Où allons-nous ?

Quand le peuple s'en mêle ?

   Dans 6 mois, au soir du 22 mars 2026, nous devrions savoir de quoi les nouvelles municipalités seront faites. Actuellement, la confusion qui règne dans le monde politique est telle, que toute prédiction serait aussi plausible que son contraire.   
   Les calculs et stratégies politiques des partis se trouvent confrontés à un espace mouvant où s’entremêlent les enjeux des municipales, ceux des présidentielles et ceux des législatives.
   
Dans ce contexte instable, susceptible d’être bouleversé à tout moment, où la défiance envers la classe politique ne cesse de croitre, la question du comment attirer les suffrages des électeurs se pose plus que jamais aux appareils des partis. Mais les partis politiques sont-ils encore dans la course ?

Vote (Image par Gerd Altmann de Pixabay)

Les partis réduits à un rôle de sélection des candidats aux élection ?

   La formule est de l’historien / sociologue Pierre Rosanvallon qui constate que les partis sont de plus en plus absents de la vie sociale, des lieux et moments de vie des gens, alors qu’ils en étaient jadis des acteurs. Beaucoup d’élus objectent à cela qu’ils vont sur le terrain, dans leur circonscription, leur commune, leur quartier, mais qui rencontrent-ils, en dehors des présences symboliques à telle ou telle manifestation ? Le plus souvent ils s’adressent à des milieux particuliers et organisés, à caractère politique ou économique, qui leur renvoient une image partielle du « terrain » …D’où le reproche de plus en plus exprimé par les gens : « nos élus ne connaissent rien à nos vies »
Alors parfois, comme dans l’exemple qui suit, on assiste à des initiatives édifiantes….
A l’approche des municipales, un candidat à la fonction de maire d’une ville moyenne, conseiller municipal de cette commune depuis plus d’une dizaine d’années, lance une enquête auprès de ses concitoyens pour connaître ce qu’ils souhaitent pour leur ville…  Méconnaissance réelle et avouée, ou artifice électoral ? Comment justifie une telle démarche ?  

Les réactions du public au système actuel de gouvernance se radicalisent

   Cela se traduit d’abord par une augmentation constante des abstentions, qu’il s’agisse des élections nationales ou locales. L’exception des législatives de 2024 confirme la règle, dans la mesure où elle constituait une réaction des électeurs qui ressentaient la dissolution de l’Assemblée nationale comme une manipulation politique.
 Cette défiance du public qui s’exprime dans les urnes, mais aussi dans la rue par des manifestations spontanées ou organisées, s’est progressivement cristallisée en rejet général de la classe politique. Les reproches portent autant sur la forme de gouvernance, que sur son contenu et ses résultats. Depuis une vingtaine d’années, nos gouvernants, largement inspirés par un courant d’idéologie néo-libérale préconisant une gouvernance basée sur un État fort (1), a diffusé et exercé un mode de fonctionnement de la société opposant une ″élite″, censée disposer des capacités nécessaires à l’exercice du pouvoir, à une ″masse″ d’individus réputée incapable d’organiser son destin. Le suffrage universel était le moyen par lequel les citoyens déléguaient à l’″élites″ la mission de les représenter et garantissait le caractère démocratique de ce mode de gouvernement.
   Cette dichotomie fonctionnelle entre l’″élite″ et la ″masse″ s’est rapidement traduite par un mépris des ″élites″ envers ceux qu’ils étaient censés représenter. Qu’il s’agisse du chef d’État Macron, où de ses affidés de la classe gouvernante : les exemples de dédain du ″bon peuple″ fourmillent (« kwassa kwassa » (Mayotte), « les gaulois réfractaires », « les gens qui ne sont rien », « traverser la rue », « les français ne comprennent pas » (Guérini), ou « Simone, Jojo et Jeannot » (prénoms métonymiques des Français moyens, vus par Bayrou).
   Mais cette forme d’État dirigé par une ″élite″ qui pense et organise la vie du plus grand nombre est actuellement en faillite. Les ″gens d’en bas″ (2) ne trouvent pas leur compte : la réalité diffère trop de ce qui leur avait été promis en échange de leurs efforts : le modèle économique, tant vanté, ne fonctionne pas, la dette se creuse et des efforts supplémentaires leur sont demandés, par une classe gouvernante qui les trompe et les méprise…

 De la crise du modèle néolibéral français à la reconquête citoyenne

   Cette crise entraine un fonctionnement de plus en plus autoritaire de l’État qui tente de maintenir en place la gouvernance des ″élites″.  Au développement des moyens de  coercition et de conditionnement de l’opinion, s’ajoutent des contournements de plus en plus fréquents du pouvoir législatif. Tout cela alimente une crise de la représentation, qui s’ajoute aux incertitudes sur le fonctionnement et les conséquences des prochaines échéances électorales.
   En réaction à cette crise, de nouvelles formes d’action et d’organisation apparaissent en dehors du champ politique balisé par les partis. Il s’agit d’une sorte d’émancipation du cadre politique traditionnel qui s’organise peu à peu sous des formes plus ou moins instituantes.  Au ras le bol insurrectionnel des gilets jaunes ont succédé des actions plus ciblées et calculées dans leurs effets. Ces actions émanent de collectifs qui se constituent et s’organisent autour d’ objectifs comme :

  • Mettre en échec, à partir d’initiatives citoyennes, des meetings du Rassemblement National en organisant un évènement culturel simultané qui accapare l’opinion
  • Organiser le 10 septembre dernier une journée « Bloquons tout », en guise de lancement symbolique de la rentrée sociale 2025, hors du cadre habituel des manifestations, pour exprimer une forte opposition à la politique en cours, tout en appelant à une prise en compte des revendications sociales.
  • Lancer par une initiative individuelle, une pétition contre la loi écocide Duplomb, sur le site de l’Assemblée Nationale, pétition qui a recueilli plus de 2 millions de signatures

   Ces initiatives citoyennes réussies entrainent avec elles des organisations qui sont habituellement promotrices des mouvements sociaux…Désormais cette dynamique s’étend aux élections. Ici et là se constituent des collectifs qui visent à rétablir un mode de représentation plus juste, où le choix des candidatures ne relève plus seulement des négociations internes aux partis politiques, mais d’un choix exercé par un ensemble de citoyens auxquels les candidats qui seront élus rendront compte de l’exercice de leur mandat…

Utopie ? Peut être oui, peut être non, on verra bien…

Hubert Reys pour le Clairon de l’Atax le 21/09/2025

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Notes
  1. cf le rôle de l’État selon Walter LIppmann[]
  2. expression employée par Michel Barnier & Lionel Jospin[]
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