Droits dans leurs bottes

Les institutions de la Vème république sont arrivées à ce point de dysfonctionnement qu’elles permettent à un président de la République de jouer avec le dialogue social, -un coup je prends, un coup je ne prends pas –, pour faire passer une politique à laquelle n’a adhéré qu’une minorité de Français. Le pouvoir des oppresseurs ne tient que par la peur de ceux qu’ils exploitent ou oppriment, mais cette peur a une fin lorsque les violences d’Etat dépassent le supportable pour les citoyens...

 

Les cowboys sont-ils faits pour gouverner ? (Image par lisa runnels de Pixabay)

Au début de l’année 2019, sous la pression du mouvement des gilets jaunes, le pouvoir donnait l’impression qu’il allait s’ouvrir au dialogue avec les corps intermédiaires, qu’il lâchait du lest en matière d’austérité, qu’une rencontre était possible entre ce que l’inénarrable Raffarin appelait la France d’en haut, celle des élites, et la France d’en bas, celle du peuple.
Il n’en est rien ; nous n’avions pas assez prêté attention aux déclarations « off » à la presse d’E. Macron, lorsqu’il expliquait en substance qu’il feignait le dialogue, le temps de laisser s’alanguir les mouvements sociaux et qu’il reprendrait ensuite le rythme accéléré de sa politique de réformes : ce qu’il a fait !
Les institutions de la Vème république sont arrivées à ce point de dysfonctionnement qu’elles permettent à un président de la République de jouer avec le dialogue social,  -un coup je prends, un coup je ne prends pas –, pour faire passer une politique à laquelle n’a adhéré qu’une minorité de Français (cela en supposant que les 24% qui ont voté pour lui au 1er tour des présidentielles 2017 l’ont fait en toute connaissance de son programme) !
Cette légitimité contestable d’E. Macron lui donne pourtant le droit de manipuler à sa guise les manettes du pouvoir et de mobiliser, le cas échéant, les institutions contre une population qui accepte de moins en moins sa politique.
Nous nous croyions protégés contre les violences policières depuis les excès du préfet Papon en 1961 : sous E. Macron la répression bat à nouveau son plein au point d’inquiéter le défenseur des droits en France, le Conseil de l’Europe et le Haut commissariat de l’ONU aux droits de l’homme ! Malgré cette répression, malgré les tactiques de manipulation de masse visant à détourner l’attention de l’opinion des menées gouvernementales (par exemple l’agitation provoquée par le gouvernement sur les problèmes de laïcité ou d’immigration), une majorité de Français ne semble pas baisser les bras et de nouvelles crises sociales manifestent, en cette fin d’année, leur opposition à la réforme des retraites.
Car E. Macron et ses affidés, droits dans leurs bottes, continuent à mettre en œuvre leur grand dessein inspiré de la doxa néo libérale : celui de démonter le service public et d’affaiblir l’Etat social et solidaire.

Comment peuvent-ils être aussi sûrs de leurs choix ? Ne voient ils pas autour d’eux, y compris au sein des instances mondiales du capitalisme, que le modèle néolibéral est remis en question, notamment en raison de la crise écologique vitale qui nous atteint. Cette aveuglement peut probablement s’expliquer, autant par le système de fabrication de ce que d’aucuns considèrent comme une élite et d’autres comme une caste, que par la nature de nos institutions politiques. Il suffit de s’adapter avec habileté et de se conformer aux rituels et à la pensée du courant dominant pour parvenir à en être ! Bon élève, bon étudiant docile, bon disciple et hop, on y est ! Comment après cela ne pas penser que les idées qui ont permis une trajectoire aussi « réussie » sont les bonnes et ne pas adhérer à l’idéologie qui les porte ?

Le défaut structurel de nos démocraties représentatives est qu’elles reposent encore sur l’idée de leurs fondateurs qui pensaient que tout le monde ne peut pas se mêler de politique, qu’il existerait par nature : d’un côté des élites disposant de connaissances et de capacités de jugement, leur permettant d’exercer le pouvoir et de l’autre, la foule, le peuple, masse informe ignorante et divisée qu’il faut gouverner pour son bien ! Cette pensée, aussi fruste soit-elle, perdure car elle « arrange » et légitime certains ; il semble même que les institutions de la Vème république la perpétuent et l’encouragent… 
Ceci explique cela : lorsqu’on se considère comme appartenant à une élite disposant de qualités différentes de celles du peuple, du « tout venant », on peut penser qu’il est légitime de disposer de droits particuliers. Cela explique le comportement de tous ces notables surpris la main dans le pot de confiture. Récemment la défense du comportement délinquant des époux Balkany ou des “omissions” du Ministre Delevoye, tente de faire disparaitre leurs infractions à la loi sous des prétextes de nature psychosociologiques ou moraux (ils font tant de bien et sont tellement efficaces comme maire ou comme ministre !). Il serait donc possible pour les élites de ne pas respecter la loi ? Ne seraient-elles pas assujetties aux mêmes lois et observeraient-elles d’autres règles propres à leur milieu ?
Il est par contre amusant de voir nos « élites » proclamer unanimement, la main sur le cœur, qu’elles respectent le droit du peuple à faire grève…à une condition c’est de ne pas la faire au mauvais moment…mais le bon moment ne vient jamais !

Combien de temps ce bon peuple que l’on materne en se préoccupant hypocritement d’aspects secondaires de sa sécurité et de son bien être, tandis que l’on s’emploie à détruire l’essentiel (le système de santé, des retraites, le service public, etc.) tiendra-t-il encore sans se révolter massivement ?
La surdité aux aspirations du peuple, le refus de négociations sérieuses avec les corps intermédiaires sur les grands choix de société, masqués par des débats « bidon » sur des points secondaires, la répression policière associée au renforcement des contrôles liberticides tout cela fait monter une violence d’Etat, sourde, rampante qui pousse à la révolte.
Le pouvoir des oppresseurs ne tient que par la peur de ceux qu’ils exploitent ou oppriment, mais cette peur a une fin lorsque les violences d’Etat dépassent le supportable pour les citoyens. La montée des violences qui nous sont faites est le signe clinique de la décomposition de l’Etat…

Puisse l’année 2020 nous aider à restaurer les fondements et les moyens d’un Etat démocratique, social et solidaire, capable de faire face aux défis écologiques qui nous sont posés.

 

Hubert Reys pour le Clairon de l’Atax le 23/12/2019

 

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