“L’appel du Cacatoès noir” – John Danalis

“…..quelqu’un –  mon oncle, en fait – l’a offert à mon père quand j’étais bébé. J’ai grandi avec, il a toujours été là.”
“Il”, c’est …un crâne d’aborigène trouvé dans un chantier, et conservé depuis sur les étagères de la maison. Macabre pour vous et moi…mais ce n’était pas un  problème moral pour les parents de John Danalis.
Non ce n’est pas un roman, mais une histoire personnelle que John Danalis va partager avec ses lecteurs. Une histoire racontée au jour le jour entre septembre 2005 et avril 2006, et replacée dans le contexte culturel de l’Australie.Rares sont les livres qui évoquent cette culture australienne.
Beau cadeau offert par Babelio
Vous l’ouvrez, quelques lignes…trop tard, je ne pouvais plus reculer, j’ai été ferré ! Diable d’homme! Oui John vous m’avez pris à l’hameçon…je n’avais pas envie de me débattre, j’étais si bien à vous suivre!
Mary fait partie, depuis bien longtemps de la vie de la famille de John
L’oncle,  comme le père travaillaient dans les grandes fermes du bush  australien. Tous deux  étaient vétérinaires-associés et soignaient le batail. Dans ces fermes ils recevaient des cadeaux, dont ils ne percevaient pas toujours, toute l’importance, et collectionnaient tout ce que les fermiers pouvaient trouver sur leurs terres en creusant une tranchée, en arasant un tumulus….des déchets. Dehors comme à l’intérieur, la maison familiale regorge de ces restes aborigènes.
S’approprier  ce passé aborigène fait partie de la culture de conquête de ces fermiers.
Le père de famille a protégé  le crâne en le peignant avec du vernis, ce qui lui donne, depuis, une teinte jaunâtre presque fluo, il a collé le crâne avec de l’Arladite sur un morceau de bois afin qu’il ne bascule pas en arrière. Mary de temps en temps faisait rigoler la famille quand on lui calait une cigarette à l’emplacement de la dent cassée rituellement alors que Mary courait la brousse. Les gamins mettaient des lampes à l’intérieur “….la suprême lanterne d’Halloween”, mais à part ça il “n’a jamais été raillé ou ridiculisé” . Et Mary a été abandonnée au fond d’un placard.
Mary est l’un ces nombreux restes trouvés sur les sites rituels.
Pour la famille de John, ce crâne s’est toujours appelé Mary, et ils ont continué à l’appeler ainsi, même quand ils ont su que c’était un homme. Un homme dont le cerveau avait été détruit par la syphilis apportée par les conquérants.
John vivait très bien avec Mary. En 2005, il  étudiait afin de  devenir enseignant. Il avait choisit l’option “Littérature indigène”, bien que dans sa famille ils ne connaissent pas d’aborigène.
Comme tous les descendants des colons, la famille riait des blagues racistes faites sur les aborigènes…les Noirs, ces “Cons de Noirs inutiles !” comme on disait souvent.
Aussi, c’est tout naturellement qu’il déclara devant ses copains de promotion : “Eh bien….moi j’ai grandi avec un crâne aborigène sur les étagères du salon”  Ce qui causa des réactions horrifiées.
Ces réactions de camarades déclenchèrent un déclic dans l’esprit de John et dans celui de sa famille : Mary n’avait rien à faire sur les étagères du salon familial.
Il commence à se renseigner, à se documenter,  rencontre des membres de la communauté aborigène…qui loin de le blâmer, lui font progressivement découvrir leur culture, leurs rites, lui apprennent que si sa famille a conservé une dépouille, nombreux sont les musées qui, dans le monde, sans aucun état d’âme conservent dans des caves des trésors aborigènes.  Des centaines de milliers de restes sont disséminés dans des collections privées ou publiques….que personne ne veut rendre ! A lui seul le British Museum possède 1570 restes!
Tous, musées comme particuliers les exposent dans des collections ou les conservent dans des coffres ou dans des caves, sans aucun respect du passé ou de ces restes humains.
Ainsi, au contact d’hommes de culture aborigène, John découvre jour après jour une culture dont il ignorait tout ou presque…John apprend…nous aussi nous découvrons cette Australie, si éloignée, ses rites, ses tribus…les conditions de sa conquête, de sa déforestation, de son pillage, les meurtres, les difficiles conditions de vie de ces aborigènes, dont les territoires rétrécissaient.
Les lecteurs ayant lu de nombreux ouvrages sur ce continent, et son histoire sont dans doute rares. Nous connaissons sans doute bien mieux les auteurs africains, ou des États-Unis, voire chinois.
Redonner une sépulture décente, dans le respect des rites traditionnels permet à John de mieux comprendre, d’échanger avec ces Noirs que lui et bien d’autres ne voyaient pas, de faire sauter ses préjugés.
Lui, comme nous lecteurs,  découvrons cette culture originelle, ces hommes de paix, chassés depuis la conquête de l’Australie de leurs terres ancestrales par des groupes miniers, par des agriculteurs, persécutés …
Même l’État australien  contemporain en prend pour son grade !
Avec un peu de bonne volonté, avec un minimum d’ouverture d’esprit, de part et d’autre, il est possible de rapprocher des cultures, de vivre en respectant l’Autre.
Un beau message d’humanité .
Merci à Babelio, qui dans le cadre d’une opération Masse critique privilégiée, m’a permis la découverte de cette culture, de cet humanisme et de cette ouverture d’esprit .Une lecture qui m’a également incité à en apprendre un peu plus sur un autre auteur mentionné par John, un auteur dont je n’arrive pas à trouver un livre, il s’agit de Bruce Elder.
Il  a écrit “Du sang sur les acacias” ….un livre horrible selon John qui l’a lu. Ce livre qui raconte par le détail les conditions de cette conquête par les européens les crimes et horreurs commis envers les aborigènes.
Oui, John Danalis m’a transmis son besoin d’en apprendre un peu plus sur cette culture aborigène.
John devenu ” juste un Blanc qui a appris à écouter, c’est tout.”
Un Blanc un peu moins con, un peu moins orgueilleux ! Une leçon à retenir !

Jean Pierre Vialle pour le Clairon de l’Atax le 23/03/2021

Print Friendly, PDF & Email

Laisser un commentaire