Un pari réussi par le mouvement PAIS NOSTRE puisqu’une centaine de personnes présentes à Narbonne et en visioconférence ont participé, malgré les difficultés de circulation dues aux barrages d’agriculteurs. La thématique retenue témoigne de l’intérêt des citoyens pour le « fait territorial » mis en regard de l’État centralisateur (castrateur)
Animée par Jean Pierre Laval, la matinée a été ouverte par l’historien Rémy Pech. Il a rappelé que ” L’idée régionale n’est pas née par hasard, elle s’est forgée un destin en parcourant un chemin encombré d’obstacles toujours renouvelés ” soulignant par exemple que les Etats du Languedoc avaient plus de pouvoirs et de moyens, via les levées de l’impôt, que l’actuelle région Occitanie .
La maître de conférences Nathalie Mader a comparé l’organisation de la France « centralisatrice » par rapport à ses voisins européens plus fédérés (Allemagne, Belgique Italie, Espagne, ou encore au Royaume Uni, ou à la Confédération Helvétique ” Il faut que l’état desserre son étau , fasse confiance aux territoires qui ont de l’énergie , qui sont inventifs , surtout au plus proche des besoins des citoyens“) ,
L’écrivain Alem Surre-Garcia a rappelé les valeurs des troubadours : Partage, Fine amor , insistant sur La Convivéncia, titre de son dernier ouvrage sur ” L’exercice de l’autonomie dans l’interdépendance introduit une distance avec l’état qui ne devrait jouer qu’un rôle de régulation et de péréquation ”
Les artistes Gérard Zuchetto et Francis Fourcou ont décrit la situation difficile des artistes « occitans » qui ne sont jamais produits. « Les scènes nationales, les librairies et les différentes chaînes de diffusion de la culture ne sont pas représentatives de cet art occitan qui, par ailleurs est reconnu bien au-delà de nos frontières hexagonales “
Joël Raimondi au titre d’Euroccat a tiré un bilan de l’Euro congrès des espaces Occitan et Catalan, initié par Robert Lafont. Lancé à Narbonne en 2001, l’Eurocongrès a réuni de plus de 6 000 personnes en 9 ateliers thématiques faisant l’objet d’un livre « proposition pour l’Europe ». Un bilan mitigé des 20 ans écoulés a été dressé lors du colloque AGACHES de décembre 2022.
Il présenta ensuite les organisations de coopérations transfrontalières territoriales étrangement méconnues et pourtant dotées de financements conséquents pour de nombreux projets de coopérations économiques, culturelles, et sociétales, à l’image de l’hôpital transfrontalier de Puigcerdá (Cf Communauté de travail des Pyrénées présidée par Carole Delga, l’Eurorégion Pyrénées Méditerranée, l’Eurodistrict Catalan, l’Arc Latin…)
Discussions lors du repas partagé (photo Joël Raimondi / Euroccat)
Après un repas partagé à l’Ostal Occitan, favorisant les échanges le colloque a repris.
Jean-Louis Blénet a présenté les Calandretas comme un ” exemple d’autonomie prise par des citoyens ” tout en dénonçant ” la situation désastreuse de l’enseignement de l’occitan dans l’école publique “
Dominique Drouet a présenté le ″think tank″ Bolégadis en comparant la situation des citoyens Suisses (confédération helvétique : un état confédéral garantissant l’autonomie des cantons et la responsabilité des élus et des citoyens,
En fin de journée Maxime Maury a expliqué le ” Manifeste pour une France décentralisée et des régions résilientes dans une fédération européenne ” avant que Jean-Luc Davezac ne mette en avant l’action régionaliste de la ” Fédération des Pays Unis” qui travaille pour monter une liste aux prochaines élections européennes.
La journée s’est clôturée par un moment artistique avec des lectures de poemes de Gérard Zuchetto et des chansons Oc de Mans de Breich
Lors de ce colloque
Les débats se sont orientés sur un constat amer des limites de l’état centralisateur et « normatif» sous préttexte d’égalité de tous. Or 6 français sur 10 aspirent à plus de pouvoirs et de moyens donnés aux régions. L’exemple de la Confédération Helvétique a été abordé par plusieurs intervenants constatant que ce petit pays de près de 9 millions d’habitants, répartis en 26 cantons interdépendants, développe un ″vivre ensemble″ bien accepté. Ce système politique appelé consociation s’enrichit de la co existence de 4 langues officielles, de 4 grandes familles politiques et de 2 religions. Les « Suisses » se considèrent comme des citoyens adultes, reconnus et respectés pour ce qu’ils sont : les résultats des votations obligatoires ne sont jamais remis en cause : les élus se sentent responsables de leurs choix devant les citoyens, coresponsables des engagements pris
Les 7 intervenants ont décliné l’histoire des régions, de l’Etat et de l’Europe hier, aujourd’hui et vers demain…. Ils se sont interrogés sur la réelle capacité d’action du mille feuilles francais : Ville , Intercommunalité, Département, Région, Etat, Europe … Tout se passe comme si, l’Etat Francais, centralisé, n’avait pas voulu terminer sa révolution de 1789. A ce jour, l’Etat centralisé contrôle TOUT via ses préfets et l’organisation descendante (ministères, directions régionales et départementales) . L’Etat seul perçoit l’impôt qu’il redistribue à sa guise ! Les collectivités agissent en subordonnées avec des budgets contraints : la région Occitane déploie un budget de 3,5 Milliards quand la Catalogne voisine active 38 milliards avec des réelles compétences et que les Landers allemands dépassent les 300 milliards. Est-ce à dire que les collectivités sont sous tutelle d’un Etat omniscient omniprésent qui ne se soucie pas de l’équilibre budgétaire : la dette explose et dépasse les 3 000 milliards … Jusqu’à quand emprunter ? Comment rembourser ?
Dans les conclusions, les participants se sont plutôt accordés sur la nécessaire transformation d’un Etat centralisateur en un Etat fédéraliste, garant des compétences régaliennes à l’instar de nos voisins allemands, espagnols, italiens, qui donnerait plus de pouvoirs (compétences et moyens ) aux régions …Cela permettrait de mieux répondre aux besoins et attentes des habitants.
Et des questions sans réponse
Pourquoi les organisations de coopération transfrontalière (Communauté de travail des Pyrénées, Eurorégion Pyrénées Méditerranée, Euro district Catalan, Arc Latin …) sont-elles si méconnues ? Leur fonctionnement sociocratique – de consociation – mériterait d’être connu, puisque le principe de subsidiarité est et reste premier et le Dissensus en second. Les présidences sont tournantes tous les 2 ou 3 ans et les élus administrent et allouent des budgets conséquents à des projets favorisant les échanges économiques, culturels, sociétaux … à l’instar par ex de l’hôpital transfrontalier de Puigcerdá ou du centre info culture de Huesca
D’où les questions : Pourquoi ces expériences réussies de coopération menées sur Euroespaces de cohésion et crées en Languedoc Roussillon dans les années 80 ne sont elles pas « copiées » à l’échelon du pays ? Pourquoi l’Etat jacobin / centralisé ne s’inspire-t-il pas de ces gouvernances réussies ? Pourquoi les médias taisent ces bonnes pratiques et pourquoi les citoyens ne s’y intéressent-ils pas plus ?
En conclusion : à quand une véritable modernisation de la constitution qui donnerait de véritables pouvoirs aux régions avec des ressources dédiées ? et par voie de conséquences ramènerait les électeurs aux urnes ?
Joël Raimondi pour le Clairon de l’Atax le 30/01/2024
Document intéressant. Idées novatrices.