France – Maroc – Belgique – Danemark – 2h02 – 2022 – Prix de la critique internationale
Un film de Maryam Touzani avec Lubna Azabal, Saleh Bakri, Ayoub Missioui.
“Magnifique”
Dans la medina de Salé au Maroc, Mina et Halim ont un magasin de tissus. Lui est maître artisan (mâalem) en arabe, il taille, brode des caftans et Mina vend les tissus aux riches bourgeoises qui ont les moyens de se payer des broderies à la main. Le couple vit une vie sans histoire, tranquille autour d’un lourd secret puisque Halim aime les hommes. L’arrivée d’un jeune apprenti, Youssef, pour aider Halim, va bouleverser ce fragile équilibre d’autant plus que Mina est malade.
Maryam Touzani a des mains de dentellière, elle file pour notre plaisir à petites touches et avec lenteur les points de broderie d’un caftan bleu avec son acteur. Les plans sont resserrés autour des mains, autour des visages, outils qui traduisent la sensibilité, la sensualité et ce film en est rempli. Tous les gestes sont doux et tendres, presque mélodieux dans la caresse d’une étoffe comme dans celle d’un visage.
L’arrivée de Youssef dans cet univers bien ordonné va bouleverser le fragile équilibre que Mina et Halim avaient instauré. Elle le sent bien, Mina qui couve son mari d’un regard de mère et cherche à le protéger d’un monde mauvais (l’homosexualité est encore considérée au Maroc comme un crime). Pourtant, Youssef est aussi là pour perpétrer la tradition de la broderie et pour perfectionner son art et l’initiation de points compliqués sera l’opportunité d’un rapprochement des corps vite esquivé. Tout est dans les non-dits, la crainte de Mina, la réserve de Halim et la tendresse de Youssef.
Le temps pourrait s’écouler doucement si Mina n’était pas malade, malheureusement sa maladie l’entraine inexorablement vers la mort et pour lutter contre le destin, un trio va se constituer, avec pour seul mot d’ordre l’amour, la douceur et la complicité de ces trois personnages rassemblés autour du caftan bleu.
Un film où, sans résister, on se laisse entrainer dans cette lenteur qui nous enveloppe comme ces tissus chatoyants, on se laisse bercer par les silences qui ne sont jamais pesants, on se laisse envahir par cette intimité, dans laquelle on pénètre sans avoir jamais le sentiment d’être importun (e).
Du grand art, tout est beau, doux et d’une grande sensibilité.
Patricia Renaud pour le Clairon de l’Atax, le 02/04/2023