Et si on parlait un peu de Robespierre ?

C'est fou tout ce qu'on met sur le dos de Robespierre, alors que l'Histoire fourmille d'exemples de monarques ou de crapules en tout genre qui ont fait bien pire et dont on ne parle presque jamais. Il est vrai que Robespierre était républicain et les autres pas, même si certains essayaient de s'en coller l'étiquette.

L’éternel débat! Robespierre l’affreux, le hideux même, ou Robespierre le révolutionnaire, l’incorruptible, le seul, le vrai… Calmons le jeu avec un peu d’humour, voulez-vous ? Ne serait-ce que parce que la cruauté du bonhomme n’est pas forcément le sujet numéro un de l’actualité d’aujourd’hui. Mais oui, il y a la canicule, le pouvoir d’achat, le plan d’économies énergétiques, le covid, le Tour de France, la coupe du Monde, les interminables funérailles de la Reine d’Angleterre qui coûteraient 0,2% du PIB de septembre  … Alors Robespierre… Pff !

Maximilien-Robespierre (Image par Vizetelly de Pixabay)

Commençons cependant par demander à ceux qui honnissent la révolution à cause de la Terreur (j’en connais, et des convaincus) s’ils se sentent républicains, oui ou non… Pas « peut-être », mais « oui ou non », soyons clairs !…

Si c’est non, alors bien sûr ils sont libres de professer leur amour immodéré de ces monarchies désuètes, voire ridicules, qui perdurent aujourd’hui ici et là, leur trouver des qualités indiscutables et tellement émouvantes, comme celle qui consiste à se féliciter chaudement qu’un roi ou une reine ne puisse mieux que personne grâce à son élégance naturelle représenter le ciment de la nation, l’incarner de si belle façon etc, etc… Les républicains dont j’ai l’honneur de faire partie n’ont alors pas grand-chose à leur dire, sinon de rester dans leurs rêves et de tenter d’y subsister sans mélancolie mortuaire.

Mais si c’est oui, là on va pouvoir discuter. Parce qu’on est du même camp, vous et moi et c’est tant mieux. Donc vous approuvez sans doute, comme votre serviteur, le fait indiscutable que la Révolution Française ait aboli quinze siècles de féodalité, d’absolutisme, de pouvoir royal transmissible de siècle en siècle et auquel on ne pouvait hélas pas changer quoi que ce soit ?… Oui ?… Bon ! C’est bien ! On avance ! Voilà de bonnes bases.

Ah ! Une main se lève dans la salle. « Oui, mais il fallait le faire sans toutes ces horreurs », dites-vous… Ah!… Saine réflexion. Mais vous en connaissez beaucoup, des combats pour la libération qui se soient déroulés sans violence? Vous en connaissez beaucoup des puissants qui se soient mis à partager de leur plein gré richesse, pouvoir et tutti quanti ? Il semble bien plutôt qu’il ait toujours fallu tout leur arracher, car leur générosité, on ne sait pas trop pourquoi, a invariablement présenté de fort navrantes limites… Cette fichue révolution s’est donc mise au travail et patatras, elle a dérapé. Enfin, c’est ce que disent ceux qui n’acceptent pas l’idée de casser quelques œufs pour mitonner l’omelette.

Donc la Terreur, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, est selon vous indéfendable avec ses trente millemorts ?… Oui, c’est vrai, c’est beaucoup, c’est trop, assurément. Mais c’était la guerre, madame, et elle était partout, monsieur. A l’extérieur du pays de même qu’à l’intérieur, car la contre-révolution était plusqu’active. Ceux qu’on tentait de déplumer ne se laissaient pas faire ! « Non mais, qu’est-ce donc qu’ils nous veulent, ces gueux !… » Pas très arrangeants, les ennemis du peuple… Il a donc fallu trancher. Oups ! Pardon pour cette expression peut-être mal choisie dans ce contexte… Mais la lutte contre l’ennemi en 14/18 par exemple, nous a coûté autrement plus cher, non? Et toutes les autres contre les oppresseurs dictatoriaux qui ont pu suivre en Europe, en Russie, en Asie, encore plus, non ? Et je nevous parle pas de la bombe atomique qui a fait instantanément cesser la guerre, mais à quel prix !

Ah non, ne hurlez pas, je vous prie ! Je ne suis pas en train de défendre tous ces massacres odieux. Non, non, non ! Juste dire qu’ils ont hélas été d’une autre ampleur que la Terreur initiée par les dirigeants de la révolution française, lesquels ont dû, les pôvres, se demander plus d’une fois comment faire pour que tout ne revienne pas en arrière.

« Oui mais les anglais, par exemple, sont arrivés à créer un état moderne sans révolution comme la nôtre » … Euh, peut-être, mais leur histoire est pas mal marquée d’autres performances de tout premier acabit question massacres, non ? Du temps des Tudor, Plantagenet, Lancastre et autres Cromwell, on y allait gaiement ! Et même en France, la seule prise de Béziers lors de la croisade des Albigeois a fait à elle seule trente mille morts. Tiens, trente mille ? Comme la Terreur, mais cinq cents ans auparavant et sans que cela ne choque quiconque. Donc allez ! Papauté contre révolution : un partout… Balle au centre. Sauf qu’on trouve cela abject concernant 1793 et 1794, mais pas concernant 1210. « Etonnant, non ? » aurait dit feu Desproges.

Eh oui, nous n’avons pas appris ce paradoxe de l’histoire de France lors de notre scolarité. Pas un mot des massacres de la chrétienté, encore moins de ceux de la colonisation. Juste cette plaie douloureuse d’une révolution ensanglantée… Ah ! Cet horrible Saint Just, ce glacial Robespierre, ce féroce Marat, des bêtes, pas des hommes, monsieur !…

Et pourtant, les historiens le savent à présent, l’homme, certes froid et pas forcément drôle tous les jours, n’avait rien d’un monstre. Rien. Un désir enflammé d’abattre l’absolutisme, ça oui, un besoin de transcendance qui lui a fait inventer l’être suprême pour remplacer (maladroitement il est vrai), ce Dieu qui hurlait avec les loups dans le camp d’en face, et surtout cette obsession de la contre-révolution qui était partout, aux frontières, dans les rues, dans les caves et les greniers, prête à frapper elle aussi. Obsession qui n’a en effet pas été sans conséquence sur la suite des événements.

Mais au bout du compte, le bonhomme est allé jusqu’à abandonner sa propre vie en refusant d’arbitrer le conflit entre la Convention qui l’avait mis hors la loi et le Peuple prêt à le défendre, jugeant la légitimité des deux inaliénable. Qui d’autre aurait osé cela ? Lui l’a fait et y a perdu sa tête.

Ah quel horrible individu…

A bon entendeur !…

Patrick Chevalier pour le Clairon de l’Atax le 18/09/2022

 

 

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