Faut il laisser le public choisir entre ce qui est bon pour l’environnement
et ce qui est indispensable pour la croissance ?
Du passé et du futur faisons table rase ( Image par richbclark de Pixabay)
L’intérêt du public pour les questions environnementales ne cesse de croître : l’arrivée d’écologistes à la tête de grandes villes et d’agglomération en est une manifestation. De leur côté le gouvernement macroniste et les entrepreneurs, chantres de la croissance, brandissent le spectre d’un effondrement économique, post Covid-19, pour promouvoir une reprise de l’activité “à tout prix“.
Dans ce “à tout prix“, les questions environnementales apparaissent souvent comme une gène, soit parce que leur traitement, qui implique souvent une consultation du public, retarde des projets dont il renchérit le coût, soit parce que le respect de l’environnement peut empêcher leur réalisation.
La modernisation de l’État a bon dos !
La France s’est dotée d’une législation qui vise à protéger l’environnement, en faisant notamment appel à des consultations du public, d’une part parce que ce dernier peut constituer une source appréciable d’informations, d’autre part parce qu’il était reconnu que l’acceptation d’un projet par le public peut en faciliter la réalisation et le fonctionnement. Ces dispositions sont à présent jugée contreproductives, voire insupportables par certains de nos gouvernants et les entrepreneurs qu’ils représentent. C’est ainsi que, depuis plus de 2 ans, sous prétexte d’allègement, de simplification des procédures, ou de modernisation de l’État, on tend à réduire le nombre des enquêtes publiques relatives aux projets impactant l’environnement, tout en fabriquant de véritables “usines à gaz administratives” réputées “fluidifier” le traitement des dossiers.
Au cœur du débat actuel : le rôle des préfets qui peuvent, selon les cas, décider de maintenir ou de supprimer la consultation du public en cas d’évaluation environnementale, ce qui est contraire au droit européen.
Ces dispositions, prises d’abord à titre expérimental, puis confirmées par décret n°2020-412 du 8 avril 2020, ont entraîné de nombreuses réactions dans le monde associatif, mais aussi chez certains responsables politiques (1) au point qu’on a pu croire un instant que le gouvernement allait reculer : il n’en est rien.
Un décret, paru au journal officiel le 4 juillet dernier (2), réforme les rôles de l’autorité administrative chargée d’examiner les projets au cas par cas et ceux de l’autorité environnementale, dans le cas des projets relevant du champ de l’évaluation environnementale.
L’autorité chargée de l’examen au cas par cas a pour mission, dans le cas où des projets ne sont pas soumis règlementairement à une évaluation environnementale systématique, de dire s’ils doivent malgré tout faire l’objet de cette évaluation. Lorsqu’il s’agit de projets locaux cette compétence est confiée aux préfets de région.
L’autorité environnementale a pour mission de donner son avis sur l’évaluation environnementale, lorsque celle-ci est faite. Ce sont les MRAe (Missions régionales d’autorité environnementale) qui rendent cet avis.
Ces dispositions ont été fortement critiquées par l’Ae (Autorité environnementale) dans un rapport de 2020, dans la mesure où elles « n’apportent ni lisibilité, ni simplification, ni cohérence. Elles réduisent la possibilité pour le public de s’exprimer et créent de la complexité, sans pour autant garantir l’objectivité requise par les directives européennes et la loi nationale, qui est une condition impérative pour conserver la confiance du public », et qu’elles « réduisent la possibilité pour le public de s’exprimer et créent de la complexité ».
Par ailleurs tout risque de conflit d’intérêt n’est pas exclu par ces dispositions, ce que reconnait le texte du décret qui précise : « Constitue, notamment, un conflit d’intérêt, le fait, pour [l’autorité chargée de l’examen au cas par cas et l’autorité environnementale], d’assurer la maîtrise d’ouvrage d’un projet, d’avoir participé directement à son élaboration, ou d’exercer la tutelle sur un service ou un établissement public assurant de telles fonctions ».
Ainsi c’est au préfet de région, en son âme et conscience, lorsqu’il « estime se trouver » dans une situation de conflit d’intérêt, de confier à la MRAe l’examen au cas par cas qui l’exposerait à un conflit d’intérêt !
On imagine aisément quel doit être l’état d’esprit d’un préfet subissant de multiples pressions économiques, ainsi que les instructions du gouvernement qui lui demandent de faciliter le développement des entreprises.
L’avenir des évaluations environnementales des projets est loin d’être serein : d’autre mesures sont à l’étude pour encore les réduire ou les supprimer, notamment pour des aménagements et constructions projetés dans des espaces considérés comme « déjà artificialisés »…
La rédaction du Clairon de l’Atax le 22/07/2020
Notes :
- voir l’article du Clairon : https://le-clairon-nouveau.fr/wordpress/blog/2020/05/23/restrictions-au-debat-public-le-gouvernement-recule/⇗
- https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2020/7/3/TRED2006513D/jo/texte/fr⇗