuel conflit entre des intérêts de l’agro-industrie et les contraintes de la règlementation protectrice de l’environnement.

   A vouloir ménager la chèvre et le chou, cette loi d’orientation se présente comme un ensemble sinueux d’articles qui laissent place à l’interprétation, notamment par les préfets. Cette évolution des contenus de la loi permet aussi de situer d’éventuels conflits à un niveau de négociations locales et interpersonnelles, contrairement au caractère dirimant de dispositions règlementaires prohibitives, qui pourraient générer des conflits de plus grande ampleur susceptibles d’être exploités politiquement …
   En plaçant les différents articles de cette loi sur une balance de justice on verrait le plateau pencher fortement du côté des mesures favorables à l’agro-industrie.

Un catalogue de mesures floues à potentiel improductif ou faciles à transgresser, par exemple :

  • Le projet initial de réalisation de « stress tests » obligatoires, destinés à aider les agriculteurs à mieux gérer leurs exploitations en fonction de l’évolution des conditions climatiques, est remplacé par des diagnostics dits ″modulaires″, destinés à « fournir des informations utiles aux exploitants agricoles pour les orienter et les accompagner lors des différentes étapes de leur projet». L’horizon de ces diagnostics est fixé à 2050, ils sont facultatifs et qu’ils soient réalisés ou pas, ils n’ont pas d’impact sur l’obtention d’aides publiques.
  • La réduction de l’emploi des pesticides est inscrite dans la loi, mais sans objectif fixé de diminution de l’usage des produits phytopharmaceutiques. De plus l’usage des produits autorisés par l’Union européenne n’est pas interdit dans le cas où il n’y a pas de solutions alternatives ″ économiquement viables et techniquement efficaces″ (sic)
  • Les mesures de lutte contre l’artificialisation des sols peuvent être contournées : pour la loi littoral, dans les communes insulaires métropolitaines dans le cas de construction d’infrastructures agricoles en implantation discontinue de l’urbanisation existante…et en général pour les constructions nécessaires à l’activité agricole qui ne sont pas comptées dans les terres artificialisée…
  • Les opérations sur les taillis dits ″à courte rotation ″ dont la définition passe d’un cycle de rotation de 30 ans à 40 ans, ne sont plus considérés comme des défrichements et échappent donc à la règlementation idoine.
  • Un autre article stipule qu’il est désormais à la charge des aménageurs de prévoir des espaces de transition non végétalisés autour des constructions faites aux abords d’espaces agricoles ; ces espaces de transition sont créés  en substitution à l’interdiction faite aux agriculteurs d’épandage de pesticides en bordures des champs.
  • Le cadre juridique des haies est modifié en retirant certains espaces végétalisés de ce classement : leur destruction peut donc se faire sans autorisation préalable et sans obligation de compensation. C’est aux préfets d’établir « en fonction des usages locaux » quels sont les travaux autorisés d’entretien des haies.
  • L’article 15 de la loi vise à accélérer la résolution des contentieux concernant des ouvrages hydrauliques agricoles et des installations d’élevage. Ainsi, les délais de dépôt d’un référé suspension des travaux sont limités à un mois, excipant le caractère d’urgence de ces constructions. De même le juge des référés dispose d’un mois pour statuer, tandis que les cas prévus d’annulation sont réduits
  • La loi d’orientation dépénalise certaines atteintes à l’environnement. Ainsi les atteintes au patrimoine naturel sont limitées à une amende de 450 euros, lorsque la commission de cette atteinte est le fait d’une personne physique et qu’elle n’a pas été faite de manière intentionnelle ou par suite d’une négligence grave. Cette amende pourra être remplacée par un stage de « sensibilisation aux enjeux de protection de l’environnement »…ces atteintes, reconnues comme non-intentionnelles, ne sont pas qualifiées de délits au plan pénal
  • Un autre article réduit fortement les sanctions administratives et supprime les sanctions pénales lorsque les exploitants d’installations classées d’élevage au fonctionnement légal ne dépassent pas de plus de 25 % le seuil de l’obligation de déclaration et d’enregistrement. Dans ce cas l’amende administrative infligée par le préfet ne pourra pas dépasser 450 €, au lieu de l’amende maximum de 45.000 € prévue auparavant…etc.

   Certaines dispositions contenues dans le projet de loi ont été supprimées dans sa version définitive, d’autres, comme l’objectif de consacrer 21% de la surface agricole utile à l’agriculture bio, ont été réintroduits. Mais la loi fait la part belle à l’agriculture intensive, alors même qu’un consensus d’experts et de scientifiques considère que celle-ci est à l’origine de la crise agricole actuelle.
   De plus, cette loi dite d’″orientation″ ne permet pas dans son contenu d’éclairer un chemin pour l’agriculture française ; tout juste y est-il question d’organiser en 2026 un cycle de ″conférences de la souveraineté alimentaire″ où, selon la députée EPR Nicole Le Peih : « Il s’agira de définir une stratégie assortie d’objectifs, notamment de production, à horizon de dix ans, en vue de l’amélioration de la souveraineté alimentaire de la Nation »

Louise B. Velpeau pour le Clairon de l’Atax le 22/02/2025

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