Un rapport parlementaire renforce l’inquiétude sur l’avenir de la filière nucléaire française

Le rapport de la Commission parlementaire d’enquête sur l’énergie n’est pas à l’optimisme.

Chronique d’une catastrophe annoncée (suite)

Le 6 avril dernier, la commission d’enquête parlementaire sur l’énergie rendait un rapport très critique sur la politique énergétique menée par la France. (1) La filière nucléaire s’y taille une place de choix. Pourtant une majorité des députés membres de cette commission se sont prononcés en faveur du nucléaire civil. A l’heure où l’exécutif essaye de mettre en œuvre à marche forcée le plan de relance du nucléaire, en changeant pour gagner du temps des procédures règlementaires de consultation, il peut être bon de revisiter l’histoire ne serait-ce que pour éviter de refaire les mêmes erreurs, si c’est possible.

Un premier constat du rapport : l’indépendance énergétique française grâce au nucléaire est un mythe.

Les raisons sont multiples, mais ce qui les relie c’est un manque de vision prospective à moyen et long terme. Le changement de cap à 180° d’E. Macron début 2022 en est l’illustration la plus récente.

Première erreur : (Ndlr. Le rapport parle d’ « errements ») Pendant les 20 dernières années du siècle dernier on produit beaucoup plus d’électricité que les besoins français. On a essayé de la vendre à l’étranger et de doper la consommation intérieure en encourageant les ménages à se doter de chauffages et climatisations électriques. Mais on n’a pas pris en compte l’obsolescence d’une partie de la filière nucléaire (on ne construit plus de réacteurs) ainsi que les besoins futurs, liés à la démographie et aux nouveaux modes de consommation.

Deuxième erreur : On a bataillé à gauche comme à droite sur les places respectives qu’auraient dans le futur le nucléaire et le renouvelable, mais on ne s’est pas occupé du remplacement des énergies fossiles dont on reste actuellement très dépendants. Cela nous met actuellement en retard par rapport aux objectifs de décarbonation que nous sommes censés atteindre. (2).

Troisième erreur : Du fait de ces errements, nous avons aussi pris du retard dans le développement des énergies renouvelables : nous ne disposons pas d’une filière industrielle permettant le développement de ces énergies sans un recours massif aux importations

Quatrième erreur : L’organisation de la filière est aussi remise en cause : les 2 principaux opérateurs du nucléaire français, aiguillonnés par les gouvernements successifs se sont livré une concurrence mortifère, au lieu de s’épauler mutuellement. En particulier pour la conquête de marchés étrangers qui ont contribué à des déficits importants chez ces 2 opérateurs

Selon la commission parlementaire qui reprend les arguments d’EDF et des “pro-nucléaires”, les retards de la mise en service de l’EPR de Flamanville et les péripéties que connait la filière depuis quelques années, sont dus à une perte de savoir faire du fait de l’arrêt de la construction de nouvelles centrales depuis quelques décennies.

Alors qu’EDF se trouve devant un mur d’investissements à réaliser, du fait de la prolongation de vie du parc existant, mais aussi en raison de la relance de la filière avec le projet des 6 nouveaux EPR. Or sa situation financière est catastrophique avec un endettement actuel de 64,5 milliards. Cet endettement est en croissance constante, en raison des conditions de vente de l’électricité à “prix bradé” (mécanisme de l’Arenh), mal négociées avec la Commission européenne.

Le politique joue un rôle important dans la stratégie énergétique de la France. L’énergie est considéré comme un sujet régalien : tous les présidents français qui se sont succédé y ont joué un rôle important et en particulier E. Macron qui, avant sa présidence, avait déjà eu à traiter le dossier en tant que conseiller de l’Elysée et ministre de l’Economie de Hollande. La commission relève que certaines décisions, notamment celles sur le mix-énergétique ont été prises sans études préalables, mais sur la base de sondages d’opinion !

En ce qui concerne l’avenir de la filière nucléaire l’incertitude est grande et les donnes prospectives sur la consommation d’électricité très hypothétique et la Commission note que : «Toutes les questions cruciales demeurent ouvertes et à régler dans les prochains mois ».

Enfin la commission exprime ses craintes en cas de crise « multifactorielle » : comme la France n’est pas indépendante d’un point de vue énergétique elle doit s’approvisionner à l’étranger, approvisionnement qui peut être coupé en cas de conflit ou de phénomène climatique majeur…..

Le rapport de la Commission parlementaire d’enquête  sur l’énergie n’est pas à l’optimisme.

Curly Mac Toole pour le Clairon de l’Atax le 16 /04/2022

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Notes
  1. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/ceindener/l16b1028_rapport-enquete#[]
  2. Ndlr : La Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) qui fixe dans le secteur industriel une diminution des émissions de 35 % à l’horizon 2030 et de 81 % d’ici 2050 par rapport à 2015 semble difficile à atteindre[]
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