Les activités de l’usine Orano-Malvési à Narbonne sont-elles polluantes ?

29 novembre 2024 : le « Collectif Vigilance Malvési » a tenu une conférence de presse pour rendre compte de son action

Compte tenu de l’importance d’ enjeux économiques ou politiques, certaines activités industrielles, potentiellement à risque, ont du mal à générer une information complète et transparente, même lorsqu’il s’agit de publics susceptibles d’être impactés. C’est le cas de la filière nucléaire en France, pays pourtant réputé démocratique. De telles pratiques semblent impliquer que, pour leurs auteurs, le public ne serait pas en mesure de comprendre les enjeux en cours et que ses éventuelles réactions sont estimées potentiellement nuisibles à la ″bonne marche″ des installations, mais aussi à la mise en œuvre de nouveaux projets…
C’est faire peu de cas des capacités d’expertise de la société civile qui dispose actuellement en son sein des moyens intellectuels d’investigation et d’analyse nécessaires au suivi de ces activités et projets et à l’évaluation des conséquences de leur fonctionnement

Arrivée d’un transport d’uranium en gare de Narbonne le 29/11/2024 (photo Collectif Vigilance Malvési)

A Narbonne, à trois kilomètres du centre-ville et au cœur de l’agglomération du Grand Narbonne, l’usine Orano-Malvési raffine et traite le concentré d’uranium appelé « yellow cake » importé par la France : il s’agit de la 1ère étape dans la production de combustible nucléaire. Par ailleurs cette usine stocke des effluents issus de ses activités ainsi que des déchets nucléaires évalués à + de 1.000.000 m3.
La proximité de ces activités avec des zones habitées a suscité de l’inquiétude au sein de la population Narbonnaise. Beaucoup d’habitants, informés des activités de l’usine, se déclarent peu convaincus par la communication lénifiante de l’industriel Orano. C’est ainsi qu’est né le ″Collectif Vigilance Malvési″

Le Collectif Vigilance Malvési

Il réunit diverses organisations à caractère anti-nucléaire ou plus généralement de défense de l’environnement comme :  Sortir du Nucléaire 11, Arrêt du Nucléaire 34 et Greenpeace 34 auxquelles s’associent d’autres personnes issues d’associations locales comme ECCLA et TCNA. Le but du collectif est de surveiller la pollution produite par les activités de l’usine Orano qui génère des déchets chimiques et radioactifs, rejetés pour partie dans l’environnement. Cette surveillance citoyenne est exercée depuis 2020.

Prélèvements autour du site Orano_Malvési (photo ADN 34)

Le collectif a établi un partenariat avec la CRIIRAD afin de bénéficier d’un accompagnement scientifique de ses travaux. Ceux-ci consistent à réaliser des campagnes de prélèvements dans les trois milieux (sol, air, eau) autour et à différentes distances de l’usine. Ces prélèvements sont effectués au moyen de compteurs Geiger par des bénévoles formés à cette activité. Les échantillons sont ensuite analysés dans les laboratoires de la CRIIRAD.
A cette surveillance sur le terrain s’ajoute un travail d’analyse des documents relatifs à l’activité de cette usine.

Un bilan édifiant de la campagne de prélèvements

Le 29 novembre dernier, le Collectif Vigilance Malvési et la CRIIRAD ont donné conjointement une conférence de presse afin de présenter un bilan d’étape de leur campagne.
L’étude visait à mesurer l’importance des retombées d’uranium sur la végétation, mais aussi de vérifier l’état de nappes aquifères avoisinantes. Un travail de collecte des poussières a été réalisé, particulièrement sur des feuilles d’eucalyptus et de cyprès, choisies en raison de leur longévité Les mesures ont été effectuées à différentes distances du site de Malvési ,mais aussi en fonctions des différentes directions des vents qui soufflent sur la Narbonnaise.

Les résultats qui mesurent la dispersion d’uranium sur la végétation varient en fonction de la distance et de l’orientation des lieux de prélèvement, mais ils ont tout d’abord permis de constater la réalité et l’importance de cette dispersion.

  • A 300 mètres à l’est des clôtures de l’usine, sur la haie de protection nord-est une concentration d’uranium 100 fois supérieure au niveau naturel a été mesurée.
  • A l’ouest à 45 mètres du portail de l’usine elle est de 20 fois supérieure
  • A 4,7 km à l’est/sud-est les retombées d’uranium sont encore décelables : elles sont de l’ordre de 2 fois le niveau naturel (82,8 ng/g). Il en est de même à2 km sud-est au niveau de la déchetterie (98,9 ng/g).

Voir le rapport et la cartographie établie par le CRIIRAD :

https://www.criirad.org/wp-content/uploads/2024/12/Malvesi-CRIIRAD-29-nov-2024-VF4.pdf

Quelles conséquences pour la santé des populations avoisinantes ?

Si ce rapport confirme l’importance de la dispersion d’uranium par la voie aérienne, la pollution générée par l’usine Orano ne s’arrête pas là. Ainsi une étude réalisée en 2015 pour Areva (ancien nom d’Orano) établit que les effluents nitratés stockés dans les bassins d’évaporation contiennent 47 substance radioactives différentes, dont certaines fortement radiotoxiques par inhalation (thorium 230, actinium 227, plutonium 238, etc.). Ces bassins ne sont pas couverts et « dispersent de fines gouttelettes » lors des épisodes venteux.

A ces polluants radioactifs s’ajoutent des polluants chimiques : fluorures, dioxines, nitrates, ammonium, chlorures, métaux lourds variés.

Les effets sur la santé de ces divers polluants sont bien documentés : ils peuvent provoquer toutes sortes de cancers, mais aussi des troubles neurologiques, des anomalies génétiques, voire des atteintes à la fonction reproductive.
Selon Bruno Chareyron, l’expert de la CRIIRAD qui suit le dossier, l’exposition à des doses même faibles, présente un danger dans la mesure où elle est permanente pour plusieurs substances.

Cette situation problématique semble avoir tout de même attiré l’attention des autorités puisqu’une Étude Radiologique de Site (ERS) a été démarrée par l’IRSN en 2021 pour une période de 3 ans. Ses résultats ne sont actuellement pas connus.

Face à l’exposé de la situation par le collectif, les réactions de l’industriel ORANO, rapportées dans la presse locale et dans le rapport du CRIIRAD, relèvent d’une communication classique à ce type d’entreprises classées (ICPE, INB, etc). En substance : « la surveillance de l’activité est conforme aux prescriptions règlementaires et les mesures relevées ne dépassent pas les normes légales »…

Face à ce genre de réponse il est d’autant plus nécessaire que le Collectif Vigilance Malvési continue son travail de veille, de documentation et d’alerte.

Hubert Reys pour le Clairon de l’Atax le 06/12/2023

Contacts presse :

CRIIRAD
Bruno CHAREYRON
Conseiller scientifique
bruno.chareyron@criirad.org

Collectif vigilance Malvezy
Eric LATRILLE
Préleveur citoyen
eric.latrille@gmail.com

 

 

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