V ème République : jusqu’où subirons-nous ses institutions obsolètes ?

Faut-il compter sur des catastrophes ou des crises majeures pour que s’opèrent les changements de gouvernance qui s’imposent ?

Monarque et son premier ministre (Image par Leonhard Niederwimmer de Pixabay)

La campagne des présidentielles de 2022 déroule ses artifices dans un climat politique où la ruse semble avoir pris le pas sur l’intelligence.
Il y a les candidats Macron et Zemmour, non officiellement déclarés, qui jouent la montre : l’un pour faire campagne en abusant de son statut de président, l’autre pour éviter des questions trop précises sur ce qu’il ferait en tant que « Président de tous les Français ». Du côté de la gauche comme de la droite, chacun des candidats, tout en prétendant partager les mêmes valeurs mais revendiquant des sensibilités différentes (quels mots étranges dans leur bouche alors que tous, hormis les extrêmes, partagent les mêmes référentiels néolibéraux !), pense être le mieux placé pour gagner. Le contenu de leurs programmes est tout juste esquissé par les médias, au profit de longs commentaires sur des sondages pourtant présentés  comme des photographies partielles et incertaines de l’opinion à un moment donné. Et lorsqu’un candidat ou ses soutiens s’étendent un peu trop sur les fondements et contenus de leur projet de gouvernance, le  ou les interviewers se hâtent de les couper : « trop long, faut faire le buzz coco ! ».
Tout semble fait pour stimuler les affects de l’électeur potentiel et le faire voter pour un candidat dont il ne connait que peu de ses projets et dont il ne mesure pas ce que ceux-ci impliquent…

Ce spectacle électoral dure depuis plusieurs décennies et à chaque fois il perd de nombreux spectateurs qui s’abstiennent aux échéances suivantes, tandis que la classe politique feint de se tordre les bras de désespoir devant tant d’incivisme.

Depuis le début de son mandat présidentiel E. Macron semble appliquer ce postulat : « on gouverne mieux le peuple sans le peuple ». (1). Cette position est étonnante de la part de quelqu’un qui proclame « Urbi et orbi » que la France est une démocratie.

Ce mode de gouvernance quasi-monarchique semble trouver ses limites dans des réactions populaires de plus en plus dures et des refus qui remettent en cause le pouvoir exécutif et l’autorité de l’État. Cette situation est particulièrement inquiétante au moment où nous affrontons durablement une crise environnementale mondiale qui ne peut que se renforcer. Cette crise provoque des situations de syndémie comme actuellement celle de la Covid-19 (2).

Ce qui est apparu dans la lutte contre le Coronavirus, c’est le rôle essentiel de l’État. L’État non pas réduit aux décisions de son exécutif, mais l’État mobilisé par les initiatives de ceux qui font fonctionner ses services et qui ont pallié dans la mesure du possible les erreurs, voire les méfaits, des politiques gouvernementales actuelles et passées. Nombreux ont été ceux qui ont accepté de travailler autrement, dans d’autres conditions moins favorables, car ils avaient pris la meure de la situation.

Pour être efficace la réponse à la crise environnementale et à ses manifestations syndémiques implique un changement radical des comportements et des modes de vie. Aux changements imposés par les gouvernements à leur population, répondent de plus en plus des réactions de rejet, de blocage, parfois violents parfois à caractère insurrectionnel, comme en témoigne l’actualité en France et dans des pays voisins pourtant réputés démocratiques. 
Ce qui est en cause c’est l’incapacité des gouvernants à associer les citoyens à la préparation et à la prise de décision. Comment imaginer que des personnes soient indéfiniment tenues à l’écart de décisions qui bouleverseront radicalement leur existence alors qu’elles témoignent de capacités de résilience ?

Hélas, cette incapacité à faire participer les citoyens à la prise de décision semble être encore une tendance lourde,  qui traverse tous les niveaux de la classe politique, du gouvernement jusqu’à la commune. Rares sont les exécutifs qui pratiquent une vraie concertation avec ceux qui leur ont confié le pouvoir.

Faut-il compter sur des catastrophes ou des crises majeures pour que s’opèrent les changements de gouvernance qui s’imposent ? Dans quel climat de violence cela se fera-il ? Et avec quelle efficacité sur le changement climatique et la dégradation de l’environnement ?

Hubert Reys pour le Clairon de l’Atax le 21/11/2021

 

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Notes:
  1. cf. l’article « Démocratie directe ou démocratie représentative ? » dans la présente édition
  2. source Wikipédia : Une syndémie caractérise un entrelacement de maladies, de facteurs biologiques et environnementaux qui, par leur synergie, aggravent les conséquences de ces maladies sur une population.

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