(image Colin Reys)
Il nous faut absolument changer nos rapports au monde et changer de rapport avec le vivant, ce qui revient à tout changer, politiquement, socialement, économiquement et culturellement.
Pour ce faire il nous faut nous sortir du jeu insensé que le « Système » (nommé « mondialisation ») nous fait jouer.
Il nous faut porter sur la place publique que nous ne sommes plus dupes du jeu de ce système et que nous arrêtons de lui servir de jouets
Nous nous libérons de la croyance dans cette idéologie qui proclame « il n’y a pas d’alternative » et de la peur qu’on nous fait sous la forme du chantage « le Système ou le chaos » !
Sauf que nous voyons et savons que « Le Système », c’est le chaos !
Qu’est-ce qui nous arrive ?
On court….On court…On n’en finit pas de courir, après le temps, le sommeil, l’argent, à en perdre le corps, à en perdre l’esprit, à en perdre le sens…
Nous nous sommes automatisés avec la vie du monde qui s’est automatisée.
Et donc, c’est automatique, on court, on court, alors que la question de ce qui nous fait courir et vers où nous courons ne se pose même pas.
Malgré cela on se rend bien compte que le monde court au chaos politique, social, économique, climatique et que les cultures des sociétés humaines se décomposent. Nous sommes dans un vide, sans vision, sans horizon, sans espérance, sans univers de rêve. Le tissu social se défait et l’on ne pense qu’« individus », nous tenant seulement côte à côte, isolés les uns des autres, quand nous ne nous heurtons pas les uns contre les autres ; vivre ensemble, ce n’est pas mener une vie en commun.
Qu’est-ce qui nous a pris et quel est le sens de tout cela ?
Est-ce que ça a du sens, ce monde que « nous » faisons, cette vie que « nous » menons et plus généralement ce que devient la vie des humains sur la Terre ?
« Nous » devons cela à qui et à quoi ? Pour quelles raisons et dans quels buts faisons-nous ce que nous faisons ? Sous l’emprise de qui, de quoi, sommes « nous » tombés ?
Sommes-nous encore des « nous », sujets bâtisseurs de nos sociétés et du monde ?
Et qui est ce « nous », si nous ne sommes plus que des individus, des entités les unes à côté des autres ? Est-ce bien nous, en tant que nous sommes les êtres humains qui vivons en société, qui constituons le « nous » collectif des semblables et qui nous représentons notre humanité commune dans notre imaginaire de sujet humain ?
Ou sommes-nous dépossédés par le « système-monde » ?
Le « système-monde », opérant, opératoire, opérationnel est une forme désincarnée, une abstraction, un ensemble d’algorithmes, qui nous numérise. Et “ça“ numérise intelligemment artificiellement tout, pour nous, en lieu et place de notre pensée, à notre insu et avec notre adhésion tacite, “ça“ nous pense.
Ainsi, un artefact (1) algorithmique s’est substitué à notre esprit. Un artefact c’est fait pour faire du chiffre, uniquement du chiffre, ça chiffre tout et ça calcule même électroniquement les transactions spéculatives sur les marchés mondiaux (boursiers, bancaires, monétaires et financiers), afin que tout s’échange instantanément partout dans le monde par la spéculation des « investisseurs », qui jouent la maximisation de leurs seuls profits dans l’illusion de leur seul bien être.
Le « système-monde » nous déréalise, le système est insensé, il fait de « nous » des Insensés.
L’univers du chiffre a pris la place de l’humain dans l’univers Politique : la place de la pensée du sens de l’existence de l’humain, de notre “être au monde”.
Le « système-monde » a investi l’imaginaire humain, il déréalise l’esprit humain d’avec notre condition d’humain (ou variante explicative: il empêche notre esprit de saisir la réalité de notre condition d’humain.)
Alors que faisons-nous ?
Contre ce monde insensé, entre « nous », nous nous entraidons, nous nous désaliénons du système : ensemble, conjointement, mutuellement, solidairement, nous nous donnons à penser le sens des choses, la vie en commun, nous pensons notre lot commun, notre sort commun.
Comme nous voulons toujours nous émerveiller de notre “être au monde“, nous pensons le sens de notre existence ; c’est une vie vraie que nous voulons mener et nous voulons vivre dans un monde vraiment humain.
Et alors, le « système-monde », on s’en dégage, on le dégage de notre existence, il n’en fait plus partie !
On a tous les mêmes interrogations au sujet du monde dans lequel nous vivons, de l’état de la planète où nous habitons, de l’à-venir humain et aucun d’entre nous n’imagine pouvoir y changer quelque chose.
Et bien sûr, je suis comme tout un chacun, sauf que je questionne la façon que nous avons de voir et de prendre les choses : qu’est-ce qui fait que nous pensons et agissons comme nous le faisons, cela ne nous tombe quand même pas du ciel !
Mon mode de raisonnement :
Tout ça ne marche de la façon dont cela marche que parce que nous le faisons marcher ainsi, et nous marchons comme on nous fait marcher, en adoptant le comportement que nous croyons devoir adopter avec les autres pour nous conformer à ce que nous croyons être attendu de nous.
Nous croyons ce qu’on nous fait croire, nous regardons où l’on nous fait regarder, nous voyons comme l’on veut nous faire voir. (C’est le théâtre de la société humaine et nous sommes dans les rôles que nous essayons de faire nôtres, comme nous le pouvons)
Face à la montagne
Et ainsi, là où nous en sommes aujourd’hui dans notre relation au monde et avec ce que nous nous sommes mis en tête et tels que nous voyons, pensons et agissons : imaginer changer de schéma et changer de modèle, cela nous paraît bien sûr impensable et insurmontable, c’est une montagne qu’il nous faut déplacer.
Et comme on le dit, « s’en faire une montagne », cela dit bien comment on prend la chose et non pas ce qu’est la chose. Ce qui s’exprime là, se passe au plus profond de nous, corps, âme et esprit et résulte de notre histoire de vie, c’est une construction sociale de nous-mêmes : il faut donc pouvoir, les uns avec les autres, ensemble (socialement) la déconstruire si nous voulons changer notre état d’être.
Car nous sommes des êtres socialement construits par ce que nous faisons dans l’existence, la vie que nous menons, là où nous habitons, comment nous habitons, avec qui nous habitons, etc… Mais en plus des conditions de vie que nous avons en commun avec d’autres, nous avons également des histoires et des expériences de vie singulières, propres à chacun.(2)
Finalement cette montagne peut s’avérer factice, lorsque nous arrivons à comprendre les mystifications qu’on nous fait et que nous nous faisons…
A la base des mystifications qui nous font construire des montagnes imaginées infranchissables…
Il y a la monnaie qui décide de tout pour nous tous, c’est La mystification de notre « civilisation » marchande délétère).
On a fait de l’argent une fin en soi, l’argent pour l’argent et l’argent s’auto-valorise, l’argent fait de l’argent ; tout doit pouvoir s’échanger par l’argent, valeur d’échange abstraite universelle, et finalement pour l’argent dans une accumulation spéculative sans limite, jusqu’à éclatement de la bulle…
Mais tout cela ne tombe pas du ciel : cela procède de l’humain. C’est donc à l’humain de changer d’optique, de reconsidérer d’un autre œil et d’un autre point de vue, avec un autre état d’esprit, ce qui l’a fait tel qu’il est…
Or le système tel qu’il fonctionne ne peut fonctionner que parce que nous sommes partie prenante de son fonctionnement : il nous fabrique (3). Donc si nous n’imaginons pas d’alternative possible à ce qui est, c’est que le système nous fait voir, croire et penser ainsi (à notre insu).
C’est encore la construction sociale de la réalité qui est à l’œuvre dans tout cela.
On se pose, on réfléchit, on met à la question et en question
Questionner le sens de tout cela, c’est déjà nous mettre à distance et nous déprendre de l’emprise sur nous ! Mettre en mots, dans des mots à nous, c’est porter un regard extérieur, rompre l’assujettissement et commencer à nous défaire de l’aliénation.
Il nous suffit d’ouvrir les yeux pour voir ce que le système fait de nous, comment les dés sont pipés, comment il « joue » avec nous et se joue de nous.
Il nous suffit de savoir que nous ne voulons plus du système.
Il nous suffit de dire sur la place publique que nous sommes décidés, que nous rejetons le système, que nous arrêtons d’être l’instrument de la logique des jeux du système.
C’est exactement ce que fait actuellement le peuple algérien qui a décidé de « libérer l’Algérie ».
Le peuple fait « La Révolution du sourire », il veut « l’Algérie libre et démocratique » et tous les vendredis il est dans la rue et crie d’une voix unie, puissante, légitime, souveraine : « Système dégage » ! Le peuple fait ainsi savoir aux oligarques qu’il a démasqué le système avec lequel ils ont fait main basse sur le pays, volé les richesses, les biens publics et volé au peuple la démocratie et la liberté.
Nous aussi, nous devons rendre public que nous savons ce que le « système-monde » fait de nous et que nous rompons avec ce système, avant qu’il ait fini de tout détruire, de nous détruire.
De même pour le mouvement « Occupy Wall Street » : les occupants savaient clairement qui décide de tout ici, maintenant et sans limites. Car les « investisseurs », jouent avec nos vies et jouent la vie du monde sur les « marchés » des places financières et dans les paradis fiscaux : alors ce ne sont pas les Etats et encore moins les citoyens qui décident de ce qui doit advenir.
Le choix de vie et de monde est un choix Politique, il engage la vie de la Cité. Ce n’est en aucun cas à une économie-monde de décider de notre vie et de s’emparer de ce qui est Politique. Il nous revient impérativement de prendre le Politique en notre pouvoir et sous notre contrôle.
Maintenant on agit :
On ouvre les yeux, on se donne le courage de regarder en face, on lève le voile, on met à nu et au grand jour le « système-monde ».
Maintenant on désobéit :
Nous décidons de nous mettre hors jeu, tous en connaissance de cause et de conséquence, nous n’attendons plus d’être éliminés du jeu, nous l’avons bien compris : les dès sont pipés…
La Rupture
C’est à nous de nous autogouverner et pas au système de nous gouverner.
C’est nous qui décidons quelle est la vie d’habitants de la Terre que nous voulons vivre et comment nous allons nous organiser en commun politiquement pour la vivre.
Nous créons un monde politique du commun pour faire vivre la Vie et vivre notre vie d’humains en société, sur la Terre en résonance avec le vivant.
Politiquement nous créons un monde beau, libre, juste, paisible, confiant, solidaire, économe, intelligent, un monde d’humanité, un monde de la résonance
La métamorphose de l’imaginaire, de la normativité sociétale
- Nous rompons le leurre qui nous fait consentir à ce que nous faisons contre nous en tant que personne, contre les humains de la Terre et contre le vivant qui nous relie à tout et entre tous.
- Nous rompons avec le système qui pervertit la vie, pervertit et atrophie l’humain, corrompt l’essence même de l’humain, détruit l’humanité, détruit la Terre. Nous cessons de contribuer à faire cela, qui se fait avec nous, que nous faisons contre nous-mêmes et que cependant nous le faisons.
- Nous créons notre imaginaire commun, notre “commun” d’humains sur la Terre, de l’ « être-en-commun » et de l’« agir-commun ». Tous nous sommes les habitants d’une Terre, une, indivisible, inaliénable (inappropriable), qui nous fait tous vivre. Elle est sous notre sauvegarde solidaire, tous nous en sommes coresponsables.
- Nous en avons fini avec le renoncement, la crainte, nous sortons de notre isolement : nous nous délivrons mutuellement de l’impuissance de l’inaction. Ensemble on ne ferme plus les yeux, on arrête de se taire, on sort de l’ignorance, on ne se résigne plus à subir.
Nous n’avons d’existence humaine que sur la Terre, parmi et avec les autres humains, –dans la vie en société, condition de l’humain-, et en accord avec la nature. La nature ne nous est pas extérieure, n’est pas un décor : la nature est la vie, elle nous constitue, nous en vivons. La nature est agie par des lois naturelles qui régissent toute matière et toute vie et pas sur les lois des humains
Que faut-il pour devenir humain à part entière et agir en étant partie prenante de la vie en société ?
Selon un proverbe africain, « il faut tout un village pour éduquer un enfant », si l’on tient à ce qu’il prenne toute sa place et sa part au sein de la vie commune dans la communauté villageoise.
Que de présence humaine, d’attention aimante, de soin, de temps, de jeu, de découverte à partir de conditions matérielles et sociales de vie, ne faut-il réunir et conjuguer pour assurer la santé tant physique que mentale d’un sujet ! Mais un sujet peut s’éduquer et apprendre tout au long de sa vie ! (4)
Bernard Immel pour le Clairon de l’Atax le 09/02/2020
Notes :
- objet fabriqué par l’homme⇗
- cf. : « La Construction Sociale de la réalité » de Peter Berger et Thomas Luckmann ; éd. Armand Colin⇗
- Cf. : « La fabrication du consentement », N. Chomsky éd. Agone et « Discours de la servitude volontaire », La Boétie ; éd. Flammarion⇗
- (cf. « l’enfant sauvage » le film de François Truffaut ou le livre « l’ensorcellement du monde » de Boris Cyrulnik)⇗