Un projet de création d’une Micro-ferme permaculturelle dans l’Aude

D’un point de vue écologique, ce type d’agriculture renforce la biodiversité, augmente la teneur en matières organiques des sols, année après année et préserve les écosystèmes.

Aujourd’hui la question de l’alimentation des populations se pose avec une acuité croissante, à mesure  que nous découvrons les limites et les dangers de l’agro-industrie (pollutions, destruction des sols, réduction des espaces cultivables, impacts sur la santé, etc.). La crise de la Covid 19 a encore renforcé nos inquiétudes, en montrant combien les circuits d’approvisionnement mondialisés étaient fragiles. Il s’agit donc de repenser nos modes d’alimentation et en amont, les modes de production agricole.
Dans l’Aude, les sols disponibles pour l’agriculture ne cessent de se réduire, du fait de l’étalement d’autres activités économiques (industrie, commerce, tourisme), mais aussi parce que le modèle traditionnel de polyculture vivrière s’est progressivement transformé et spécialisé au cours du siècle dernier en une agriculture à caractère plus commercial. Cette évolution des activités viticoles contribue a créer de nombreuses friches, tandis que l’étalement urbain artificialise d’anciennes terres agricoles dans les périphéries de villes et villages.
Repenser les modes de production agricole, les circuits d’approvisionnement, la qualité des produits est l’affaire de tous. Dans ces domaines des initiatives, chaque jour plus nombreuses, se prennent : certaines réussissent et passent de l’essai à des pratiques pérennes, d’autres échouent tout en contribuant à élargir les savoir-faire.
C’est ce cheminement vers de nouvelles pratiques, de nouveaux modes de vie que le « Clairon » souhaite décrire et accompagner. Dans cette édition nous vous en présentons un premier pas.

La rédaction du Clairon

 

1/ La Micro-ferme Permaculturelle :

Qu’est-ce qu’une Micro-ferme ?
Il s’agit d’une ferme cultivant en Bio (voire en agroécologie et Permaculture), de petite taille (autour d’un hectare), commercialisant en circuits courts, avec une grande diversité de cultures, visant l’autonomie et associant le projet de ferme à un projet de vie.

Pourquoi Permaculturelle ?
La permaculture, c’est la science de mettre en place un système qui va fonctionner comme un écosystème.
Le but de la Micro-ferme Permaculturelle est d’intégrer une résilience en termes d’énergie utilisée, préservant la biodiversité et favorisant le développement d’écosystèmes équilibrés.

La Micro-ferme du Bec Hellouin en Normandie vu du ciel, exemple en Europe de ce type d’agriculture. (image Bec Hellouin)

2/ Pourquoi vouloir créer une Micro-ferme Permaculturelle ?

Une agriculture saine à tous les niveaux
D’un point de vue écologique, ce type d’agriculture renforce la biodiversité, augmente la teneur en matières organiques des sols, année après année et préserve les écosystèmes. C’est une agriculture durable, à faible mécanisation, respectueuse des capacités contributives des sols qui s’inscrit dans le temps. Cette agriculture dépend essentiellement du soleil et non plus du pétrole. Le système vertueux qui se met en place agrade sur tous les points la nature et l’humain, c’est-à-dire qu’il les enrichit et les améliore.
Créer une Micro-ferme Permaculturelle, c’est bon pour celui qui y vit et qui y travaille, mais c’est également bon pour le consommateur qui bénéficie de produits de haute qualité, bon pour la faune et la flore, bon pour le climat  par séquestration du carbone dans les sols et dans les arbres et bon pour les sols qui s’enrichissent en humus et matières organiques.
Ce type de Micro-ferme peut-être la solution pour nourrir l’humanité de demain, tout en contribuant à sa petite mesure à la stabilité du climat.

Un panier de légumes, bon pour les humains et bon pour leur planète. (legumes-Image par Sven Hilker de Pixabay)

Développer le lien social
Ce type de projet, en ramenant de la vie, permet de redynamiser les villages qui ont vu fermer tous leurs commerces les uns après les autres. Partout en France le même phénomène se produit : les centres-villes meurent. Les métiers de bouche et de savoir-faire, tenus par « les personnes du coin », liées par un attachement social fort avec les populations, sont remplacés progressivement par des enseignes de franchise, d’assurance ou des banques, sans âme, courant après les promotions, renouvelant leurs équipes fréquemment, et avec qui aucun lien durable, professionnel et social, n’est réellement envisageable.
Adieu boucher, charcutier, poissonnier, primeur…
Place aujourd’hui à ces zones d’activités créées en périphérie des villes, qui asphyxient jusqu’à les supprimer les petits commerçants, remplacés par de grandes enseignes, temples modernes dédiés à la consommation de masse, adeptes des économies d’échelle, mais manquant cruellement de lien humain.
À l’inverse, la Micro-ferme est un commerce à taille humaine qui produit et vend sur place. À travers cette proximité, elle cultive le lien social, et place la transmission sous toutes ses formes au cœur de la démarche. En effet, créer une Micro-ferme répond également à l’ambition de pratiquer des méthodes de culture respectueuses de la nature et de transmettre ses savoirs aux générations futures.

Ainsi, à terme, la Micro-ferme a vocation à développer des partenariats avec des écoles et des associations pour accueillir des jeunes et leur faire découvrir les techniques de travail du jardinage permaculturel, des vergers agroforestiers, des forêts comestibles, et pour leur enseigner la culture du goût (et réveiller leurs sens).
La dimension transmission et pédagogie du projet est essentielle.

L’éblouissement des enfants qui regardent pousser les légumes ! (Image par P. Wongsunthi de Pixabay)

3/ Comment fonctionne une Micro-fermePermaculturelle ?

Par opposition aux fermes industrielles mécanisées, qui exploitent des surfaces considérables, l’ambition d’une Micro-ferme Permaculturelle, est de travailler tout à la main, sur des surfaces réduites, tout en assurant une production de qualité et en quantité suffisante pour rendre l’activité soutenable et viable. En effet, il existe aujourd’hui des méthodes et des outils permettant de produire de grandes quantités de nourriture (légumes, fruits, petits fruits…) sur de très petites surfaces, tout en améliorant le sol en matières organiques. L’étude menée à la ferme du Bec Hellouin en Normandie entre 2011 et 2015, supervisée par l’INRA et AgroParisTech, a mis en évidence qu’il était possible de vivre décemment du métier de maraîcher en cultivant une surface de seulement 1000m2, dédiés exclusivement au maraîchage, et laissant une place considérable pour pratiquer d’autres activités complémentaires telles que : l’élevage de poules pondeuses, l’arboriculture, les plantes médicinales, les produits de la ruche…

Ce mode d’agriculture ne cesse de se développer en France et en Europe, et constitue une alternative crédible à l’agriculture industrielle.

4/ Pourquoi une Micro-ferme Permaculturelle à Fontcouverte sur le chemin de l’Orto ?

Tout d’abord, parce que c’est mon village et que c’est notre projet de vie. Le village où j’ai grandi, où j’ai passé mon enfance avec cousins et amis à gambader dans la garrigue, à me baigner à la piscine, à manger les fruits et les raisins dans les vignes et les jardins.
Ensuite, parce que ce sont les terres de mes grands-parents. Et bien qu’à leur époque, ils étaient peu attachés à l’écologie, ils ont su me transmettre le goût de la nature, du travail, de la rigueur. S’ils étaient encore là aujourd’hui, je suis sûr qu’ils seraient enthousiastes à l’idée que l’un de leur petit fils décide de faire ce retour à la terre.
Enfin, parce que ‘’la vigne du figuier’’ c’est une des meilleures terres du village, d’après les anciens, ce que certains spécialistes en agroforesterie m’ont confirmé. Elle est riche en azote, bien exposée et proche d’une source d’eau.
En outre, cette vigne est idéalement située pour développer cette activité et assurer une vente en circuit court : à proximité du village, à 1 min de la route départementale et à moins de 10 km du marché de Lézignan-Corbières. Elle permet la vente directe à la ferme, au marché et la livraison de paniers de légumes aux adhérents d’une AMAP. Tout cela, sur de faibles distances (20km par semaine, donc environ 1000km par an), ce qui garantit une faible dépense énergétique, cohérente avec la dimension écologique du projet. À terme, la vente de la production pourra également s’effectuer auprès de restaurateurs de la région avec lesquels des  partenariats pourront être conclus (commande de variétés anciennes, légumes de petites tailles…) et auprès de collectivités territoriales dans leurs activités de restaurations collectives en direction des enfants et adolescents (écoles, collèges, lycées) ou des personnes âgées (EHPAD).

Pour toutes ces raisons, c’est à mon avis un lieu idéal pour concevoir un projet à taille humaine, répondant à des problématiques sociétales, et favorisant les pratiques sociales et économiques vertueuses.

5/ Vivre son lieu de travail.

Selon les principes de la permaculture, chaque élément, que ce soit un lieu de vie, un étang, un arbre, un animal ou une personne, est situé en fonction des autres éléments avec lesquels il est mis en relation de manière à ce que ces éléments interagissent et coopèrent entre eux.

– Chaque élément remplit plusieurs fonctions.

– Chaque fonction importante est assurée par plusieurs éléments.

– Les zones et secteurs sont définis et utilisés de manière à assurer une conception énergétique efficace des lieux de vie  et installations.

– Les ressources naturelles renouvelables sont utilisées au mieux, plutôt que les énergies fossiles.

– La polyculture et la diversité d’espèces bénéfiques assurent une meilleure productivité et davantage de synergies.

Dans la conception de ce type de Micro-ferme, tous ces éléments sont imbriqués les uns aux autres pour que le système soit le plus efficient possible. Pour ce faire, un des outils prioritaires à la conception, est l’utilisation des zones. À titre d’exemple, nous mettrons en zone 1 (les herbes aromatiques, le potager…), des éléments sur lesquels nous allons devoir tous les jours y consacrer un certain temps. Puis, en Zone 2 (les fruitiers, poulailler…), zone 3 (moutons, fruits à coque…) et ainsi de suite jusqu’à une zone 4 ou 5 en fonction de la taille de la ferme.
Évidemment, plus la zone s’éloigne du centre d’activité, plus on installe des éléments qui nécessitent peu ou pas de visite.
Si l’on respecte ce système de zonage, la zone 0 c’est l’humain.
La Micro-ferme Permaculturelle est un écosystème fondé sur la symbiose entre l’humain et la nature, qui implique de vivre au sein même de cet écosystème. Y renoncer, c’est renoncer au projet qui, bien plus qu’une activité professionnelle, constitue un véritable projet de vie qui s’inscrit dans la durée.
D’ailleurs pour le philosophe-paysan Pierre Rabhi, comment dissocier l’humain de la nature, alors même que l’humain est la nature.

Concevoir une Micro-ferme Permaculturelle et enlever l’humain, c’est comme décider de faire de la confiture de fraise, sans y mettre de fraise, ça existe, mais ça ne nous intéresse pas !

Yves Gillen dans son jardin de la liberté. Pour lui, la partition est déjà écrite, et le jardinier est un chef d’orchestre qui essaie de reproduire ce qui se passe dans la forêt. (image FR3 / INA)

Conclusion

Contrairement aux idées reçues, une Micro-ferme ne saurait s’apparenter aux fermes comme il y en avait par millier au siècle dernier. Ce type de Micro-ferme, même si par bien des côtés rappelle les fermes d’autrefois, n’est pas un retour au passé. Car l’agriculture pré-industrielle n’était pas si productive que ça et elle demandait énormément de travail aux paysans qui y travaillaient. Ce type de Micro-ferme tire à la fois le meilleur des différentes traditions, mais également de tout ce que l’on a appris de la nature et des sciences du vivant depuis 50 ou 60 ans. Elle est très économe en énergie fossile et en moyen technique (pas d’outil sophistiqué ni de grosse machine). Juste l’utilisation de quelques outils manuels sont nécessaires. Par contre, il s’agit véritablement d’une agriculture de la connaissance, une agriculture de l’intelligence.
L’agriculture de demain, c’est une agriculture où l’on va remplacer à la fois l’intensité du travail qui caractérisait les fermes d’avant l’ère industrielle et l’intensité d’énergie propre aux fermes de l’ère industrielle par de la connaissance, de l’intelligence, de la conception.
Ce type de micro-ferme permaculturelle, si elle est bien conçue et bien travaillée est naturellement extrêmement productive, essentiellement grâce à l’énergie du soleil, et ce, sur la durée car elle valorise en les enrichissant les ressources naturelles.

Sarah et Martin Malves

Planning d’impulsion, de conception, de formation et d’installation

Novembre 2017 : naissance de Rose Malves,
notre fille adorée qui on l’espère aura la chance de grandir sur une terre vivante, ou la folie des hommes aura cessé de détruire la biodiversité et les écosystèmes dont nous sommes tous issus.

 2018 :

– Implantation d’un verger fruitier permaculturel et d’une forêt jardin.

– Plantation des haies brise-vent autour du terrain (avec Arbres & Paysages 11)

– Formations à la ferme du Bec Hellouin (Martin) : maraîchage bio-intensif, micro-fermes, forêt-jardin

– Succession de stages chez Emile Pautou, maraîcher Bio à Montolieu (Martin) .

– Participation aux journées MSA (Maraîchage sur Sol Vivant).

– Formation sur les constructions en terre-paille (association les Terre-Pailleux)

– Stages chez Andy Darlington sur la greffe et la taille des arbres fruitiers. (Martin).

2019 :

– Cursus des 3 Formations à la ferme du Bec Hellouin (Sarah).

– Formation Maraîchère tout au long de l’année (Martin).

– Préparation du terrain sur la zone maraîchage.

2020 :

– officialisation du statut d’agriculteur à la chambre d’agriculture,

– installation du poulailler,

– vente des premiers œufs et des premiers légumes,

– construction d’un local de vente

 

Print Friendly, PDF & Email

Publié par La Rédaction du Clairon de l'Atax

2 commentaires

Il serait très intéressant, 5 ans après, d’avoir un compte rendu de ce qu’est devenu ce projet et leurs porteurs.

bonjour Pierre
Sarah et Martin Malves sont au dernières nouvelles présents sur le marché Bio à Narbonne où ils vendent notamment des oeufs. Leur ferme (CHE A L Orto) est à Fontcouverte. L’article du Clairon avait été apporté par Bertrand Claverie…
Amitiés Hubert

Répondre à Hubert Reys Annuler la réponse