Libres d’obéir. Le management du nazisme à aujourd’hui

Johann Chapoutot : « Libres d’obéir. Le management du nazisme à aujourd’hui » ; Nrf essais, Gallimard 16 €

Voici un livre tout à fait passionnant de l’historien et chroniqueur Johann Chapoutot. Il raconte l’histoire de brillants technocrates qui, tout au développement de leurs idées, ne pensent pas « à côté » des procédures qu’ils inventent ou perfectionnent, c’est-à-dire au sens et aux conséquences de ce qu’ils font.
Le management n’est pas né en Allemagne nazie il est incontestablement né aux Etats Unis au début du 20ème siècle : les figures tutélaires en sont Taylor, Ford et Mayo et aussi Lippmann. Mais les nazis ont apporté à ce qu’ils appelaient la “Menschenfûhrung” un important corpus théorique car ils devaient affronter un problème de taille : comment administrer les vastes territoires conquis par leurs armées alors qu’ils n’avaient que peu de moyens en matériel et personnel pour le faire.  Paradoxalement, c’est en substituant à la bureaucratie de l’Etat rigide et procédurière, des officines missionnées sur des objectifs particuliers à réaliser dans des délais assignés par tous les moyens possibles…

 

Ce livre c’est aussi l’histoire de Reinhard Höhn, brillant juriste, auteur prolifique, Doktor Professor réputé en son temps, mais aussi général SS, dont les travaux prolifiques visaient à adapter les institutions aux besoins du futur Grand Reich. Comme beaucoup de technocrates créatifs dans toutes sortes de domaines, de Von Braun à Barbie, son expérience et son savoir-faire lui permettent, après quelques années discrètes, de retrouver une place et un rôle important dans l’Allemagne fédérale de l’après guerre, alors que ce pays aborde une période fabuleuse de renaissance économique. Reinhard Höhn fonde une école de management, l’institut de Bad Hartzburg,  où va passer, pendant une trentaine d’année, toute la future élite économique et politique allemande. Recentré sur le management des entreprises, il est peu à peu sollicité pour enseigner ses techniques à la nouvelle armée, la “Bundeswehr” puis à la haute administration…

Même s’il a été un peu discrédité sur la fin par son passé nazi et si d’autres techniques de management plus « modernes » sont actuellement enseignées, le nombre immense de ses étudiants et de ses disciples qui ont accédé à de hautes fonctions, permet à ses idées de garder une grande influence dans la société allemande actuelle.

Un livre passionnant qui se défend de présenter la “Menschenfûhrung” comme étant à l’origine du management pratiqué actuellement…on ne peut cependant s’empêcher, à sa lecture, de constater d’étranges similitudes…

Hubert Reys pour le Clairon de l’Atax le 23/05/2020

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