Pesticides : peu de progrès à attendre

Par quelle magie des eaux polluées sont-elles devenues potables ?

L’agro-industrie semble avoir encore de beaux jours devant elle. Favorisée pas nos institutions, nationales ou européennes elle peut espérer continuer à produire et à vendre des intrants reconnus ou présumés toxiques pour le vivant. C’est le cas du glyphosate dont l’approbation de mise sur le marché risque d’être reconduite par l’Union Européenne, c’est aussi le cas du polluant ESA-métolachlore dont la concentration supérieure aux limites sanitaires avait été étable pour 17% des eaux potables françaises.

Épandage-de-Glyphosate (Image par Th G de-Pixabay)

Le cas du Glyphosate
La Commission européenne doit trancher avant le 15 décembre 2022 sur la reconduction ou non de l’autorisation de mise sur le marché de l’herbicide Glyphosate. Pour ce faire elle doit s’appuyer sur les consignes du Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux (Scopaff) composé de représentants des divers gouvernements nationaux de l’ Union Européenne (UE).  Nombre de ces représentants se sont abstenus le 14 octobre, lors du vote pour le renouvellement de cette autorisation de mise sur le marché. Ces abstentions ont entraîné le renvoi de la décision au 15 novembre à un comité d’appel qui lui non plus n’a pas tranché.
Ce sera donc, en l’absence de décision de ces instances, à la Commission européenne de trancher. Nul doute qu’elle penchera pour la prolongation d’un an de l’autorisation du Glyphosate, au prétexte de laisser à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) le temps de finir ses travaux et de donner son avis en juillet 2023 sur la toxicité du Glyphosate.

Rappelons que le glyphosate est considéré comme « cancérogène probable » pour les humains depuis 2015 par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et que la décision de l’Efsa se basera sur des études de toxicité fournies par les industriels de l’agrochimie.

Eau potable (Image par Jerzy Górecki de Pixabay)

 Le cas de l’ESA-métolachlore
Au début il y a un herbicide le  S-métolachlore : il est très utilisé, on le répand un peu partout dans les cultures où il se dégrade en un métabolite appelé ESA-métolachlore qui contamine les réseaux aquifères donc les captages d’eau potable. Or l’herbicide S-métolachlore vien d’être classé comme cancérigène suspecté dans un rapport de l’ECHA publié le 2 juin 2022 (*) ce qui pose la question de la dangerosité pour la santé de son métabolite l’ESA-métolachlore.
Des règles prudentielles établies dans les années 1980 par l’Union Européenne, puis reprises par la France, fixent à un plafond de 0,1 microgramme/litre (µg/L) la quantité de métabolites classés « pertinents » (1) : au dessusde ce plafond l’eau est déclarée non potable.. Lorsqu’un métabolite est classé « non pertinent » ce taux est relevé à 0,9 microgramme/litre (µg/L) pour un classement en « non potable »
Or des prélèvements effectués entre janvier et août 2022 ont établi que 17 % des 16.845 prélèvements effectués montraient un taux d’ESA-métolachlore supérieur à la limite de 0,1µg/L règlementaire pour qu’une eau potable !

De tels résultats risquaient d’impacter le chiffre d’affaires des industriels des pesticides. Grâce à ce que l’association Générations Futures a qualifié de « Un remarquable tour de passe-passe », de nouvelles études produites par le groupe Syngenta, un des fabricants du S-métolachlore, ont mis en doute (à la baisse) le potentiel génotoxique de l’ESA-métolachlore qui aurait été jusqu’alors mal évalué par des études partielles et désuètes. (2)  Et c’est sur la base de cette argumentation que l’ANSES, faisant fi du principe de précaution, a fait passer le classement du métabolite de « pertinent » à « non pertinent ».
Désormais il faut qu’une eau contienne plus de 0,9µg/L pour être classée non potable !

Du coup la pollution des eaux a beaucoup diminué : il n’y a plus qu’1% de prélèvements contaminés dans le Finistère contre 66% selon les anciennes normes ; dans le Gers les eaux déclarées non-potables ne représentent plus que 5% des prélèvements contre 55% avant, etc. Les eaux polluées sont redevenues administrativement potables
Le soulagement est grand : pas seulement chez les industriels qui vont pouvoir continuer à produire et vendre leurs herbicides, mais aussi du côté de l’État et des collectivités pour qui ce changement de normes permet de différer, en partie, les importants investissements nécessaires à la fourniture d’une eau potable réellement saine.

Louise B. Velpeau pour le Clairon de l’Atax le 19/11/2022

 

(*) https://echa.europa.eu/documents/10162/547bad35-9c97-d1c2-3c31-030102525e79

 

 

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Notes:
  1. qui peuvent présenter un risque pour la santé
  2. ndlr. : Selon la réglementation c’est aux industriels d’apporter les preuves de l’innocuité de leurs produits

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