“Comment tout peut s’effondrer” – Pablo Servigne & Raphaël Stevens

 “La voiture, c’est notre société, notre civilisation thermo-industrielle. Nous sommes embarqués dedans, GPS programmé sur une destination ensoleillée. Aucune pause n’est prévue. Assis confortablement dans l’habitacle , nous oublions la vitesse, nous ignorons les êtres vivants écrasés au passage, l’énergie faramineuse qui est dépensée et la quantité de gaz d’échappement que nous laissons derrière nous.” (P. 39)
Nos sociétés ne sont organisées et n’ont qu’une principale référence prise comme indicateur :”la croissance ! “..toute notre société, tout notre monde, tous nos politiques n’ont que ce mot à la bouche : “la croissance”.
Une croissance indispensable pour financer nos avantages sociaux, nos équipements, nos politiques sociales ou économiques…oui mais une croissance jusqu’où…?
L’avenir nous permettra-t-il cette croissance, alors que l’énergie pétrole ou gaz se raréfie…certes des énergies nouvelles se substitueront au pétrole, l’uranium, le solaire…mais pour les extraire, pour les fabriquer nous aurons besoin de ce pétrole ou de ce gaz…..un cercle vicieux! 
Tant d’autres questions se posent :  l’eau est de plus en plus souvent polluée, et tous n’en disposent pas de façon égale, l’énergie bon marché autrefois devient de plus chère et rare, nombre de minéraux ou de matériaux sont en cours d’épuisement,  des espèces animales ou végétales ont disparu ou sont en voie de disparition, les événements climatiques extrêmes sont de plus en plus fréquents et graves, les sols sont de plus en plus dégradés, érodés, stériles…, Tous ces phénomènes vont accroître les inégalités entre les peuples et les pays mais aussi au sein de chaque nation.
Certains subiront de plein fouet tous ces désagréments alors que d’autres en seront relativement protégés.
J’ai longtemps hésité à emprunter cet ouvrage et à le lire. J’en connaissais la fin, j’en connaissais, comme nous tous le déroulement, le propos. J’avais besoin d’une analyse fouillée et argumentée de notre situation, d’une analyse faisant référence.  
  • “Pour maintenir notre civilisation en état de marche, il faut sans cesse augmenter notre consommation et notre production d’énergie. Or nous arrivons à un pic.” 
Autre pic : le TRE : le taux de retour énergétique , c’est à dire le rapport entre l’énergie produite et l’énergie investie pour la produire…Pablo Servigne écrit Pages 52 et 53 :
  • “Au début du XX° siècle, le pétrole étasunien avait un fantastique TRE de 100:1 (pour une unité d’énergie investie, on en récupérait 100). On creusait à peine, le pétrole giclait. En 1990, il n’était plus que de 35:1 et aujourd’hui, il est d’environ 11:1. À titre de comparaison, le TRE moyen de la production mondiale de pétrole conventionnel se situe entre 10:1 et 20:1. Aux Etats-Unis le TRE des sables bitumineux est compris entre 2:1 et 4:1, des agrocarburants entre 1:1 et 1,6:1 (10:1 dans le cas de l’éthanol fabriqué à base de sucre de canne) et du nucléaire entre 5:1 et 15:1. Celui du charbon est d’environ 50:1 ‘en Chine, 27:1) du pétrole de schiste d’environ 5:1 et du gaz naturel d’environ 10:1. Tous ces TRE sont non seulement en déclin, mais en déclin qui s’accélère, car il faut toujours creuser de plus en plus profond, aller de plus en plus loin en mer et utiliser des infrastructures de plus en plus coûteuses pour maintenir le niveau de production.”
Le message de Pablo Servigne sera-t’il entendu ? Je crains que non. Nous sommes embarqués dans une course folle, dans laquelle chacun dit “jusque là ça va…..jusque là ça va…!” Pour combien de temps encore ? Mais ne sommes nous pas arrivés au bout ?
Pourrons nous faire face à l’arrivée croissante de peuples fuyant la sècheresse, le manque d’eau, de nourriture, la chaleur accablante? Comment parviendrons nous à passer durablement cette raréfaction des énergies, des matières premières ? Sommes nous préparés ? 
  •  “L’effondrement n’est pas la fin mais le début de notre avenir. Nous réinventerons des moyens de faire la fête, des moyens d’être présent au monde et à soi, aux autres et aux êtres qui nous entourent. La fin du monde ? Ce serait trop facile, la planète est là, bruissante de vie, il y a des responsabilités à prendre et un avenir à tracer. Il est temps de passer à l’âge adulte.” (P. 256)

Éditions du Seuil –  2015 – 268  pages

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