Femmes victimes de violences

Les associations manifestent du dynamisme de la société civile. Elles réunissent des personnes qui adhèrent à un projet commun et offrent des services à leurs membres ou à un public plus vaste. Depuis une cinquantaine d’années, les gouvernements nationaux, territoriaux et locaux successifs, tentent de capter ce dynamisme associatif à leur profit, en transférant à moindre coût sur des associations, des missions autrefois confiées à des services publics qu’ils ont entrepris de démonter. Considérer les associations comme de simples entreprises prestataires, c’est condamner à terme toute dynamique solidaire et saper un des fondements de notre république : la fraternité.

Le numéro d’appel 3919 : avatars et victoire

Le 3919 est le numéro d’appel national gratuit au service de l’écoute et l’orientation de femmes victimes de violences. Il a été mis en place (et fonctionne 12 h par jour) par la Fédération Nationale Solidarité Femmes, (FNSF) en 1987. La FNSF regroupe 73 associations sur tout le territoire national qui accompagnent des femmes victimes de violences.

En 2919, devant la recrudescence des féminicides, le « Grenelle » organisé sur le sujet des violences propose entre autres l’augmentation de l’amplitude horaire des écoutes. (Demandé depuis des années par le service 3919)  Au lieu de négocier un nouveau contrat avec la FNSF et d’allouer les subventions nécessaires, l’État décide de procéder à un appel d’offre, ouvert au marché public.

La fédération multiplie, des mois durant, des actions pour faire annuler la démarche : interventions de parlementaires, 65000 signatures citoyennes, intervention de personnalités publiques féministes ou non, associations qui se mobilisent politiquement et médiatiquement. Un premier recul suit cette mobilisation : si madame Moreno, ministre déléguée à l’égalité des droits entre les femmes et les hommes, fait bien publier l’ouverture d’un marché public, le 15 décembre 2020, du moins celui-ci ne sera-t-il ouvert qu’aux seuls établissements et associations, soit au marché de l’économie sociale et solidaire.

Or la loi prévoit qu’un marché ouvert à ce secteur spécifique ne peut être attribué deux fois au même acteur (« prestataire » en terme de marché), de sorte que si le FNSF était retenue, elle perdrait sa « marque » (le 3919) ainsi que son savoir-faire en deux ou trois ans !

Suivant son conseiller juridique, la FNSF introduit le 20 Janvier 2020 un référé précontractuel auprès du tribunal administratif de Paris pour demander l’annulation de la mise en marché et décide en même temps que les 73 associations affiliées de ne pas soumissionner l’appel d’offre. Un courrier signé par une quarantaine de députés rappelle ce même jour qu’une loi de 2014 relative aux marchés de l’économie sociale et solidaire, prévoit d’éviter tout risque de requalification en marché public du subventionnement, en excluant les subventions du champ de la mise en concurrence et propose que la FNSF puisse continuer d’assurer son service de qualité hors de l’ouverture de tout marché et…le 25/12, le marché public est annulé !

Mobilisations, arguments légaux, stratégie de retrait combatif ont eu raison de la logique lucrative et/ou de l’incompétence juridique des acteurs de la mise en concurrence, en marché….cela en attendant le nouveau conventionnement et les subventions qui permettront au 3919 de continuer de proposer une écoute qualifiée..

Sophie Masini pour le Clairon de l’Atax le 05/02/2021

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